Musique. Billie Eilish part en croisade contre le “body shaming”

Le 9 mars, Billie Eilish a lancé à Miami sa tournée mondiale. Et la jeune chanteuse a profité de ce premier concert pour dénoncer les attaques dont elle est victime à cause de son physique (body shaming, en anglais) et “les attentes inacceptables que le monde de la musique fait peser sur les femmes”, rapporte NME. Comme beaucoup d’autres médias, le site musical britannique salue le courage et la pertinence de cette intervention. “Et les réactions suscitées montrent combien il était nécessaire de le faire”, ajoute-t-il.

Un monologue très fort

Lors du concert, Billie Eilish a projeté un clip la montrant en train d’enlever un à un les vêtements amples qui lui sont coutumiers, elle qui refuse de se laisser sexualiser, tout en s’immergeant lentement dans ce qui ressemble à “une fosse de visqueux goudron noir”, relate NME. Sur ces images, elle finit en soutien-gorge, tandis que sa voix préenregistrée retentit : “Certains n’aiment pas ma manière de m’habiller, d’autres adorent ; certains s’en servent pour faire honte à d’autres ou pour me couvrir de honte.” L’artiste, âgée de 18 ans, poursuit en ces termes :

Vous voudriez que je sois plus petite ? Plus faible ? Plus douce ? Plus grande ? Vous aimeriez que je sois plus sage ? Est-ce que vous trouvez mes épaules provocantes ? Et ma poitrine ? Est-ce que je suis mon ventre ? Mes hanches ? Le corps avec lequel je suis né, ce n’est pas celui que vous vouliez ? Si je mets des habits confortables, je ne suis pas une femme. Si j’enlève des couches de vêtements, je suis une salope. Bien que vous n’ayez jamais vu mon corps, vous le jugez et vous me jugez à cause de lui. Pourquoi ?

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“Dans ce monologue très fort, Eilish met l’accent sur une situation paradoxale qui lui a toujours collé à la peau durant toute sa carrière, ainsi qu’à celle des femmes qui l’ont précédée”, commente NME. Et que plusieurs journaux, dont les tabloïds britanniques The Sun ou The Daily Mail, aient choisi des titres racoleurs pour rapporter la nouvelle – annonçant d’abord que la chanteuse s’était déshabillée en plein concert avant de préciser dans quel but – ne fait que reproduire ce même mécanisme, selon le site. C’est l’occasion ici de rappeler que Billie Eilish n’a que 18 ans”, insiste-t-il.

Le lot de toutes les femmes qui réussissent

Avec la sortie de son premier album, When We All Fall Asleep, Where Do We Go ?, Billie Eilish a été l’une des grandes révélations musicales de l’année 2019. En janvier dernier, la chanteuse a été la première femme, et la plus jeune artiste de l’histoire des Grammy Awards, à repartir avec les quatre récompenses les plus prestigieuses (“révélation de l’année”, “chanson de l’année”, “enregistrement de l’année” et “album de l’année”). En février, elle est devenue la plus jeune artiste à avoir composé la bande originale d’un James Bond.

Mais “en devenant une star, Billie Eilish a également été submergée par les questions habituelles et fatigantes qui sont le lot de quasiment toutes les femmes qui réussissent”, regrette NME. Le magazine ajoute :

Il faut toujours qu’on rappelle que c’est son frère Finneas qui écrit et produit une grande partie de ses chansons. Dans le milieu de la musique pop, ce genre de critique est bien plus souvent adressée aux femmes qu’aux hommes qui disposent de leurs propres équipes de collaborateurs pour le travail de création. C’est très révélateur.”

“Respect à Billie Eilish !”

“C’est usant, d’autant plus que l’on en parle depuis des dizaines d’années”, écrit NME. Sans remonter loin dans l’histoire de la musique, le site britannique rappelle que Christina Aguilera, en 2002, dans son album Stripped, avait elle aussi tenté d’ouvrir le débat sur ces sujets. “On l’avait à la fois félicitée d’avoir mis ses émotions à nu dans Beautiful et on l’avait couverte de honte pour Dirrty, sous-entendu : la vulnérabilité n’est acceptable que lorsqu’elle prend une forme qui n’est pas menaçante.

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Le clip de Billie Eilish n’est d’ailleurs pas sans rappeler celui de la chanson Stripped Intro, de Christina Aguilera, tant dans les images que dans son propos, relève NME. L’Américaine y chantait, “Désolée si je dis ce que je pense / Désolée si je ne fais pas ce qu’on me dit / Désolée si je ne fais pas semblant / Désolée si je suis trop vraie.” Le site britannique conclut en ces termes :

Près de vingt ans après, les artistes féminines
sont toujours tenues de respecter les mêmes critères impossibles.
Respect à Billie Eilish de dire les choses telles qu’elles sont !”