A Mossoul, les civils pris entre deux feux

Les civils à Mossoul sont pris entre deux feux et les morts s'accumulent parmi la population à mesure de l'avancée des forces pro-gouvernementales irakiennes engagées dans l'ultime bataille pour reprendre la ville aux djihadistes de Daech. /Photo prise le 18 mars 2017/REUTERS/Youssef Boudlal

par John Davison MOSSOUL, Irak (Reuters) - Les civils à Mossoul sont pris entre deux feux et les morts s'accumulent parmi la population à mesure de l'avancée des forces pro-gouvernementales irakiennes engagées dans l'ultime bataille pour reprendre la ville aux djihadistes de Daech. Shihab Ayed peut en témoigner. Accompagné de plusieurs autres hommes, il pousse une charrette chargée des cadavres de sa femme et de leur fils de trois ans et demi, enveloppés dans une couverture. On est à trois kilomètres environ de chez eux. Leur maison, qui se trouvait dans une zone que les combattants de l'Etat islamique (EI) contrôlaient encore en début de semaine, a été détruite dans un bombardement aérien. En plusieurs jours, il y a eu 21 morts, dit-il, des proches et des voisins. "Trois maisons ont été détruites lors de deux bombardements", raconte-t-il. "Les combattants de l'EI tiraient de chez nous, ou bien ils allaient dans la rue pour tirer et revenaient dans la maison. Quinze minutes plus tard, il y a eu le bombardement". "On a retiré les corps des décombres", poursuit-il, en larmes. "Maintenant, on va les enterrer. Et puis, je reviendrai chercher mes trois filles", qui, elles, ont survécu, dit-il. Derrière sa charrette, en arrivent quatre autres, dans cette ruelle boueuse de Mossoul. Au total, ce sont 15 corps qu'il faut aller enterrer. Les emmener d'abord à l'aéroport et de là, un autocar pourra les emporter dans le plus proche village pour les mettre en terre. DES FAMILLES ENTIÈRES Les organisations de défense des droits de l'homme s'inquiètent du nombre croissant de morts parmi la population civile dans la bataille pour la reconquête de Mossoul-Ouest. Human Rights Watch estime par exemple que les forces du ministère de l'Intérieur ont récemment eu recours à des tirs de roquette non ciblés. Les troupes pro-gouvernementales ont commencé à prendre pied dans la Vieille ville, dédale de rues étroites autour de la mosquée Al Nouri, où les djihadistes offrent une résistance acharnée, et recourent aux voitures piégées et aux snipers. "Quand les forces de la coalition voient un tireur embusqué, il ne se passe pas cinq minutes avant que la maison d'où il tire soit atteinte", dit Mohammed Mahmoud, un ancien officier de police. "Mais ce qui se passe, c'est qu'ils ne tuent pas les combattants de Daech, Daech se retire et dans les bombardements ce sont les civils qui sont tués, des familles entières". Les Nations unies disent avoir reçu des informations faisant état de nombreuses victimes civiles dans les bombardements. On ignore combien de morts la bataille de Mossoul, entamée en octobre, a fait jusqu'à présent parmi la population civile. Les chiffres qui circulent remontent jusqu'à 2014, quand l'EI a pris la ville. Airwars, une organisation mise en place par des journalistes pour rendre compte des pertes civiles, dit que depuis 2014 ce sont 2590 civils qui ont péri lors "d'actions" menées par les forces de la coalition sous commandement américain, à la fois en Irak et en Syrie voisine. (Gilles Trequesser pour le service français)