Mort de Nahel : Mbappé, Koundé, Tchouaméni... les footballeurs s’engagent dans une rare prise de parole

Aurélien Tchouaméni, Jules Koundé et Kylian Mbappé ont fait part de leur tristesse après la mort de Nahel.
Aurélien Tchouaméni, Jules Koundé et Kylian Mbappé ont fait part de leur tristesse après la mort de Nahel.

SPORT - Kylian Mbappé, Jules Koundé, Mike Maignan, Paul Pogba, Presnel Kimpembe, Aurélien Tchouaméni... Depuis la mort de Nahel, un adolescent de 17 ans tué mardi 27 juin par un policier lors d’un contrôle routier à Nanterre, de nombreux footballeurs français ont exprimé leur peine. Une parole rare pour ces sportifs.

Dès mardi soir, le défenseur du FC Barcelone Jules Koundé a qualifié la situation de « dramatique » et fustigé les « chaînes d’information en continu (qui) en font leurs choux gras ». Ce sont « toujours pour les mêmes qu’être en tort conduit à la mort », a regretté le gardien du PSG Mike Maignan. « Personne ne mérite de mourir à 17 ans et encore moins pour un refus d’obtempérer… Que justice soit faite », a aussi réagi Paul Pogba, champion du monde 2018.

Aurélien Tchouaméni, joueur du Real Madrid, a publié une lettre ouverte dans laquelle il essaie de comprendre comment Nahel, qui « aurait pu être (s)on petit frère » a pu être abattu dans ces conditions. « J’ai mal à ma France. Une situation inacceptable. Toutes mes pensées vont pour la famille et les proches de Naël, ce petit ange parti beaucoup trop tôt », a de son côté écrit l’attaquant du PSG et capitaine de l’équipe de France Kylian Mbappé.

« Nous ne sommes pas enfermés dans une boîte »

Ces réactions sont d’autant plus fortes que les footballeurs sont généralement silencieux sur les débats de société. À l’exception notable de Kylian Mbappé. Avant ce drame qui a déclenché des émeutes dans plusieurs villes, il s’est exprimé lors de l’agression du producteur de musique Michel Zecler et de l’assassinat de Samuel Paty en novembre 2020, a poussé un coup de gueule contre le site de paris sportifs Winamaw ou encore a défendu la vaccination contre le Covid-19 pendant la pandémie.

Son engagement en a-t-il inspiré d’autres ? En tout cas, les prises de paroles sur la mort de Nahel ne sont pas passées inaperçues. Elles ont même été abondamment relayées et parfois critiquées. Ce qui n’a pas manqué d’agacer Jules Koundé, qui a exprimé sa colère dans un tweet : « C’est assez drôle de lire toute la frustration et le dédain qui émanent de certaines personnes lorsqu’un athlète ou plus particulièrement un footballeur dans mon cas s’exprime sur des sujets de société. »

Il le rappelle, les footballeurs ne sont pas « enfermés dans une boîte dans laquelle il (leur) serait interdit de donner (leur) avis sur des sujets ». Et de poursuivre : « Nous sommes des personnes et des citoyens avant d’être des footballeurs ce qui nous donne les mêmes devoirs mais aussi les mêmes droits, dont celui de nous exprimer sur ce que l’on souhaite. »

Il y a 20 ou 25 ans, la situation était malgré tout bien différente. Ancien joueur, Abdeslam Ouaddou a expliqué à l’Équipe que « certains ne souhaitaient pas prendre position pour se protéger et protéger leur carrière car, parfois, quand vous prenez position, vous êtes grillé rapidement ».

Des joueurs originaires de banlieue qui s’identifient

Même constat pour Teddy Pessot, agent d’image chez TP Consulting, toujours dans l’Équipe : « Il y avait à l’époque une autocensure. Le sportif ne se sentait pas à sa place pour parler des sujets d’actualité, de politique... Aujourd’hui, la parole du footballeur se démocratise de par le rôle qu’il joue dans la société actuelle. La parole est beaucoup plus facile. » D’autant plus à l’ère des réseaux sociaux qui permettent à chacun de partager ses pensées en quelques secondes à des milliers d’abonnés.

Pour le sélectionneur de l’équipe de France féminine Hervé Renard, qui prépare actuellement la Coupe du monde en Nouvelle-Zélande et en Australie, les réactions des joueurs est complètement légitime. « Vous savez d’où ils viennent. Ils ont un certain recul et en savent beaucoup plus que vous et moi, donc je trouve normal qu’ils donnent leur avis et qu’ils puissent défendre ce qui peut être défendable », a-t-il déclaré sur RTL ce jeudi 29 juin.

À l’image de l’attaquant du Bayern Munich Mathys Tel, qui vient de Sarcelles et qui s’est ému dans sa story Instagram : « Tu avais 17 ans, j’en ai 18... On vient tous les deux de banlieue parisienne. Je me dis péniblement que ça aurait pu être moi. » Kylian Mbappé est également originaire de banlieue parisienne. C’est pourquoi il a voulu s’adresser à tous ces jeunes des périphéries qui sont en colère aujourd’hui, a justifié son entourage au Monde. « C’est un message citoyen de vivre-ensemble, d’appel au calme, pour mettre du liantOn doit avoir confiance en notre police et ne pas attiser les clivages. On ne doit pas opposer les policiers aux jeunes », expliquent ses proches.

Cette indignation partagée n’est pas sans rappeler le mouvement « taking the knee » apparu aux États-Unis en septembre 2016 sous l’impulsion de Colin Kaepernick. Pour protester contre le racisme, le joueur de football américain avait mis son genou à terre pendant l’hymne national avant le début d’un match de NFL. Un geste qu’il a répété pendant toute la saison puis repris par d’autres sportifs, mais qui a fortement entravé sa carrière. Les footballeurs français vont-ils, eux aussi, faire un geste sur le terrain ? Les conséquences pourraient être plus difficiles à assumer.

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