Mort de Nahel : le co-auteur du rapport sur les refus d’obtempérer veut changer la loi

Après la mort de Nahel à Nanterre, une loi de 2017 encadrant l’usage des armes en cas de refus d’obtempérer avait de nouveau été contestée.

Photo d’illustration, prise à Lille en 2018.
PHILIPPE HUGUEN / AFP Photo d’illustration, prise à Lille en 2018.

POLITIQUE - Faut-il modifier ou non la loi de février 2017 qui encadre l’usage des armes dans la police nationale ? Un rapport parlementaire lancé à l’Assemblée nationale après la mort de Nahel, 17 ans, tué en juin 2023 par un tir policier après un refus d’obtempérer, illustre la difficulté à trouver un consensus sur le sujet. Si l’un des rapporteurs prône le maintien du texte en l’état, le second plaide pour une modification.

Le rapport parlementaire a été confié au député PS Roger Vicot et à son collègue Renaissance Thomas Rudigoz qui ont auditionné plus de 90 personnes au cours de six mois de travaux. À l’issue, les deux élus formulent 22 propositions communes portant sur la formation des policiers, « notamment sur la doctrine pour les contrôles routiers et les poursuites des contrevenants ».

Les députés se rejoignent aussi pour juger « impossible » de considérer que la loi de 2017 ait entraîné une hausse du nombre de tirs mortels, comme l’ont affirmé plusieurs chercheurs. La mission balaye ainsi l’étude statistique publiée par Sébastien Roché, Paul le Derff et Simon Varaine, selon laquelle les tirs policiers mortels sur les véhicules en mouvement ont été multipliés par cinq entre avant et après 2017. Lors de la mort de Nahel, insoumis et socialistes s’étaient déchirés sur l’abrogation de cette loi, votée après le passage de Bernard Cazeneuve à l’Intérieur et alors qu’il était en poste à Matignon.

Sur franceinfo ce jeudi 30 mai, Roger Vicot a confirmé la hausse des tirs policiers sur des véhicules en mouvement, mais insiste sur le fait que cette hausse a été observée « entre 2012 et 2017 » soit avant la loi de février 2017.

Pour autant, l’élu socialiste estime nécessaire d’apporter « une clarification et une précision » au texte. Il vise plus précisément le cas explicitant le recours à l’arme en cas de refus d’obtempérer — sur 5 cas abordés en tout. Celui-ci autorise les forces de l’ordre à en faire usage « lorsqu’ils ne peuvent immobiliser, autrement que par l’usage des armes, des véhicules, embarcations ou autres moyens de transport, dont les conducteurs n’obtempèrent pas à l’ordre d’arrêt et dont les occupants sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d’autrui ».

Roger Vicot propose de supprimer le mot « susceptible » qu’il juge « ambigu ». « Cette notion laisse un champ d’application, d’interprétation, très large aux policiers qui sont seuls face à la décision d’ouvrir le feu ou pas », explique-t-il dans une vidéo sur X. Avec sa proposition de loi, il dit vouloir « resserrer » le champ d’interprétation afin de « protéger les policiers et le public ». Il suggère de revenir à « la notion d’imminence » que le Sénat avait jugée trop « restrictive » en 2017 et modifié.

En plus de cette notion d’imminence, le texte de Roger Vicot entend conditionner le port d’arme des policiers et gendarmes à un certificat d’aptitude ou encore à une « formation théorique relative à la société et ses mutations, la délinquance, la laïcité ». Elle prévoit également la systématisation des caméras piétons et caméras embarquées pour les forces de l’ordre, et une procédure facultative de communication des images à la presse, après avis du procureur, si elles peuvent « apaiser la situation en montrant ce qu’il s’est réellement passé », selon les mots du député.

En face, le deuxième rapporteur du texte ne juge pas cette évolution nécessaire. « Relancer un débat sémantico-juridique (...) pourrait aboutir à semer davantage de confusion » et « envoyer un message négatif aux forces de l’ordre », juge Thomas Rudigoz. Il constate « l’absence de termes incontestables », préconisant une « meilleure explication et appropriation du cadre juridique » par les forces de l’ordre.

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