Mort de l’historienne Hélène Carrère d’Encausse, première femme à la tête de l’Académie française

Entrée à l’Académie française en 1990 avant d’en devenir Secrétaire perpétuel en 1999, celle qui avait aussi été députée européenne RPR, était âgée de 94 ans.

L’historienne Hélène Carrère d’Encausse, ici photographiée à Paris en octobre 2022, première femme à occuper la tête de l’Académie française, est morte à l’âge de 94 ans, a fait savoir sa famille.
L’historienne Hélène Carrère d’Encausse, ici photographiée à Paris en octobre 2022, première femme à occuper la tête de l’Académie française, est morte à l’âge de 94 ans, a fait savoir sa famille.

MORT - C’était une apatride devenue fierté nationale française. Ce samedi 5 août, la famille d’Hélène Carrère d’Encausse a annoncé le décès à l’âge de 94 ans de la célèbre historienne, devenue en 1999 la première femme à occuper le poste de secrétaire perpétuel de l’Académie française, un titre qu’elle tenait à ne pas féminiser. « Elle s’est éteinte paisiblement entourée de sa famille », précise le communiqué de ses proches.

Spécialiste de la Russie, Hélène Carrère d’Encausse a longtemps été alignée sur les prises de position de Vladimir Poutine et du Kremlin dans ses analyses, avant d’opérer une reculade au moment de l’invasion de l’Ukraine. Au cours de sa riche carrière, elle a également été élue entre 1994 et 1999 au Parlement européen, sous l’étiquette RPR, l’ancêtre des Républicains.

« Un vrai cas d’intégration parfaite »

Cette femme vive et élégante avait été, en 1990 (l’année même où l’Union soviétique était dissoute), la troisième femme admise à l’Académie, créée en 1635, après Marguerite Yourcenar et Jacqueline de Romilly. Puis, neuf ans plus tard, elle avait donc indiqué qu’il faudrait l’appeler « Madame le Secrétaire perpétuel ». Car, selon elle, « il n’y a qu’un seul Secrétaire perpétuel depuis trois siècles et demi. C’est cette idée de continuité qui doit prévaloir. C’est une lignée qui se poursuit ».

De racines autrichiennes, allemandes et italiennes, elle comptait parmi ses ancêtres de grands serviteurs de l’Empire russe dont elle a suivi les traces et des résistants à ce même Empire. Elle affirmait « être Française de la tête aux pieds : un vrai cas d’intégration parfaite ». De ses origines, elle avait simplement conservé sa foi orthodoxe.

Née à Paris le 6 juillet 1929, elle était la fille d’une Italienne et d’un philosophe géorgien émigré en France, Georges Zourabichvili (qui sera plus tard assassiné). Elle apprend le russe avant le français. Née apatride, elle acquiert la nationalité française en 1950 et épouse, deux ans plus tard, Louis Carrère, dit Carrère d’Encausse, un assureur. Le couple aura trois enfants : l’écrivain Emmanuel, qui a évoqué sa famille dans son livre, Un roman russe, Nathalie, avocate, et Marina, médecin et consultante dans les médias.

Élève brillante, Hélène obtient le diplôme de l’Institut d’études politiques de Paris et un doctorat ès-Lettres. Elle enseignera l’histoire à la Sorbonne puis à Sciences-Po ainsi qu’au collège d’Europe de Bruges.

Biographe de Lénine, Staline, Catherine II ou Alexandre II

Reconnue dans le cercle des kremlinologues et régulièrement consultée par le monde journalistique, elle fait en 1978 une entrée fracassante dans l’édition avec L’Empire éclaté. Elle y prédit, avant beaucoup d’autres, l’éclatement de l’URSS confrontée au problème des minorités. S’appuyant sur des tonnes d’archives, elle s’emploie à retrouver « une mémoire historique collective, à chercher la logique interne des événements ».

Biographe de Lénine, Staline, Catherine II ou Alexandre II, elle a notamment publié Le Grand frère (1983), Ni paix ni guerre (1986), Le Grand défi (1987), Le Malheur russe (1988), La Gloire des nations ou la fin de l’Empire soviétique (1991), Russie, la transition manquée (2005) ou Le général de Gaulle et la Russie (2017).

Professeur invité de nombreuses universités étrangères, en Amérique du Nord et au Japon surtout, elle a été décorée en 1998 par le président russe Boris Eltsine de l’Ordre de l’amitié entre les peuples « pour son étude de la Russie ». En 1997, elle a reçu en France le Prix des Ambassadeurs pour son ouvrage Nicolas II : la transition interrompue. En 2023, elle s’était encore vu décerner le prestigieux prix espagnol Princesse des Asturies pour les sciences sociales.

Engagée en politique et pour le devenir de la langue française

Membre en 1986-87 de la Commission des sages pour la réforme du Code de la nationalité, elle est en 1992 conseillère auprès de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), participant ainsi à l’élaboration d’une politique d’assistance à la démocratisation des anciens États communistes.

Après avoir dirigé, en 1992, le Comité national pour le « oui » au référendum sur le traité de Maastricht, elle figure, lors des européennes de 1994, en seconde position sur la liste de la majorité de droite UDF-RPR, derrière Dominique Baudis. Élue au parlement européen, elle est vice-présidente de la commission des Affaires étrangères et de la Défense.

Depuis 1999, elle a eu l’occasion d’exprimer son opposition à la féminisation des titres et fonctions pour les femmes dans la langue française, puis, des années plus tard, à l’écriture inclusive, tout en s’efforçant de « regarnir l’Académie » en grands romanciers.

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