Mort de Nahel : avant la cagnotte en soutien au policier, ces collectes aussi ont créé la polémique

Une cagnotte créée en soutien du policier de Nanterre suscite la polémique. Ce n’est pas la première fois qu’une telle collecte d’argent provoque un tollé.

Une cagnotte pour soutenir la police française, lancée le 10 janvier 2019 à Paris sur Leetchi (Photo de Thomas SAMSON / AFP)
Une cagnotte pour soutenir la police française, lancée le 10 janvier 2019 à Paris sur Leetchi (Photo de Thomas SAMSON / AFP)

“La cagnotte de la honte” pour Olivier Faure (PS), "ignonimie" pour Dominique Sopo, le président de SOS Racisme, "honte" pour le député Thomas Portes (LFI). Les réactions pleuvent sur Twitter pour dénoncer la collecte d’argent lancée samedi 1er juillet par le polémiste d’extrême droite Jean Messiha, proche d’Eric Zemmour, à destination de la “famille du policier de Nanterre, Florian M. qui a fait son travail et qui paie aujourd’hui le prix fort".

L’homme de 38 ans a été mis en examen et est en détention provisoire pour avoir tiré sur Nahel, 17 ans, le 27 juin dernier après un refus d’obtempérer à Nanterre (Hauts-de-Seine). Le préfet de police Laurent Nunez a expliqué dimanche 2 juillet qu'il n'avait "aucun commentaire" à faire à ce sujet, tout comme le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin ce lundi. Le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, a reconnu pour sa part que cela n'allait pas "dans le sens de l'apaisement".

La cagnotte en question dépasse désormais le million d’euros sur la plateforme Go FundMe. C’est bien plus que celle lancée en soutien de la famille de Nahel sur Leetchi, qui a réuni pour l'heure 220 000 euros. Une seconde cagnotte pour la famille du policier, d'un montant de près de 60 000 euros, a aussi été lancée par l’Amicale motocycliste des Hauts-de-Seine.

Malgré les appels à clôturer la cagnotte, sous le hashtag #GofundmeComplice, l’hébergeur qui se réserve le droit de supprimer les cagnottes utilisées pour la défense juridique "des crimes financiers et violents présumés", a estimé que celle-ci était "conforme" aux conditions d’utilisation. “La famille a été ajoutée comme bénéficiaire et donc les fonds leur seront directement versés”, a précisé un porte-parole de la plateforme à Tech&Co.

Dans un premier temps, Jean Messiha a créé cette cagnotte sur Leetchi, avant que celle-ci ne soit supprimée. La plateforme exigeait des documents officiels comme le RIB de l'épouse du policier et ses documents d'identité pour la débloquer. Le polémiste s'est rabattu dans la foulée sur la plateforme internationale Go Fund Me. Quelles sont les précédentes cagnottes qui ont créé la polémique et que sont-elles devenues ?

La cagnotte du gilet jaune, Christophe Dettinger

En janvier 2019, Christophe Dettinger a été filmé en train de boxer des policiers lors du mouvement des gilets jaunes (vidéo ci-dessous). La vidéo, devenue virale, a permis à la cagnotte créée en son nom par un de ses proches de récolter 145 000 euros pour l'aider face à d'éventuelles condamnations. Mais face au tollé provoqué, Leetchi avait décidé de la supprimer en rappelant que les conditions générales prohibent "l'incitation à la haine ou à la violence".

Le 6 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Paris a confirmé l'annulation de cette cagnotte au motif qu'"elle a eu, initialement, pour but de soutenir un combat consistant en l’usage de la violence physique contre les forces de l’ordre" et qu'elle avait également pour but de "compenser les condamnations susceptibles d’intervenir à l’avenir", relaie Libération. Le fondement juridique repose sur l’article 40 de la loi du 29 juillet 1881 qui dispose qu’"il est interdit d’ouvrir ou d’annoncer publiquement des souscriptions ayant pour objet d’indemniser des amendes, frais et dommages-intérêts prononcés par des condamnations judiciaires, en matière criminelle et correctionnelle".

La cagnotte pour que "Marlène Schiappa se taise"

Après que Marlène Schiappa, alors secrétaire d'Etat, s'est exprimée en faveur de l'identification des donateurs de la cagnotte de Christophe Dettinger, des cagnottes comme "Cagnotte pour que Marlène Schiappa s'achète un cerveau" ou encore "Cagnotte pour que SCHIAPPA ferme sa gueule a tout jamais" ont vu le jour. Toutes ont rapidement été fermées, sauf la plus virale. La "Cagnotte pour que Schiappa la ferme" a dû tout de même être renommée en "Cagnotte pour que Schiappa se taise" à la demande de Leetchi. Pour les cagnottes "parodiques" comme celle-ci ou pour le départ des politiques, "nous sommes toujours un peu sur la ligne de crête", expliquait au Parisien Benjamin Bianchet, General manager de Leetchi en 2019.

Dans le cas de de celle de Marlène Schiappa, d'un montant de près de 3000 euros, la plateforme a contacté le créateur pour savoir à quoi étaient destinés les dons. Réponse : à"l'achat de matériel pour les Gilets jaunes de Cambrai et à faire un cadeau original dédicacé pour Marlène Schiappa". "Il n'y a pas, dans ce cas-là, d'appel à la violence", tranche Benjamin Bianchet.

La cagnotte pour les policiers blessés en 2019

L'article 59 du décret du 9 mai 1995 encadre les cagnottes à destination de la police. "Il est interdit de se prévaloir de la qualité de fonctionnaire actif de police ou, en tant que tel, de mandater tout intermédiaire pour effectuer, auprès de particuliers, d'associations, d'entreprises ou de sociétés, des collectes et démarches, en vue, notamment, de recueillir des fonds ou des dons", est-il précisé. En revanche, les associations rattachées au ministère de l'Intérieur sont habilitées à recevoir des financements.

C'est grâce à ça que le président LR de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, Renaud Muselier, a lancé une cagnotte en réponse à celle de Christophe Dettinger et en faveur des policiers blessés pendant la crise des gilets jaunes. Il a remis le chèque de près d'1,5 million d'euros à l'Amicale de la police nationale.

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La cagnotte pour les policiers qui ont tabassé Michel Zeclerc

Après l'agression par des policiers du producteur de musique Michel Zeclerc le 21 novembre 2020, filmée et relayée sur les réseaux sociaux, des membres de la brigade des fonctionnaires avaient lancé une cagnotte pour soutenir leurs collègues. Moins de vingt-quatre heures après, près de 14 000 euros avaient été récoltés. Mais le site "Le Pot Commun" avait finalement suspendu la collecte, jugée contraire à ses conditions d'utilisation.

VIDÉO - Mort de Nahel : la cagnotte de soutien au policier auteur du tir, créée par le militant d'extrême droite Jean Messiha, fait polémique