Mort de Bernard Pivot : le roi de la dictée était aussi un immense fan de Twitter (et sa version pré-Musk)

Bernard Pivot, ici en 2016 à l'occasion d’un festival du livre en Suisse, était un inconditionnel de Twitter, surtout lors des premières années du réseau social.
Jean-Marc ZAORSKI / Gamma-Rapho via Getty Images Bernard Pivot, ici en 2016 à l'occasion d’un festival du livre en Suisse, était un inconditionnel de Twitter, surtout lors des premières années du réseau social.

CULTURE - Point Final. Bernard Pivot est décédé à l’âge de 89 ans. C’est sa fille qui a annoncé la disparition du maître incontesté de la dictée à l’AFP ce lundi 6 mai. Connu pour avoir animé de nombreuses émissions culturelles et dirigé l’Académie Goncourt, l’écrivain était aussi un grand aficionado du réseau social Twitter (renommé X récemment), et ce, depuis le début.

Bernard Pivot n’avait pas su manier les bons mots face à Gabriel Matzneff dans « Apostrophes »

Car aimer profondément les livres et les mots ne l’empêchait pas de s’amuser largement avec les réseaux sociaux. Bernard Pivot se servait abondamment Twitter, de manière quasi quotidienne. En 2017, lors d’une interview avec Le Figaro, Bernard Pivot avait expliqué ce qui l’attirait dans le réseau social : « C’est à la fois l’exercice mental et l’exercice de style. C’est-à-dire arriver à résumer une pensée, un souvenir, un fait, un sentiment en 140 signes. Ce qui suppose donc de faire un effort pour exprimer de la manière la plus claire, et si possible avec humour, ce que l’on veut dire. »

Lui qui se définissait dans sa bio Twitter comme « Apostrophes, Bouillon de Culture, Double je, Écriture, Football, Gourmandise, Homme, Interview, Journalisme, Kiosque, Lire, Mots.............Zut. » l’utilisait pour parler de l’actualité, commenter la politique, la télévision, le sport, et même la météo.

Toujours en interview avec Le Figaro il avait expliqué en quoi le fonctionnement de Twitter se révélait intéressant, précisément lorsqu’on est un amoureux de la langue et des mots comme lui : l’effort intellectuel de la concision. « C’est une idée précise de ce que l’on veut dire, avec une économie de mots. Un tweet vous oblige à aller à l’essentiel, sans fioritures, sans propositions subordonnées. On n’a pas le temps de mettre des ’cependant’, des ’quoique’... Il faut dégager l’image, la pensée que vous voulez écrire. » 140 caractères qui n’étaient, pour lui, absolument pas « au détriment de la pensée ».

Le Pivot Show

Sur Twitter, Bernard Pivot était insatiable, ou presque. Il y publiait des maximes poétiques régulièrement, mais aussi par exemple des inventions de mots. Il avait ainsi imaginé en 2012 et 2013 des séries de verbes tirés de noms de personnalités. Une idée qui lui avait été soufflée par le succès du néologisme « zlataner », en référence au footballeur suédois Zlatan Ibrahimovic.

C’est aussi via Twitter que cet amoureux de la langue française en critiquait ouvertement les nouveaux usages, et particulièrement les anglicismes et l’écriture inclusive.

Un tweet considéré comme un dérapage que l’animateur de Bouillon de culture n’a cependant jamais retiré.

Et ce n’était pas le premier. En 2017, il avait ainsi écrit à propos de l’activiste Greta Thunberg « Dans ma génération, les garçons recherchaient les petites Suédoises qui avaient la réputation d’être moins coincées que les petites Françaises. J’imagine notre étonnement, notre trouille, si nous avions approché une Greta Thunberg ». Un message épinglé comme sexiste pour lequel il avait été largement critiqué.

Quand Bernard Pivot évoque sa mort sur Twitter

En 2019, cependant, alors que le nombre de signes autorisés sur Twitter grimpait jusqu’à 280, Bernard Pivot s’en était désolé auprès du Figaro. « Certes avec ces 280 signes, nous ne sommes pas encore dans la logorrhée de Facebook, mais nous ne sommes déjà plus dans la rigueur janséniste de la maxime. ». L’ancien présentateur d’Apostrophes avait également mis en avant qu’il trouvait « absolument criminel que Donald Trump puisse s’exprimer en 280 signes. Il disait déjà assez de bêtises en 140 signes. »

Il avait alors affirmé qu’il cesserait d’utiliser Twitter. Il n’en a finalement rien fait, continuant à s’y étendre régulièrement, jusqu’à début 2023 quand ses capacités physiques se sont réduites. On ignore ce qu’il pensait alors du nouveau Twitter impulsé par le nouveau patron Elon Musk et notamment, de la levée totale de la limite de signes, contraire à la .

Plusieurs fois, au cours de ses très nombreuses prises de paroles sur le réseau social, Bernard Pivot a abordé le sujet de sa propre mort. Parfois avec tristesse ou nostalgie comme en 2012 :

Mais surtout avec l’humour ironique et le second degré, qui étaient ses marques de fabrique. « L’habitude des radios de m’appeler à la mort d’un écrivain est si grande que, le jour où je mourrai, elles m’appelleront », avait-il tweeté en 2013. Cette fois-ci, il n’y aura personne au bout du fil Twitter.

À voir également sur le HuffPost :

Le dramaturge Pierre Notte mis en examen pour viol sur un ancien élève

Franck Thilliez et son roman « Norferville » vont vous donner (vraiment) froid - INTERVIEW