"Mon cousin Ohad, otage du Hamas, a fêté ses 9 ans en captivité. Je ne sais même pas s'il est vivant"

Itay Raviv, dont la famille a été kidnappée par le Hamas, s'est livré à Yahoo. Un témoignage bouleversant.

L'invitation envoyée par Ohad Munder-Zichri pour son neuvième anniversaire, qu'il avait prévu de fêter avec des amis avant d'être kidnappé par le Hamas (photo de famille)
L'invitation envoyée par Ohad Munder-Zichri pour son neuvième anniversaire, qu'il avait prévu de fêter avec des amis avant d'être kidnappé par le Hamas (photo de famille)

Itay Raviv, 27 ans, est le PDG d'une organisation à but non lucratif en Israël. Le 7 octobre, quatre membres de sa famille, dont son cousin âgé de neuf ans, ont été kidnappés par le Hamas et emmenés à Gaza. Un autre de ses cousins a été tué lors de l'attaque du Hamas. Pour Yahoo, il revient sur le drame qui a frappé les siens, un funeste matin, au kibboutz Nir Oz. Et l'attente, insoutenable, depuis ce samedi tragique.

Mon cousin Ohad a fêté son neuvième anniversaire en captivité. C'est quelque chose que je n'arrive toujours pas à imaginer, sept semaines après son enlèvement. Il avait prévu une fête avec ses amis, mais le destin en a décidé autrement. C'est un enfant si spécial et intelligent qu'il est difficile de croire que ce soit arrivé.

Nous ne savons pas du tout si Ohad, sa mère, Karen et ses grands-parents Ruthi et Abraham font partie des 50 personnes qui doivent être libérées. Depuis le massacre, tout ce que nous savons, c'est que leurs téléphones portables ont été géolocalisés à Gaza. Le Hamas n'a pas fourni de liste de noms d'otages à la Croix-Rouge, nous ne savons même pas s'ils sont en vie.

Ma tante et mon oncle, Ruthi et Abraham Munder, ont tous deux 78 ans et vivent au kibboutz Nir Oz depuis près de 60 ans. Ils avaient une petite famille – une fille et un fils, Roee, 50 ans, qui a été assassiné ce samedi matin. Ohad est leur unique petit-fils et lui et sa mère leur rendaient visite au kibboutz durant les fêtes juives.

Ohad et sa mère Karen Munder, 54 ans, ont été kidnappés par le Hamas alors qu'ils rendaient visite à ses grands-parents (photo fournie par la famille)
Ohad et sa mère Karen Munder, 54 ans, ont été kidnappés par le Hamas alors qu'ils rendaient visite à ses grands-parents (photo fournie par la famille)

Ils se sont retrouvés au coeur de cette horrible attaque terroriste – la dernière fois que nous avons eu de leurs nouvelles, c'était à 9 h 58 le samedi matin. Ruthi a parlé avec sa sœur – elle a murmuré dans son téléphone : "Nous ne pouvons pas parler, il y a des terroristes à l'intérieur du kibboutz."

Personne ne pensait qu’une telle chose arriverait. Le samedi matin, des sirènes ont retenti partout en Israël, tandis que des missiles et des roquettes étaient tirés en même temps. D'habitude, lorsqu'il y a des bombardements, nous allons au refuge et envoyons des SMS à notre famille pour demander si ça va, et après tout revient à la normale - ce qui est en soi absurde, car qu'est-ce qu'il y a de normal dans le fait d'être la cible de missiles ?

Mais ce samedi-là, on a compris que c'était différent, juste avec l'ampleur de l'attaque.

Puis notre famille nous a envoyé un texto disant qu'ils entendaient des coups de feu à proximité, Ruthi nous a dit qu'ils étaient à l'intérieur du kibboutz, c'est la dernière fois que nous les avons entendus.

Environ une heure plus tard, leurs téléphones étaient géolocalisés à Gaza – nous ne le savions pas à ce moment-là. Quand nous avons perdu le contact avec eux, nous avons simplement pensé que c'était à cause de la connexion Internet ou d'une panne de courant. Ce n’est qu’en voyant circuler sur Telegram les vidéos des horreurs dans le kibboutz que nous avons réalisé ce qui s’était passé.

Après que la police nous a dit que leurs téléphones avaient été retrouvés à Gaza, nous avons supposé qu'ils avaient été kidnappés. Leurs corps n'ont pas été retrouvés dans le kibboutz mais depuis, nous n'avons plus aucune nouvelle.

Cela fait maintenant sept semaines et nous ne savons pas comment ils vont. Mon oncle n'est pas en très bonne santé ; il marche à peine, voit à peine et doit prendre des médicaments tous les jours. Nous ne savons pas s'il en reçoit. On ne sait pas s'ils sont vivants ou pas, c'est fou.

Ruthi et Abraham Munder, 78 ans, font partie des 200 personnes kidnappées par le Hamas (photo fournie par la famille).
Ruthi et Abraham Munder, 78 ans, font partie des 200 personnes kidnappées par le Hamas (photo fournie par la famille).

Leurs téléphones ne livrent aucune information, si ce n'est leur propre géolocalisation - mais comme ils donnent tous la même heure et à peu près le même endroit, nous supposons qu'ils ont été kidnappés. Encore une fois, le Hamas n'a même pas fourni à la Croix-Rouge une liste des otages - c'est un crime contre l'humanité qui se poursuit.

Ce sont des enfants – Ohad a fêté son 9ème anniversaire il y a quelques semaines. Nous avons mené une campagne dans tout Israël, pendant laquelle les gens ont accroché un ballon devant leur maison pour son anniversaire, afin que tout le monde le connaisse et que personne ne l'oublie. Depuis lors, il y a eu énormément d'anniversaires d'autres enfants ou de personnes en captivité - une petite fille a fêté ses 9 ans vendredi.

Nous avons parlé à la presse et aux hommes politiques du monde entier, nous avons manifesté en Israël. On a fait tout ce qu'on pouvait, nous avons parlé à tous ceux qui voulaient bien nous écouter - et certaines personnes ne sont pas disposées à écouter - simplement pour partager leur histoire, leurs visages et les noms derrière les chiffres, car le monde ne peut pas garder le silence là-dessus. C'est un crime contre l'humanité.

Des enfants et des civils innocents ont été enlevés de chez eux, de leur lit, en pyjama, le samedi matin d'une fête juive. Je n'arrête pas de penser à ma famille, dans laquelle ils portent tous des lunettes, et je ne sais même pas s'ils peuvent les porter actuellement.

Ohad le jour de son huitième anniversaire, avec ses parents (photo fournie par la famille)
Ohad le jour de son huitième anniversaire, avec ses parents (photo fournie par la famille)

En tant que membre de la famille, ma mission est de m'assurer que personne n'oublie de se concentrer sur eux. En entendant parler de l’accord d’otages, j’ai l’impression que cela donne une légitimité à l’enlèvement de civils, mais nous valorisons la vie et nous voulons nous assurer que les gens vivent.

Bien sûr, cela nous donne aussi de l’espoir – il y a toujours de l’espoir. S’il n’y avait pas d’espoir, nous ne pourrions pas continuer. Nous, peuple juif, l'espoir nous guide. C'est dans nos racines et c'est ce qui nous donne le courage de continuer.

L’accord ne porte que sur 50 personnes – et nous voulons que les 240 reviennent. Nous avons besoin qu’ils reviennent tous, ils n’ont rien fait de mal et nous ne devons pas les oublier.

Nous avons raté l'anniversaire d'Ohan. Quand il reviendra, quand ils reviendront tous, nous fêterons un anniversaire par jour.

Propos recueillis par Harriet Sinclair

VIDÉO - Israël-Hamas : pas de trêve ni de libération d'otages avant vendredi (responsables israéliens)