Sur la mixité sociale à l’école, les annonces de Pap Ndiaye sonnent creux

Le ministre de l’Éducation a rappelé aux recteurs « les différents leviers à leur disposition » concernant la mixité sociale.
Le ministre de l’Éducation a rappelé aux recteurs « les différents leviers à leur disposition » concernant la mixité sociale.

ÉCOLE - Les annonces sur la mixité sociale et scolaire, attendues depuis novembre, avaient été repoussées à plusieurs reprises. Et, ce jeudi 11 mai, Pap Ndiaye n’a finalement pas annoncé le grand plan attendu depuis des mois. Le ministre de l’Éducation s’est contenté de donner des objectifs généraux aux recteurs, laissant deviner un manque de soutien politique sur ce sujet.

Au final, Pap Ndiaye leur a fixé « comme objectifs d’accroître la mixité sociale dans les établissements publics en réduisant les différences de recrutement social entre établissements de 20 % d’ici à 2027 », a indiqué le ministère jeudi après-midi dans une déclaration communiquée aux journalistes sur WhatsApp, sans plus de précisions.

Le ministre a rappelé aux recteurs « les différents leviers à leur disposition », ajoute le texte. Il leur a également « demandé de créer avant l’été une instance académique de dialogue, de concertation et de pilotage de la mixité », associant collectivités territoriales, représentants des établissements et des parents d’élèves, « pour partager les constats et préparer les actions adaptées à chaque territoire ».

Enfin, il leur « a donné rendez-vous » avant la « fin de l’année 2023, pour partager les feuilles de route académiques et la trajectoire nationale ».

Pas d’objectifs pour le privé

Parmi les leviers déjà à la disposition des recteurs, Pap Ndiaye avait précédemment évoqué la création de « sections d’excellence », comme les sections internationales, dans des territoires défavorisés, la création de binômes de collèges « proches géographiquement mais très contrastés socialement », ou encore la participation de l’enseignement privé sous contrat (essentiellement catholique) à cet effort.

« Les binômes de collèges, c’est une bonne option, mais elle existe depuis 2017, souligne auprès du HuffPost Youssef Souidi, chercheur au CNRS et à l’Université Paris-Dauphine, spécialiste des questions de mixité scolaire. Après, il faut que les conseils départementaux soient embarqués dedans, car ce sont eux qui ont la main sur la sectorisation. » Contrairement à 2016, le chercheur regrette l’absence d’une « vraie volonté du Ministère » sur cette question.

De plus, les objectifs ne concernent à ce stade que l’enseignement public. Le protocole avec l’enseignement catholique, qui vise à augmenter la proportion de boursiers dans ses établissements financés à 75 % par l’État, sera signé dans un deuxième temps, probablement le 17 mai, a-t-on indiqué au ministère.

« Les services du ministère ont montré l’été dernier que là où la ségrégation augmentait le plus au cours des dernières années, c’était dans le privé. Donc c’est difficile de penser agir sur la mixité sociale sans inclure le privé », regrette le chercheur du CNRS.

« Les bonnes intentions ont été sacrifiées »

Globalement, si les syndicats et les acteurs du milieu n’attendaient pas grand-chose de ces annonces, elles confirment un manque de volonté politique sur ce sujet. « Nous ne sommes pas du tout surpris par cette montagne qui accouche d’une petite souris, a réagi auprès de l’AFP Jean-Rémi Girard, président du Syndicat national des lycées et collèges. Dès le début, on savait que ce dossier de la mixité sociale était de la communication à 90 %. On sait que c’est très compliqué de toucher à la mixité sociale à l’école. »

« Le fait que ce soit un simple communiqué montre que ça manque de souffle, de vision politique. On est déçus, car sur la mixité sociale et scolaire, il y a un vrai sujet », a souligné Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU, premier syndicat du secondaire.

Selon le chercheur Youssef Souidi, la mixité sociale « va rester conditionnée à la bonne volonté des acteurs locaux ». « Et souvent, dans ces cas-là, pas grand-chose ne se passe, regrette-t-il. Au-delà des limites budgétaires pour s’emparer de ce sujet, il ne faut pas oublier les résistances très importantes de la part des familles et de la communauté éducative. »

Pas de soutien au sommet

« Les bonnes intentions ont été sacrifiées sur l’autel de la réalité politique et peut-être même des calculs politiques », a poursuivi Sophie Vénétitay, estimant que « le problème de Pap Ndiaye, c’est Emmanuel Macron, car c’est lui qui s’érige en ministre ». Pour elle, « sur la question du privé, on peut se demander si ce n’est pas l’Élysée qui a appuyé sur le frein au regard de la levée de boucliers du côté des Républicains ».

Pap Ndiaye est apparu peu soutenu sur la mixité sociale et scolaire par Emmanuel Macron, qui n’a quasiment jamais abordé ce sujet. Il ne l’avait notamment pas évoqué lors d’un déplacement dans l’Hérault fin avril consacré à l’éducation.

Nombre de ténors de la droite, dont le président des Républicains Éric Ciotti, sont par ailleurs montés au créneau ces dernières semaines pour défendre l’école privée, un marqueur de la droite qui s’était massivement mobilisée en 1984 contre le projet de la gauche de créer un « grand service public » de l’Éducation nationale. Le président du Sénat Gérard Larcher (LR) avait demandé fin avril à Emmanuel Macron de ne pas « rallumer la guerre scolaire ».

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