"Je me suis mis dans des conditions difficiles pour pouvoir être prêt": l'interview exclusive de Konaté avant l'Euro

Comment allez-vous après une saison longue, chargée mais aussi intense sportivement et émotionnellement avec Liverpool et l'équipe de France?

Franchement, ça va! C'est surtout sur l'aspect émotionnel: je pense qu'après chaque saison, c'est à ce niveau-là que je suis le plus essoré. Mais on n'a pas le temps de se focaliser sur ça car il y a une très grande compétition qui nous attend. On doit se remobiliser, autant physiquement qu'émotionnellement afin d'être prêt pour cette compétition.

Est-ce que c'est dur d'enchaîner comme ça, sans avoir de vacances? Vous finissez à Liverpool et vous enchaînez...

Bien sûr que c'est dur. Après, c'est un rêve de vivre ces moments-là et ça devient un travail. Dans chaque corps de métier, il y a des difficultés et ça en fait partie. On essaie de s'accrocher. On a la chance d'avoir un bon groupe qui nous fait un peu oublier ce côté un peu difficile. Cela reste très dur, il ne faut pas l'oublier.

Pourquoi est-ce toujours un plaisir de venir ici à Clairefontaine?

L'état d'esprit de chaque joueur et la mentalité, j'ai l'impression qu'on se retrouve et qu'on est une famille. Je l'ai ressenti dès la Coupe du monde. Pour moi, c'est toujours un plaisir de venir ici. Excusez-moi du terme mais je vais me taper des barres avec les joueurs de mon équipe donc c'est ça qui me fait super plaisir.

Avez-vous des petits rituels quand vous venez ici?

Il n'y a pas des choses que je fais à chaque fois mais c'est plus naturel quand je viens ici, c'est comme si je revenais à la maison. On se dit bonjour, on rigole un petit peu et on a hâte d'être au repas pour raconter ce qu'il s'est passé depuis. Le soir, lorsqu'on joue ensemble aux jeux de société, ce sont des moments magnifiques. Je n'ai pas la chance de vivre ça à Liverpool.

Quels sont vos proches en équipe de France?

Il n'y a même pas de joueurs en particulier. C'est comme un groupe en fait. Parfois, il y a des joueurs qui peuvent venir dans ma chambre, d'autre fois ça sera dans celle d'Ousmane Dembélé ou dans celle de Kylian Mbappé. On essaie d'avoir un vivre-ensemble qui est bien.

Ce rassemblement est aussi celui du grand retour de N'Golo Kanté. Pouvez-vous nous raconter ses premières heures ici?

Je l'avais déjà vu dans le taxi juste avant moi donc je l'ai vu de loin (rires). Quand on le voit, on a directement le sourire au visage! C'est une personne qui inspire la bonté, la joie de vivre, l'assurance et plein d'autres choses. Cela ne peut être qu'un plus pour nous, vraiment.

Avant d'entrer dans l'Euro, quel bilan faites-vous de votre saison à Liverpool?

A titre personnel, je suis assez satisfait malgré quelques pépins survenus. On ne va pas entrer dans les détails parce qu'il y a certaines choses que les gens ne savent pas. J'avais pas mal enchaîné pendant une période puis j'ai eu un petit pépin. J'étais malade toute la semaine mais j'ai joué. J'aurais dû être un peu égoïste à ce moment-là en disant que je n'étais pas bien peut-être. Je n'étais pas bien du tout, j'esquivais les joueurs pour ne pas leur refiler ma maladie. C'était comme une espèce de grippe. J'ai pris le risque de jouer. J'ai regretté de ne pas avoir dit complètement que je n'avais pas envie de jouer mais à part ça, très bien. Je me suis senti bien avec l'équipe. A titre collectif, on a flanché sur la fin et on doit apprendre de ces erreurs qu'on a pu faire. J'espère que la saison prochaine sera meilleure.

Comment ça va physiquement?

Je n'ai pas joué lors des derniers matchs mais pourquoi? Jürgen Klopp sera mieux répondre à cette question. On n'avait plus rien à jouer, ce n'étaient pas comme des matchs amicaux mais il y a pas mal de joueurs qui ont tourné. Je suis un compétiteur donc j'aime jouer mais il ne faut pas s'inquiéter. Je suis un bosseur. Quand je ne joue pas, je fais deux fois plus à côté donc on garde la condition physique quoiqu'il arrive.

Vous êtes prêt donc?

Je suis parti dans une destination juste avant pour me mettre dans une situation extrême. Je suis allé à Dubaï, en m'entraînant à 40 degrés à 11 heures. Je n'ai pas couru dans le désert mais sur un terrain de foot, il ne faut pas abuser. Franchement, c'était dur mais je me suis mis dans des conditions difficiles pour pouvoir être prêt pour ce rassemblement.

Jürgen Klopp a effectué ses adieux le 19 mai dernier à Liverpool, qu'est-ce que vous retenez de lui et comment avez-vous vécu ce moment?

Je retiens ce qu'il a fait pour le club, pour l'équipe, la ville et les fans. Ce qu'il a fait pour chaque joueur, c'est exceptionnel. Il n'y aurait pas assez de mots pour décrire ce qu'il a fait pour nous tous. Cela reste une légende de Liverpool. On ne sait pas ce qu'il va se passer dans le futur et s'il va revenir mais les adieux étaient très émouvants. Ils étaient magnifiques, on a passé un moment magnifique avec le groupe et Jürgen Klopp mais aussi son staff, qui part également. C'était très triste et émouvant mais ça fait partie du football et de la vie. Chacun prend son chemin.

Si vous ne deviez retenir qu'une seule chose de vos trois saisons avec Jürgen Klopp, ce serait quoi? Qu'est-ce qu'il vous a apporté?

Il m'a apporté beaucoup de choses. Je ne l'ai pas souvent souligné mais on n'a jamais eu vraiment d'échanges lui et moi où on a beaucoup parlé dans son bureau. Je suis bon vivant mais je suis aussi de mon côté. Je travaille beaucoup. Ce que j'ai, c'est parce que j'ai travaillé et pas parce qu'on me l'a facilité. Ce que je retiens, c'est qu'il m'a aidé à arriver là où je suis aujourd'hui, en atteignant l'équipe de France ou en jouant une finale de Ligue des champions et d'autres matchs exceptionnels, à gagner des titres donc je retiens surtout le positif.

Est-ce qu'il y a une appréhension quand un nouveau coach arrive (Arne Slot, NDLR)?

Je n'appréhende pas car Liverpool est un très grand club. Il y en a d'autres en Premier League où ça ne s'est pas passé correctement pour les nouveaux coachs mais on a un groupe assez sain et homogène donc ça ne m'inquiète pas. Le coach a peut-être un peu de pression mais il arrive dans un club qui donne le temps et fait confiance. Jürgen Klopp lui a fait une belle passe décisive lors de ses adieux.

L'Euro sera votre deuxième compétition avec les Bleus après le Mondial. Est-ce que votre rôle a changé?

Si vous me posez cette question, c'est que ça se voit et que ça se ressent autour de moi. J'ai peut-être un peu plus d'importance qu'avant mais c'est quelque chose que je prends à cœur car l'équipe de France est l'une des meilleures nations du monde voire la meilleure. Cela demande beaucoup d'efforts, sur le terrain et en dehors. Je prends ce rôle à cœur, vraiment.

Est-ce que vous pouvez décrire votre relation avec Didier Deschamps?

J'ai une très bonne relation avec lui, on échange beaucoup autant que les choses positives que négatives. Il me donne beaucoup de conseils, pour l'équipe de France et le club. Après est-ce que je passe des messages? C'est indirect mais je pense être une personne qui rassemble, c'est bien pour un groupe. Il le ressent comme l'ensemble du groupe.

Antoine Griezmann a parlé de la défense en disant qu'il fallait être bon, même si ça peut parfois être "chiant" à regarder. Qu'est-ce que vous en pensez?

Il a totalement raison mais il ne faut pas sortir les mots de leur contexte quand il dit ça. Il ne parle pas seulement des défenseurs, on ne peut pas le faire à quatre, mais de l'ensemble du groupe. C'est une phrase que Jürgen Klopp disait souvent : "si tu veux gagner un match, il faut d'abord très bien défendre." Donc je ramène cette phrase en équipe de France. Après, il faut évidemment marquer pour gagner.

Est-ce que vous pensez qu'une sélection peut développer un jeu esthétique sur une compétition ou est-ce le travail d'un coach en club?

On n'a pas vraiment le temps de travailler une idée de jeu car on joue tous dans des clubs différents, avec des idées et des compositions différentes. Venir se réadapter et avoir un jeu unique tous ensemble, c'est un peu compliqué. C'est vrai que c'est chiant à regarder parfois mais sur un Euro, ce n'est pas la beauté qui compte. Sur la demi-finale de la Coupe du monde 2018, face à une Belgique super forte, ils disaient qu'ils étaient super forts mais qu'est-ce qu'on s'en fout au final? On retient que la France a gagné. Même si le jeu n'est pas beau à voir, on ne retient que le vainqueur.

Quel est votre rapport avec la qualité du spectacle proposée? Est-ce quelque chose de prioritaire?

Bien sûr, si on peut le prendre, on le prend car si on peut voir du beau jeu, créer et donner du plaisir aux spectateurs, ça fait toujours du bien. Même nous sur le terrain, quand on voit une belle action, ça nous réjouit. Mais si demain j'ai le choix entre avoir un beau jeu sans se qualifier et ne pas en avoir en étant assuré de passer au tour suivant, je fais n'importe quoi et je passe au tour suivant. S'il y a les deux, on prend... Devant, il y a de la magie car il y aura toujours un peu de spectacle.

Défensivement, est-ce que vous arrivez avec moins de certitudes que lors du Mondial 2022?

Il faut trouver le juste milieu, il faut avoir de la confiance mais pas énormément. D'ailleurs, j'ai une grande pensée pour Lucas Hernandez, j'espère qu'il va se rétablir très rapidement, je suis vraiment triste pour lui. On lui apporte tout notre soutien. Ce n'est pas parce qu'on a fait une finale de Coupe du monde qu'on est les favoris. Il n'y a plus de petites équipes, surtout en Europe. L'Euro va être plus dur que la Coupe du monde. Il faut le mettre dans la tête de chaque joueur, ça ne sera pas des blagues. Les gens nous attendent au tournant, ça sera très difficile. On joue contre de grands attaquants, c'est possible de prendre des buts. On va travailler, ici ou en Allemagne, pour ne pas en prendre.

Les bookmakers anglais mettent l'Angleterre en favori, ça vous va?

Cela me va très bien! Mettez-les favoris!

Vous connaissez du monde dans cette équipe d'Angleterre, comment jugez-vous cette équipe?

Ils me font un peu penser à la France, avec beaucoup de joueurs et une nouvelle génération extrêmement forte qui le prouve chaque week-end. S'ils pensent que ce sont les favoris, tant mieux, ça nous met moins de pression. C'est une très belle équipe et j'ai hâte que la compétition commence.

Vous arrivez à la fin de votre contrat dans deux ans, est-ce que vous êtes parasité par ça?

Je suis focalisé sur le terrain et l'Euro. Je n'y pense même pas. Il me reste deux ans de contrat, je suis content à Liverpool donc j'ai la tête là-bas.

Votre nom revient beaucoup au PSG...

Ah, j'ai vu ça! Laissez-moi tranquille (rires)! Je suis Français. Entendre que le PSG est intéressé, d'accord mais ça me fait "ni chaud ni froid" car je n'ai pas eu de conversation avec eux ou qui que ce soit. Je suis vraiment focalisé sur le terrain.

Les supporteurs veulent vous voir venir…

Ah bon, les supporteurs veulent me voir venir? Il faudra me montrer, je ne fais pas trop attention!

Est-ce que vous avez une histoire avec le PSG?

C'est un peu logique car je suis né en France et à Paris. J'ai six grands frères et les six supportent le PSG je pense, en tout cas quatre ou cinq au moins. On a regardé pas mal de matchs ensemble, ils m'ont déjà ramené au stade plus jeune avant que j'aille au centre de formation. Il y a une petite histoire avec le PSG mais j'ai fait la mienne, où j'ai joué à Sochaux puis Leipzig avant Liverpool donc je suis heureux.

Comment vivez-vous votre évolution ?

Je suis sollicité quand je voyage ou que je rentre sur Paris. J’ai vu un changement radical quand j’ai signé à Liverpool. Après la Ligue des champions et la Coupe du monde, c'était des niveaux différents. Je ne peux plus sortir comme avant, on me reconnaît tout de suite. Ça peut créer quelques foules mais ça fait partie de notre métier de donner ce plaisir aux fans. Quand je suis en famille, ça peut être dérangeant parce que je n’ai pas envie de leur montrer cette facette où ils apparaissent sur les réseaux sociaux. On mène vraiment une vie privée. Je ne suis pas surpris parce que je me suis donné des objectifs tellement haut, certains que je n’ai pas atteint. Je suis tranquille.

Beaucoup de joueurs de votre génération prennent position pour certaines causes. Pourquoi est-ce important ?

C’est très important, il y a beaucoup de sujets qu’on connaît, d’autres moins. Ce qu’il s’est passé ces derniers temps, c’est quelque chose qui est dur à voir. Tout le monde a les réseaux sociaux aujourd’hui. Vous imaginez des jeunes de 9, 10, 11 ans, ils grandissent en voyant de telles horreurs. C’est ce qui me perturbe et me fait peur. Nous, nous sommes impactés, cela nous attriste. Ce sont des choses impossibles à regarder. Un jeune qui grandit en voyant ça… Tout ce que je souhaite, c’est la paix dans le monde, que tout le mal s’arrête.

Cette semaine, c’était aussi la fashion week à Clairefontaine. Votre look a d’ailleurs fait forte impression…

C’est une collection Palm Angels, c’est une marque que j’aime beaucoup. Ils ont fait une collection avec la Formule 1, qui avait lieu la semaine dernière (à Monaco). C’est toujours un plaisir de venir à Clairefontaine, de faire parler de nous, de rigoler sur les réseaux sociaux. Il y en a beaucoup qui ont aimé, d’autres qui se sont moqués. J’étais mort de rire.

Article original publié sur RMC Sport