Midterms: certains États américains viennent de voter pour abolir l'esclavage

Midterms: certains États américains viennent de voter pour abolir l'esclavage

Certains États américains n'ont pas encore formellement aboli l'esclavage ou les pratiques relevant du "travail forcé". Si la plupart des formes d'esclavage sont considérées comme des crimes aux États-Unis depuis 1865, certaines exceptions perdurent, notamment dans le treizième amendement de la Constitution américaine, qui précise qu'une peine esclavage peut être prononcée pour sanctionner un crime.

800.000 prisonniers travaillent ainsi dans des prisons américaines, la plupart du temps sans recevoir de salaire décent, voire pas de salaire du tout, selon un rapport de l'Union américaine pour les libertés civiles.

Cinq États ont voté

Les élections de mi-mandat qui se déroulaient ce mardi outre-Atlantique étaient donc l'occasion pour plusieurs de ces États de proposer aux électeurs de supprimer une fois pour toutes ce type de condamnations. Il est en effet commun lors de ces élections que les Américains soient amenés à se prononcer sur des projets de réformes locales, en plus de désigner leurs dirigeants politiques.

Les électeurs ont donc pu voter "oui" ou "non" à des propositions d'abolition totale de l'esclavage ou travail forcé dans leurs textes de lois dans cinq États: la Louisiane, l'Alabama, le Tennessee, le Vermont et l'Oregon. De telles sanctions sont encore inscrites dans la loi de douze autres États.

Au moment de l'écriture de cet article, quatre des cinq résultats sont connus: le Vermont, qui autorisait le travail forcé pour payer une dette, des dommages et intérêts ou une amende, ainsi que le Tennessee et l'Alabama, ont voté en faveur de telles abolitions. La Louisiane a quant à elle voté contre. Reste l'Oregon, où le "oui" l'emporte pour le moment mais où le dépouillement n'est pas fini.

Ramassage de coton pour deux cents de l'heure

L'esclavage et le travail forcé portent le plus souvent, aux États-Unis, sur des tâches domestiques propres aux établissements pénitentiaires, indique Claudia Flores, chercheuse à l'université de Yale, au New York Times. En n'ayant pas recours à des employés qu'ils devraient payer au salaire minimum pour des tâches comme le service des repas ou la lessive, les administrations peuvent bénéficier de coûts de fonctionnement restreints.

Mais les détenus peuvent aussi travailler pour des employeurs extérieurs, notamment dans la production manufacturière (fournitures scolaires, plaques d'immatriculation, textile, ...) mais aussi dans l'agriculture.

Un ancien détenu raconte ainsi au New York Times avoir été payé deux cents (0,02 dollar) de l'heure pour la récolte de coton et de légumes dans des champs de Louisiane pendant ses années d'emprisonnement. Il explique avoir travaillé sous des chaleurs intenses parfois sans pouvoir boire. Frustré et en colère, il en serait venu à se blesser lui-même pour ne plus avoir à travailler dans ces conditions. Un comportement sanctionné par un transfert à l'isolement dans sa prison.

L'ACLU estime ainsi que les 800.000 personnes qui travaillent en étant emprisonnés aux États-Unis produisent plus de 2 milliards de dollars de biens et plus de 9 milliards de dollars de services par an, tout en étant payés en moyenne de 13 à 52 cents de l'heure. Le salaire minimum en vigueur sur le marché du travail américain traditionnel est, en comparaison, de 7,25 dollars de l'heure. Certains États comme la Californie, qui applique encore des peines de travail forcé, ont même remonté ce seuil à 15 dollars de l'heure.

Des abolitions qui ont peu de conséquences

Si l'abolition de l'esclavage est portée par des militants progressistes dans le but de permettre une rémunération digne pour les détenus, plusieurs experts judiciaires ont notamment expliqué au New York Times que les votes pour une abolition formelle de l'esclavage n'auraient très certainement pas d'effet immédiat, voire pas d'effet du tout. Ils pourraient faire l'objet de recours devant les tribunaux et/ou être invalidés par un vote des législateurs locaux car ils n'ont pas toujours de valeurs contraignantes.

Ces votes ont toutefois un poids symbolique: ceux qui militent en faveur de ces abolitions veulent rappeler que l'esclavage n'est pas totalement aboli aux États-Unis et créer un moment politico-médiatique propice à donner de la visibilité à ce débat sur la table à l'échelle nationale. Des sénateurs démocrates avaient tenté de modifier l'amendement constitutionnel autorisant la condamnation à l'esclavage à l'échelle fédérale en juin 2021 mais n'avaient pas trouvé de soutien suffisant pour faire voter l'amendement.

Trois États ont déjà voté pour retirer la condamnation à l'esclavage de leur attirail judiciaire: le Colorado en 2018 suivi par le Nebraska et l'Utah en 2020. Les conséquences ont été minimes: le Colorado a récemment débouté un détenu qui faisait valoir son droit nouvellement acquis de ne pas être forcé à travailler, tandis qu'une prison de l'Arkansas a attribué une rémunération de 20 à 30 dollars par semaines à des détenus qui, jusque-là, travaillaient sans percevoir de rémunération.

Certains observateurs expliquent aussi qu'en cas d'abolition pure et simple du travail forcé, des détenus qui pouvaient acquérir des compétences, bénéficier d'un sentiment d'être utile et même gagner un peu d'argent, pourraient être privé de travail. Les établissements pourraient alors avoir recours à des employés venant de l'extérieur pour effectuer les tâches anciennement alloués aux détenus s'ils en ont les moyens, plutôt que de flécher ces dépenses vers les détenus. Mais s'ils manquent de fonds, c'est tout simplement les conditions de vie dans les prisons qui pourraient être encore dégradées, faute de personnel pour accomplir certaines tâches.

Article original publié sur BFMTV.com