Michelin annonce un « salaire décent » pour ses salariés, voici comment il est calculé

Michelin annonce un « salaire décent » pour ses salariés, voici comment il est calculé (photo d’illustration).
GIUSEPPE CACACE / AFP Michelin annonce un « salaire décent » pour ses salariés, voici comment il est calculé (photo d’illustration).

ENTREPRISE - Trois étoiles dans le guide des bonnes pratiques ? Après la validation du salaire de Carlos Tavares, PDG de Stellantis, à 36 millions d’euros, l’annonce de Michelin a fait son petit effet. L’entreprise a fait savoir ce jeudi 18 avril qu’elle avait instauré un « salaire décent » pour 100 % de ses 132 000 salariés à travers le monde. Derrière la belle annonce, quelques détails interpellent.

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Contrairement au Smic (21 203 euros brut annuels en France) instauré par la législation, le « salaire décent », laissé à la liberté des entreprises, est défini par l’Organisation internationale du travail (OIT) comme « le niveau de salaire nécessaire pour assurer un niveau de vie décent (alimentation, transport, éducation, frais de santé) aux travailleurs et à leurs familles, compte tenu de la situation du pays ». Ce revenu doit aussi permettre de constituer une épargne de précaution et d’acquérir des biens de consommation.

Dans le cas de Michelin, le PDG Florent Menegaux évoque dans Le Parisien un salaire décent « de deux fois le Smic à Paris, et de + 20 % du Smic à Clermont-Ferrand », au siège de l’entreprise. Des chiffres précis de la firme transmis à l’AFP font état de 39 638 euros par an pour un salaire « décent » brut à Paris, soit environ 2 500 euros net par mois. Et de 25 356 euros à Clermont-Ferrand, soit 1 650 euros net par mois. « En moyenne, le salaire décent représente entre 1,5 fois et 3 fois le salaire minimum », a précisé Florianne Viala, directrice de la rémunération du groupe.

Seulement 5 % des salariés concernés

Contactée par Le HuffPost, l’entreprise explique que le système a été mis en place progressivement à partir de 2021 quand elle a pris contact avec l’ONG Fair Wage Network (FWN), qui délivre des certifications en la matière. À l’époque, explique Florent Menegaux, 95 % des salariés se trouvaient déjà au moins au niveau du « salaire décent ». En trois ans, ce ne sont donc que 5 % des employés – soit 6 600 personnes dans le monde – qui ont vu leur salaire augmenter. Michelin n’était pas en mesure de nous transmettre le nombre d’employés concernés en France mais assure qu’elle concerne tous les CDD et CDI.

« C’est un coup de com’ en lien avec les velléités de certains patrons d’attaquer le Smic. Cette mesure va dans le sens d’un Smic différencié selon qu’on serait à Paris ou à Clermont-Ferrand », déplore la CGT contactée par Le HuffPost.

Des enquêtes auprès des salariés et de leur environnement

Pour établir les montants évoqués, Michelin a collaboré avec l’ONG Fair Wage Network. Sur son site, cette dernière détaille sa méthode globale. Elle mène par exemple des enquêtes auprès des salariés : leurs dépenses, leurs emprunts et remboursements, les difficultés de la vie auxquels ils doivent faire face, la qualité de leur quotidien.

FWN se penche également sur les prix pratiqués dans les commerces locaux des salariés. Plus elle collecte d’informations, plus elle est en mesure d’affiner son estimation du « salaire décent » dans un endroit donné. De quoi obtenir une large base de données à laquelle se sont ajoutés des audits réalisés chez Michelin.

Des primes intégrées au salaire

Trop beau pour être vrai ? La CGT accuse la direction de parler en réalité de « rémunération » et d’englober dans son « salaire décent » des primes, lesquelles varient par ailleurs d’une année à l’autre. Et de fait, l’entreprise reconnaît auprès du HuffPost qu’elle évoque le terme de « salaire décent » comme une traduction de l’anglais « living wage », et que son calcul englobe bien les primes fixes, comme les primes liées à la pénibilité du travail, mais aussi le 13e mois.

Auprès du Parisien, le PDG de Michelin reconnaît lui-même que cette mesure n’empêchera pas des sites de devoir fermer à l’avenir. De quoi alimenter les craintes. « On a peur que cette annonce très positive soit un préalable à l’annonce d’une restructuration ou de la fermeture d’un site en France », confie un salarié. Pneu mieux faire ?

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