Michel Ocelot, papa de Kirikou, sort un nouveau film entre féérie et anarchisme

Infatigable Michel Ocelot. À 78 ans, le réalisateur de Kirikou et la Sorcière, Princes et Princesses et Azur et Asmar vient de sortir le 19 octobre au cinéma son neuvième film. Disponible pile pour les vacances de la Toussaint, Le Pharaon, le Sauvage et la Princesse réunit trois contes inspirés par les folklores français, moyen-orientaux et africains.

Ces trois petites fables morales, des histoires d'émancipation et d'amour, qui se nourrissent des schémas classiques du conte, explorent successivement l'Égypte des Pharaons noirs, l'Auvergne du Moyen-Âge et la Turquie telle que l'imaginaire orientaliste occidental du XVIIIe siècle se la représentait.

Dans le premier conte, un jeune roi du Soudan part à la guerre et devient Pharaon pour conquérir le cœur d'une fille de reine. Dans le second, qui se déroule en Auvergne, il est question d'un fils de seigneur, d'un prisonnier et du mystérieux "Beau sauvage", qui vient au secours des plus faibles. Le troisième conte se déroule à Istanbul et raconte la rencontre entre un vendeur de beignets et une princesse recluse.

Trois courts-métrages imaginés avant tout "pour le plaisir" du public: "Je cherche le plaisir en me confrontant à d'autres civilisations, d'autres pays", précise le réalisateur, qui préfère les histoires courtes aux longs-métrages de fiction: "C'est très agréable de faire des histoires qui font la bonne durée, de ne pas les étirer ou de ne pas lui couper des jambes pour que ça rentre."

"Je veux qu'on se libère des tyrans"

Avec son théâtre d'ombres, ses couleurs chatoyantes et ses jeunes guerriers valeureux, Le Pharaon, le Sauvage et la Princesse ne dépaysera pas le spectateur habitué à l'univers de Michel Ocelot. Mais avec ce film, il entend prendre le pouls de la société française. La première scène du film se déroule ainsi sur un chantier, symbole d'une société à reconstruire après la pandémie.

"C'est le premier dessin que j'ai fait la première semaine du confinement", explique Michel Ocelot. "J'étais effaré par ce qui se passait, par cette sorte de fin du monde. Le pays s'arrêtait totalement et je me suis demandé combien de temps ça allait durer. Je me suis aussi dit que lorsqu'on allait se réveiller, il n'y aurait plus que des ruines, et qu'il faudrait reconstruire."

C'est l'ambition affichée par Le Pharaon, le Sauvage et la Princesse: réenchanter un monde qui manque cruellement de poésie. "Entre autres choses", modère-t-il. "Tous les moyens sont bons. Vous, les journalistes, et moi, nous avons des pouvoirs. Nous parlons aux gens. Et on les influence. J'essaie avec mes films d'apporter de la décontraction aux gens."

Dans la lignée de Dilili à Paris, qui a valu un César à Michel Ocelot, Le Pharaon, le Sauvage et la Princesse est parfois un peu plus sombre que ses films précédents. Le conte auvergnat offre ainsi une dimension presque anarchiste, en mettant en scène la destruction d'un palais de justice. Une touche inattendue dans son œuvre: "Je veux qu'on se libère des tyrans", martèle le réalisateur.

"Pas de Kirikou sans moi"

Michel Ocelot lui-même cherche à se libérer, à son niveau, des "tyrans" du cinéma: "Je me suis libéré des producteurs. Je fais ce que je veux", sourit-il malicieusement. Malgré le succès de ses précédents films, il n'a reçu aucune aide pour ce nouveau projet. "Je n'ai eu d'argent de presque personne. C'est un refus universel."

Il n'est pas près de s'arrêter de travailler. "J'ai deux projets, dont un très ambitieux: raconter l'Europe par le conte de fées, parce que je ne veux pas que l'Europe se défasse. C'est une énorme série pour la télévision où chaque pays apporterait ses histoires. C'est un projet que j'ai depuis longtemps en tête." Ce sera son testament: "C'est fait pour après moi. C'est un cadeau que je veux donner aux gens."

Michel Ocelot n'a pas prévu de faire un dernier film avec son personnage fétiche de Kirikou. "Pour moi, c'est fini. Mon producteur aimerait bien qu'on continue, mais j'ai l'impression que j'ai dit tout ce que je voulais dire. Le premier film, c'est le vrai film. Les autres, ce sont des post-scriptum, mais ils sont intéressants aussi, même si je ne voulais pas les faire."

Michel Ocelot s'oppose d'ailleurs à ce que d'autres s'emparent de son personnage pour lui faire vivre d'autres aventures: "Je pense que je vais donner des instructions pour qu'on laisse tranquille Kirikou. Kirikou, c'est moi. C'est mes tripes. C'est mes pensées. C'est moi. Et personne d'autre que moi ne peut me faire parler! Donc pas de Kirikou sans moi."

Article original publié sur BFMTV.com