Michael Lonsdale, acteur de "Des hommes et des dieux" et "Moonraker", est mort

Michael Lonsdale en 2011 avec son César - AFP
Michael Lonsdale en 2011 avec son César - AFP

Acteur capable de tout jouer, de l'inquiétant Hugo Drax de Moonraker au délicat moine des Hommes et des dieux, Michael Lonsdale est mort ce lundi 21 septembre, rapporte L'Obs. Il avait 89 ans. En près de soixante ans de carrière, l'acteur à la chevelure et à la barbe blanche a incarné plus de 200 rôles au cinéma, au théâtre ou encore à la télévision.

Acteur de théâtre et de cinéma, Michael Lonsdale a tout au long de sa carrière réussi à maintenir l'équilibre entre superproductions et œuvres intimistes. Parfaitement bilingue, doté d'une voix traînante reconnaissable entre mille et d'un physique à la fois banal et étrange, il jouait avec la même aisance des méchants, des timides et des cocus.

"Lonsdale ce n'est pas seulement la voix mais aussi la dégaine, la silhouette, la carcasse, une manière dégingandée de traîner toute la lourdeur du monde, et d'en faire une pirouette", a résumé sur Twitter Gilles Jacob, l'ancien président du festival de Cannes.

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Né à Paris le 24 mai 1931, d'une liaison entre un officier anglais et une Française, Michael Lonsdale est élevé à Londres, puis au Maroc. Revenu à Paris en 1947, sans certificat d'études ni baccalauréat, il fait des rencontres déterminantes qui lui permettent de monter sur les planches, travaillant notamment avec l'actrice Delphine Seyrig ou le metteur en scène Samuel Beckett.

Débutant au cinéma grâce à Gérard Oury à la fin des années 1950, Michael Lonsdale côtoie à la fois François Truffaut (La Mariée était en noir, Baisers volés) et Jean-Pierre Mocky (Snobs!, La Grande lessive), Orson Welles (Le Procès) et Louis de Funès (Hibernatus).

C'est grâce à François Truffaut que le timide comédien sort de sa chrysalide. La veille du tournage de Baisers volés, le réalisateur lui donne deux pages du scénario. L'acteur qui se définit comme un "instinctif" vit cela comme une "délivrance". Sa règle est de ne "jamais jouer les mots" mais de "jouer la situation".Il incarne un marchand de chaussures prospère qui engage un détective privé pour savoir pourquoi personne ne l'aime. Tout en retenue, il est odieux en mari que sa femme, Delphine Seyrig, trompe avec le jeune détective, Jean-Pierre Léaud.

Michael Lonsdale participe avec la même conviction aux superproductions comme Paris brûle-t-il? (1966) et aux expérimentations visuelles de transfuges de la Nouvelle Vague comme Marguerite Duras (Détruire, dit-elle) et Jacques Rivette (Out 1). A propos de sa capacité à alterner nanars et chefs d'œuvre avec le même aplomb, Michael Lonsdale confiait à Télérama en 2010: "J'aime être là où on ne s'attend pas à me voir."

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De James Bond au Nom de la Rose

Installé dans le cinéma français et fidèle en amitié, il poursuit sa carrière en tournant avec un groupe d'auteurs récurrents, tout en donnant sa chance à de jeunes cinéastes ou à des réalisateurs d'une autre sensibilité que la sienne. Ses goûts en matière en cinéma sont assurés et il participe à certains des films les plus marquants des années 1970. On le retrouve ainsi dans Le Fantôme de la liberté de Luis Bunuel (où il joue un notable adepte de sadomasochisme), Section spéciale de Costa-Gavras ou encore Monsieur Klein de Joseph Losey.

Personnalité discrète du cinéma français, il joue souvent des hommes de l'ombre. C'est le cas dans Stavisky... (1974) d'Alain Resnais, dans India Song (1975), le poème visuel de Marguerite Duras où il incarne le vice-consul de Lahore, ou encore dans Munich (2007) de Steven Spielberg, où il est l'inquiétant "Papa". Son rôle le plus célèbre reste celui du méchant de Moonraker, aventure de James Bond avec Roger Moore parue en 1979. Il incarne le très cruel et très riche Hugo Drax, génial inventeur de la navette spatiale Moonraker. Cultivé, raffiné tout autant que brutal et intransigeant, Michael Lonsdale y déploie sa palette d'interprétation, la douceur de sa voix ne rendant que plus inquiétante la mégalomanie de son personnage.

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Dans les années 1980, il tient un rôle tout aussi marquant dans Le Nom de la Rose de Jean-Jacques Annaud. Chrétien convaincu, un de ses derniers rôles importants - et son plus beau - est celui du moine Luc dans Des hommes et des dieux, évocation de l'assassinat des moines de Tibhirine qui lui a valu le César du meilleur second rôle masculin en 2011. Devant la caméra de Xavier Beauvois, il parvient à incarner la profonde humanité de Luc, médecin respectueux de l'islam.

Souvent associé à des hommes froids, il était capable de jouer des partitions plus légères, comme ce fut le cas en 2014 dans le joli Maestro, où il joue un vieux maître du cinéma s'entourant de jeunes acteurs pour leur prodiguer des conseils de vie. Egalement auteur, Michael Lonsdale a signé une dizaine d'ouvrages et a prêté sa voix à plusieurs livres audios de classique de la littérature.

Article original publié sur BFMTV.com