Merkel défend à son tour l'idée d'une armée européenne

La chancelière allemande, Angela Merkel, a défendu mardi l'idée d'une armée européenne relancée par Emmanuel Macron et dénoncée par Donald Trump, assurant qu'elle ne menacerait en rien l'Otan. /Photo prise le 13 novembre 2018/REUTERS/Vincent Kessler

STRASBOURG (Reuters) - La chancelière allemande, Angela Merkel, a défendu mardi l'idée d'une armée européenne relancée par Emmanuel Macron et dénoncée par Donald Trump, assurant qu'elle ne menacerait en rien l'Otan.

"Nous devons élaborer une vision nous permettant un jour de parvenir à une véritable armée européenne", a-t-elle déclaré lors d'un discours sur "l'avenir de l'Union européenne" devant le Parlement européen, à Strasbourg.

"(Le président de la Commission européenne) Jean-Claude Juncker disait déjà il y a quatre ans qu'une armée européenne montrerait au monde qu'entre les pays européens, il n'y aurait plus jamais de guerre", a-t-elle poursuivi, selon la traduction française de son allocution.

Une majorité de l'hémicycle a applaudi la chancelière tandis que certains rangs la huaient.

"Il ne s'agit pas d'une armée contre l'Otan, bien au contraire, cela peut être une armée qui complétera de façon très utile l'Otan sans remettre en cause ce lien", a souligné Angela Merkel, répondant implicitement aux réactions acerbes de Donald Trump à la proposition d'Emmanuel Macron.

Donald Trump avait jeté un froid à son arrivée à Paris samedi en jugeant "très insultante" l'idée du président français, suggérant que "peut-être l'Europe devrait-elle payer sa part (du budget) de l'Otan, que les Etats-Unis assument largement".

Angela Merkel a également réitéré la nécessité pour les Européens de développer des systèmes d'armement communs et une politique d'exportation d'armements commune, "sinon nous ne pourrons pas nous présenter unis sur la scène internationale".

Au chapitre économique, la chancelière a estimé que le projet d'union bancaire et la garantie des dépôts devraient s'accompagner d'une réduction des "risques au sein des budgets nationaux".

"Nous voulons que la responsabilité et le contrôle aillent de pair", a-t-elle jugé.

Angela Merkel a annoncé l'intention de la France et de l'Allemagne de faire des propositions dans ce domaine "d'ici décembre", sans plus de précisions.

ADAPTER LES TRAITÉS AUX NOUVELLES RÉALITÉS

Quant au projet de taxation des géants du numérique, la chancelière a souhaité qu'il voie le jour dans un cadre international. Faute d'accord sur une taxation minimum, il faudrait "agir au plan européen", a-t-elle déclaré.

La chancelière a également évoqué la question des migrations et de l'accueil des réfugiés, regrettant que l'Europe ne fasse toujours pas "front uni" et invitant les Etats à abandonner dans ce domaine "une partie de (leur) souveraineté nationale".

"Nous devons faire dans des domaines aussi sensibles que la crise des réfugiés et l'aide humanitaire, comme nous l'avons fait pour le marché unique, où tous les Etats membres sont sur un pied d'égalité, faute de quoi, nous n'arriverons jamais à relever le défi que représente la migration", a-t-elle affirmé.

Répondant aux eurodéputés, elle a ironisé sur les Etats qui, au sein du Conseil européen, ne veulent plus toucher aux traités pour engager les réformes nécessaire.

"Nous devons adapter les traités aux nouvelles réalités du monde", a-t-elle assuré.

S'interrogeant enfin sur "le rôle de l'Allemagne" tout en répondant implicitement aux reproches d'atermoiements dont elle fait souvent l'objet en France, elle a souligné la complémentarité entre les deux pays.

"Vous voulez deux choses à la fois. Vous voulez des visionnaires, au côté de la France, mais vous voulez aussi que cette vision devienne réalité et qu'au bout du compte, le Conseil (européen) vote à l'unanimité", a-t-elle dit, soulignant le "fossé" qui sépare souvent cette vision de la réalité.

"L'Allemagne a toujours joué un rôle important au sein de l'Union européenne pour formuler des objectifs ambitieux mais également pour respecter l'avis de ceux qui ont un point de vue divergent", a-t-elle ajouté.

(Sophie Louet avec Gilbert Reilhac à Strasbourg, édité par Yves Clarisse)