Le mercato des directeurs sportifs, cette nouvelle tendance symbole du football moderne

Le football est en constante évolution et l’agitation autour des directeurs sportifs est récente. Si ce poste existe depuis longtemps, certes parfois sous une autre appellation, il n’est plus aussi stable que par le passé. Bernard Lacombe est toujours resté lié à Lyon, Robert Budzinski à Nantes, José Anigo à l’OM, Michel Mézy à Montpellier… Des hommes d’un club, ou presque, qui incarnaient un projet sportif dont ils étaient quasiment les garants. Plus carriéristes que leurs prédécesseurs, les directeurs sportifs actuels n’attendent plus d’être virés et surfent sur leur réussite pour s’offrir de nouveaux challenges. C’est ainsi qu’en quelques mois Florent Ghisolfi est passé de Lens à la Roma, en faisant escale à Nice. Poste clé dans l’organisation sportive d’un club, le “DS” est en train d’évoluer.

Une fonction en mutation

Qu’il semble lointain le temps où le directeur sportif était un historique du club, bras droit du président, qui gérait les affaires courantes dans l'ombre. “Tout se complexifie", remarque l’ancien entraîneur toulousain Philippe Montanier. "Avant il y a avait trois ou quatre agents de joueurs influents, les présidents de clubs géraient plus ou moins ça en direct. C’était moins fréquent d’avoir des directeurs sportifs, maintenant c’est une nécessité. On ne peut plus tout faire seul comme avant parce que le métier se complique avec beaucoup de choses à gérer et des staffs qui sont d’ailleurs de plus en plus importants." Une évolution qui existe à tous les étages des clubs note aussi cet agent: "Les actionnaires dans les clubs ont beaucoup changé. On n'a plus de présidents à l'ancienne qui géraient un peu tout. Ceux de cette trempe qui restent comme Nicollin, Caillot ou Le Saint, sont entourés de professionnels. Aujourd'hui, les DS ont plus de pouvoir. Ils sont jeunes avec des envies de bouger, d'évoluer dans leur carrière et sont moins implantés dans un club, dans leurs racines. Ils sont demandeurs de ce mouvement."

"Le foot est fait de cycle. L'entraîneur, comme le directeur sportif, est un pion"

Homme fort du projet d’un club, le directeur sportif insuffle sa dynamique jusqu’à ce que celle-ci s’arrête. "Ça devient un peu comme avec les entraîneurs", observe un agent.

"Les clubs se lassent et marchent par cycle. Les directeurs sportifs prennent ce chemin."

"Je pense que c'est une bonne chose pour les clubs. Ça leur permet de se régénérer. Le foot est fait de cycle. L'entraîneur, comme le directeur sportif, est un pion.” Mais au même titre que les entraîneurs et joueurs, eux aussi peuvent capitaliser sur leurs réussite explique ce conseiller: "Certains aussi sont très doués et sont convoités ce qui les fait bouger car les offres sont intéressantes. Certains sont dans des objectifs de carrière et ont besoin de changer de terrain régulièrement." Cet autre agent regrette cette instabilité nouvelle: "Ça nous impacte directement. Un mercato se prépare des mois à l’avance, quand tu discutes pendant des semaines et qu’au final ton interlocuteur s’en va, tu repars à zéro. Par exemple à Nice ça bouge à tous les étages, y compris chez les jeunes, donc il n’y a pas vraiment de continuité dans les échanges. Dans le moins pire des cas, c’est mis en stand-by, sinon tu repars littéralement à zéro."

Les bons directeurs sportifs se font rares

Les clubs ne sont plus simplement jugés à leurs résultats sportifs, mais aussi à leurs résultats comptables. Les directeurs sportifs ont aussi pour mission d’équilibrer les finances grâce à une balance de transfert positive, autrement dit: il faut faire des bons coups. Ceux qui en font sont prisés et en profitent pour relever de nouveaux défis. Philippe Montanier l’observe.

"Comme les entraîneurs, les directeurs sportifs ne sont plus attachés à un club à vie et font partie de la loi du marché, ils sont demandés."

Un dirigeant d'un club du haut de tableau de Ligue 1 donne ses explications: "Il n'y a pas beaucoup de formation de directeur sportif. Tu apprends sur le tas en tant qu'ancien joueur ou en étant dans le milieu depuis longtemps. Quand tu cherches quelqu'un, on te propose beaucoup de candidats mais des très compétents, tu en as peu. C'est une niche très concurrentielle. Il suffit de regarder les noms qui circulent en France, c'est Ghisolfi, Maurice, Lorenzi, Désiré. Ça retombe toujours sur les mêmes noms. Les gens qui sont sérieux, intègres, compétents, qui ont fait un certain nombre d'années dans leur club avec des expériences qui tiennent la route, il n'y en a pas tant que ça."

Un mercato… mais pas encore de transfert de directeur sportif

Il est devenu fréquent de voir des clubs payer des indemnités pour s’attacher les services d’un entraîneur. "Avant un entraîneur était viré ou allait au bout de son contrat", constate un habitué des vestiaires. "Maintenant tout le monde se fait débaucher, même les recruteurs, les analystes ou les formateurs." Ce dirigeant en poste dans le championnat s’attend à d’autres évolutions à l’avenir: "La prochaine étape peut être l'arrivée de transferts entre clubs pour les directeurs sportifs, comme pour les joueurs. Mais ils n'ont pas le même type de contrat. Ils sont généralement en CDI et non en CDD comme les joueurs ou entraîneurs. S'ils veulent partir, c'est un accord à l'amiable. S'il n'y a pas d'accord, c'est la loi de droit commun. Il a un préavis de trois mois et il s'en va. Vous ne pouvez rien faire. En l’état, si un DS veut partir, comme avec un joueur, c'est difficile de le retenir." Maître de son destin, le directeur sportif est devenu la clé de voûte d’un projet duquel il peut s'extirper le premier.

Article original publié sur RMC Sport