Menaces de mort visant une CPE à Paris: ce que l'on sait après l'ouverture de l'enquête

Menaces de mort envers une CPE: ce que l'on sait après l'ouverture de l'enquête (Photo d'une élève passant un examen par REUTERS/Benoit Tessier) (Photo: Benoit Tessier via Reuters)
Menaces de mort envers une CPE: ce que l'on sait après l'ouverture de l'enquête (Photo d'une élève passant un examen par REUTERS/Benoit Tessier) (Photo: Benoit Tessier via Reuters)

Menaces de mort envers une CPE: ce que l'on sait après l'ouverture de l'enquête (Photo d'une élève passant un examen par REUTERS/Benoit Tessier) (Photo: Benoit Tessier via Reuters)

JUSTICE - Un scandale, deux versions. Une enquête a été ouverte le vendredi 17 juin par le pôle national de lutte contre la haine en ligne du parquet de Paris après une plainte d’une Conseillère principale d’éducation (CPE) du lycée Charlemagne, victime de menaces de mort et de harcèlement en ligne, a appris l’AFP lundi 20 juin de source policière, confirmée par le parquet de Paris.

Cette enquête pour menaces de mort, harcèlement moral en ligne et mise en danger de la vie d’autrui par diffusion d’informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle a été confiée à l’Office central de lutte contre les crimes contre l’humanité et les crimes de haine (OCLCH), a-t-on ajouté de mêmes sources, confirmant une information du Figaro.

Les faits remontent à jeudi lorsqu’une jeune fille portant un voile s’est présentée aux épreuves du baccalauréat à son centre d’examen du lycée Charlemagne dans le 4e arrondissement de Paris. La CPE lui aurait alors interdit l’entrée des lieux si elle ne retirait pas son voile.

Ensuite, selon une source policière, les versions des deux femmes divergent. Selon les éléments recueillis par le rectorat de Paris et communiqués à l’AFP, la candidate, élève d’un autre établissement parisien, “aurait dans un premier temps refusé d’ôter son voile” afin d’entrer dans le lycée Charlemagne, “malgré les rappels à la loi effectués à plusieurs reprises par les personnels de la vie scolaire”. Cela “aurait conduit à des échanges tendus entre la candidate et un personnel d’éducation, avant que la candidate n’accepte finalement de retirer son voile, et qu’elle puisse être accompagnée dans sa salle d’examen”.

La lycéenne assure avoir enlevé son voile et avoir été agressée 

De son côté, la jeune fille explique avoir été interpellée par la CPE devant la porte du lycée lui ordonnant de retirer “son truc sur la tête”. La candidate dit s’être immédiatement exécutée, selon les témoignages qu’elle a livrés à Mediapart et le média d’extrême gauche Révolution Permanente.

Malgré cela, la CPE n’aurait toujours pas voulu la laisser entrer et l’aurait accusée de provocation et de venir faire de la propagande sur le voile. Interdite de rentrer dans la salle pour commencer son épreuve, l’adolescente explique avoir été traitée comme “un monstre”, une “malpropre”.

“Elle m’a dit qu’elle s’occuperait de mon cas après. Je n’ai pas compris ce qui m’arrivait car je n’avais déjà plus le voile sur moi. J’ai répondu que j’étais une élève comme les autres et que j’avais mon épreuve à passer aussi, mais elle ne m’a pas laissée entrer”, explique-t-elle à Médiapart. 

Une vidéo filmée à ce moment, publiée sur les réseaux sociaux, montre en effet la conseillère de l’établissement crier: “Tu la mets en veilleuse, on te demande de l’enlever tu l’enlèves, point”. Toutefois, elle ne présente pas le début de l’échange et la cause directe de l’altercation.

“Un flot de mauvaises paroles”

Pourtant, un membre du personnel éducatif, interrogé par Mediapart, confirme que Sabrina n’a jamais refusé d’ôter son voile et souligne lui aussi “l’agressivité” dont aurait fait preuve la CPE.

Selon lui, la lycéenne l’aurait retiré “dans la seconde” “mais la CPE n’a pas lâché l’affaire et n’a pas voulu la laisser entrer”. “Elle s’est mise à l’insulter et à lui parler mal. Je me suis mis dans son champ de vision pour tenter de calmer le jeu, d’abord sans intervenir. Ce n’est pas la première fois qu’elle a des accès de colère, mais ça n’a jamais pris de telles proportions. C’est presque systémique chez elle: dès qu’elle observe une situation de faiblesse chez un élève, elle le met en difficulté. Elle vrille et sort des arguments dégueulasses ensuite pour écraser le petit”, explique-t-il à Mediapart.

Une commerçante, alertée par les cris et qui a assisté à la scène, a tenté de s’interposer, en vain. “J’ai entendu quelqu’un crier pendant un quart d’heure. On était plusieurs commerçants à se regarder en se demandant ce qu’il se passait”, confie-t-elle au média. “C’était un flot de mauvaises paroles. J’ai vu une élève debout à l’entrée du lycée, figée et seule. Une femme à l’intérieur de la cour était en train de lui hurler dessus”.

Finalement, la responsable éducative a contacté le lycée et les parents de l’élève pour les avertir de la situation, puis lui a tendu une convocation. “Elle m’a dit d’aller passer l’épreuve, puis a promis de me pourrir la vie”, assure la jeune fille.

La CPE évoque une élève dans la provocation 

Du côté de la CPE, la version diffère sensiblement. Elle assure que l’élève a refusé de retirer son voile quand elle le lui a demandé et aurait tenté de forcer le passage. BFMTV évoque “certains témoins” qui auraient vu la bachelière déterminée à ne pas obéir. La CPE aurait alors continué de lui rappeler qu’elle devait enlever son voile, en vain.

Alors, pour éviter de bloquer l’entrée à la salle et retarder le début de l’examen écrit de Français, la CPE aurait décidé de mettre la jeune fille sur le côté pendant un certain temps, ce qui aurait agacé cette dernière. Le ton serait alors monté, donnant lieu à la vidéo repartagée par Révolution Permanente.

BFMTV note que d’après “toutes les sources” que le média a réunies, toutes étaient d’accord sur le fait que, d’un côté la jeune fille était dans la provocation, et de l’autre côté la CPE a perdu ses nerfs.

Menaces de mort et harcèlement en ligne

Contacté par Mediapart, le parquet de Paris indiquait samedi qu’une enquête avait été ouverte “des chefs de menaces de mort, harcèlement moral en ligne et mise en danger de la vie d’autrui par diffusion d’informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle”.

Si une enquête a été ouverte, c’est parce qu’après cette altercation, ont suivi très rapidement des tweets sur les réseaux sociaux, de plus en plus menaçants envers la fonctionnaire jusqu’à ce que son identité soit dévoilée. Or, depuis l’assassinat en octobre 2020 de Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie, la mise en danger de la vie d’autrui par la diffusion d’informations sur la vie privée, familiale et professionnelle est devenu un délit.

Constatant que cet incident “avait été relaté de manière unilatérale sur les réseaux sociaux et que des menaces de mort avaient été formulées à l’encontre de certains personnels du lycée Charlemagne”, l’académie de Paris a pris vendredi matin “toutes dispositions, en lien étroit avec les autorités judiciaires et les services préfectoraux, afin que leur sécurité personnelle, ainsi que celle de l’ensemble des élèves et personnels du lycée Charlemagne, puisse être assurée”, a indiqué le rectorat à l’AFP.

L’académie de Paris “condamne avec la plus grande fermeté les menaces de mort et le cyberharcèlement dont sont actuellement victimes ses personnels, et tient à les assurer de tout son soutien dans cette épreuve”, a-t-il ajouté.

Les enquêteurs, qui veulent “aller vite pour couper la dynamique” du harcèlement, ont d’ores et déjà entendu la CPE et l’élève. Cette dernière n’est pas mise en cause, a-t-on précisé de source policière. La fonctionnaire et son établissement font l’objet d’une “sécurisation et d’une vigilance” particulières de la part de services, a-t-on précisé de source proche du dossier.

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Cet article a été initialement publié sur Le HuffPost et a été actualisé.

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