"Matrix Resurrections": le retour de Trinity et de Néo est-il réussi?

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Pourquoi refaire un film parfait qui a révolutionné l'histoire du cinéma? C'est la question que se sont posés tous les fans de Matrix en découvrant le 20 août 2019 l'officialisation du projet Matrix Resurrections. Et que continue de se poser la réalisatrice Lana Wachowski dans ce quatrième opus très réussi en salle ce mercredi.

À la fois suite, reboot et remake de la trilogie originale, Matrix Resurrections est à l'image des récents Halloween et Star Wars, épisode VII: Le Réveil de la Force, une sorte de post-scriptum censé éclaircir les zones sombres d'une œuvre - et en corriger les défauts ou les erreurs.

Mais Lana Wachowski n’est pas dupe de l'inanité du projet. Avec Resurrections, qui va transcender toutes les attentes des fans, elle préfère tourner en dérision un système hollywoodien en panne d'inspiration, qui la pousse à s'auto-remaker après les échecs commerciaux de ses derniers projets (Cloud Atlas, Jupiter Ascending).

Resurrections recycle ainsi ouvertement les idées, les personnages et les plans du classique de 1999. Lana Wachowski appuie son propos en multipliant les images en trompe-l’œil, en suivant des personnages coincés dans des boucles temporelles, condamnés à revivre les précédents volets.

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Vingt-deux ans après la sortie de Matrix, la déception de sa co-créatrice est palpable à l'écran: la révolution promise par le film hors-norme de 1999 n'a pas eu lieu et la cinéaste doit replonger une ultime fois dans la matrice pour préserver l'intégrité de son œuvre à une époque où les blockbusters sont davantage des productions marketings que des œuvres artistiques.

Un autoportrait de Lana Wachowski

Cette déception est le sujet même de ce Matrix Resurrections. De nouveau piégé dans la matrice, Néo est redevenu Thomas Anderson. Il n’est plus employé de bureau, mais programmeur de génie, concepteur d'un jeu nommé Matrix, qui en 1999 a changé à jamais le secteur en brouillant les limites entre le réel et le virtuel.

Vingt ans plus tard, Warner, la maison-mère du jeu (et aussi le producteur du film dans la réalité), lui commande une suite. Bien qu'il ait toujours refusé de la faire, Thomas Anderson cède. Entouré de jeunes programmeurs persuadés que Matrix se résume au "bullett time" et à son message anticapitaliste, il plonge en dépression.

Difficile de ne pas y voir un autoportrait de Lana Wachowski, surtout lorsque Néo confie son incapacité à redevenir celui qu’il était auparavant. Un message aux fans qui espèrent découvrir des morceaux de bravoure aussi impressionnants que celui de l'autoroute dans Matrix Reloaded. Resurrections a d'autres projets pour eux.

Inspiration du manga

L'essence de Matrix - entre manga, steampunk et kung-fu - a cependant bien été préservée. Resurrections multiplie les références à JoJo's Bizarre Adventure, dont il partage l'outrance visuelle. Un des antagonistes du film est d'ailleurs capable d’interrompre le temps comme Jotaro Kujo, le héros du manga de Hirohiko Araki.

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Les ajouts à l’univers de Matrix se révèlent aussi très stimulants. La mythologie y est davantage explorée. Les personnages sont plus complexes. Le nouveau Morpheus (Yahya Abdul-Mateen II) tient un peu de l’Agent Smith, tandis que la nouvelle alliée de Néo, Bugs (Jessica Henwick), s'impose sans mal dans cet univers pourtant très codifié.

Matrix Resurrections n'échappe en revanche pas à la mode des "legacy sequels", ces suites d'œuvres cultes, à la dimension métafictionnelle, où les nouveaux personnages confessent leur admiration au héros. "Tu es une légende", "C'est vrai que tu sais voler?" sont autant de répliques soulignant le statut de Néo dans la culture populaire.

Plus proche de "Sense8" que de "Matrix"

Plus qu'une critique des reboots, Resurrections est surtout la tentative de Lana Wachowski de se réapproprier le sens original de la trilogie: apprendre à libérer son esprit des systèmes de domination pour créer une société plus inclusive. Le film ressemble ainsi davantage à Sense8, série considérée comme son chef d'œuvre, qu'à Matrix.

La cinéaste a d'ailleurs retrouvé pour l’occasion une partie de l'équipe de sa série, des acteurs Brian J. Smith et Max Riemelt aux scénaristes David Mitchell et Aleksandar Hemon. Elle a aussi recyclé dans Resurrections quelques thèmes de cette production Netflix, comme les individus interconnectés et l’amour plus fort que tout.

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Volet le plus romantique de la saga, Matrix Resurrections raconte avant tout l'histoire d'amour entre Néo et Trinity. Un amour pur et indéfectible, comme dans les contes. Ces séquences intimistes sont souvent plus inspirées que les scènes d’action. C'est un comble pour Matrix, mais logique au regard du parcours des Wachowski.

Avec Resurrections, Lana Wachowski semble définitivement avoir tourné la page Matrix, avec un final résolument optimiste, voire utopiste. Ce ne sera peut-être pas la fin qu'attendaient les fans, mais c'est celle qui convient le mieux, finalement, à une franchise qui aura toujours tenté de lutter contre un système en réalité indestructible.

Article original publié sur BFMTV.com