Martin Petit, tétraplégique : "J'ai plongé. Un copain m'a sorti de l’eau mais je ne pouvais plus bouger mes jambes"

Changer le regard sur le handicap et transmettre un message fort en faveur de l’inclusion, c’est l’ambition de "Différent.e.s". Pour l’incarner, qui mieux que Salim Ejnaïni : cavalier de Jumping, sportif, conférencier, entrepreneur… et non-voyant ? Comment vit-on avec une "différence", comment apprend-on à s'accepter soi et à accepter le regard de l'autre ? Parcours cabossés, destins contrariés et incroyables leçons de vie : Salim Ejnaïni recueille les témoignages de nos invités extra-ordinaires. Des histoires fortes et inspirantes autour de la résilience et du vivre-ensemble…

Influenceur, Martin Petit est devenu tétraplégique après un mauvais plongeon en 2017. Désormais en fauteuil roulant, le jeune homme a accepté, pour Yahoo, de se livrer sur son handicap. Il s’est notamment confié sur sa nouvelle vie et sur la manière dont il œuvre pour sensibiliser le plus grand nombre à sa cause. Une belle leçon de vie.

C'est le genre de drame qui remet tout en question. Devenu tétraplégique après un grave accident en 2017, alors qu'il n'avait que 25 ans, Martin Petit a dû repenser sa vie. Pour Yahoo, cet ancien grand sportif, désormais en fauteuil roulant, a accepté de se livrer sur son histoire, se confiant sur sa longue phase de rééducation et sur les multiples épreuves qu’il a dû affronter non sans mal mais toujours avec un esprit combatif (Retrouvez l'intégralité de l'interview en fin d'article).

C’était il y a cinq ans. Le 21 août 2017 sur une plage landaise. Ce jour-là, la vie de Martin bascule du tout au tout après un tragique accident. Un mauvais plongeon qui l’a privé d’une grande part de son autonomie. Sa moelle épinière est touchée. Là, tout se bouscule. Prisonnier de l’eau, Martin n’arrive plus à refaire surface, s’apprête à se noyer mais parvient à s’en sortir grâce à l’un de ses amis. Seulement voilà : le jeune homme de 25 ans déchante très rapidement. Il ne peut plus bouger ses jambes. "À partir du moment où je suis entré dans l’hélicoptère et où l’appareil a atterri à l’hôpital, je ne me souviens plus des trois jours qui ont suivi".

Ce dont il se souvient, en revanche, c’est de son réveil en salle de réanimation, un moment qu’il n’oubliera probablement jamais. "J’avais un bouton rouge à disposition en cas d’urgence et je n’arrêtais pas d’appuyer. La personne m’a clairement dit qu’elle n’allait pas pouvoir rester là toute la nuit", une phrase qui l'anéantit sur le coup. Car à ce moment, tout ce dont il a besoin est d’un peu de réconfort. Le couperet finit par tomber, Martin est tétraplégique incomplet. "Ma moelle a été pincée mais n’a pas été violemment sectionnée ou comprimée", explique-t-il tout en rappelant avoir encore l’usage de ses épaules, de ses biceps et de ses poignets. Une certaine autonomie qui lui laisse encore d’innombrables "possibilités".

Malgré tout, Martin se répète que sa vie n’a plus de sens mais trouve la force d’aller de l’avant grâce à des phrases et à des petits gestes réconfortants. "À un moment, une aide-soignante m’a caressé la main, c’est peut-être insignifiant mais ça m’a fait beaucoup de bien", se rappelle-t-il empreint d’émotion.

"Ma reconstruction est passée par les réseaux sociaux"

Les réseaux sociaux l’aident également à prendre de la hauteur sur ce drame. Utilisés comme exutoire, ils sont pour lui d’un grand réconfort. "Ça a été très thérapeutique. J’ai reçu beaucoup d’affection, beaucoup de mots d’amour. C’était ultra galvanisant pour avancer", confie-t-il. Suivi par des milliers d’internautes, il parvient finalement à se projeter grâce à des personnes qui sont passées par les mêmes étapes que lui, des personnes qu’il considère comme "des exemples à suivre".

Au fil du temps, Martin se reconstruit et veut utiliser sa visibilité pour la bonne cause. Il se donne ainsi la responsabilité, via les réseaux sociaux, d’informer les personnes en fauteuil des activités possibles ou encore des endroits accessibles. "Je me disais que ça permettrait à des gens, qui se retrouvent dans la même situation que moi, d’avancer plus rapidement". Grâce à ce passe temps, qui devient l’une de ses raisons de vivre, Martin se sent utile et ressent un certain bien-être à partager son expérience. Peu à peu, il trouve sa place dans un monde qui lui était encore totalement inconnu quelques mois plus tôt.

"J’ai tout perdu, mes abdos, mes bras, mes épaules, mon dos"

Mais pour cet ancien grand sportif, perdre ses atouts physiques est difficile à vivre. "Je m’étais construit un physique à la hauteur du mental que j’avais en moi. Cette image-là me permettait de me préserver parce que je me suis souvent senti dévalorisé par rapport aux autres", confie-t-il tout en expliquant avoir vu fondre ses abdos, ses bras et ses épaules notamment. Face à cette situation, Martin n’a donc pas d’autres choix que de se reconstruire d’une autre manière.

Mais les premiers pas en ce sens sont difficiles à franchir. "Avant, mon physique faisait un peu barrière dans le sens où il en imposait. Je n’avais donc pas forcément besoin d'être bon communicant", explique-t-il, confiant avoir réussi, avec le temps, à rebooster son estime de lui-même. "Depuis mon accident et grâce à tout le travail de reconstruction, j’ai étonnamment plus confiance en moi. Et ce, alors que je réponds moins aux critères physiques attendues, entre guillemets, par la société".

"Le handicap c'est des petites victoires du quotidien"

Une confiance en lui alimentée par des petites victoires du quotidien. Loin d’être abattu, Martin aime par exemple se remémorer les premières fois où il a pu s’habiller seul ou prendre sa douche sans aucune aide extérieure. Des petits succès qui provoquent parfois la jalousie d’autres personnes en situation de handicap. "Il y a une fracture alors que nous devrions tous être connectés. Nous sommes tous dans la même galère, nous n’avons pas à nous mettre des bâtons dans les roues sans mauvais jeu de mots", tient-il à rappeler.

"On a une charge mentale beaucoup plus importante que n’importe qui"

Malgré certaines critiques qui peuvent le peiner, Martin peut compter sur le soutien de ses proches, et notamment de sa compagne qui a, selon lui, enduré beaucoup de ses humeurs. "C’est plus facile de râler de la situation sur elle que sur moi. Parfois je m’en veux mais je n’arrive pas à le lui dire", avoue-t-il tout en rappelant avoir une "charge mentale beaucoup plus importante que n’importe qui".

Et bien qu’il reconnaisse le soutien inestimable des aidants, Martin dit aujourd’hui s’essouffler. "Je fatigue de répéter tout le temps la même chose mais à la fois, cette récurrence est nécessaire pour qu’elles rentrent dans la tête des gens. Il faut systématiquement rabâcher, revenir sur nos droits sans pour autant être trop vindicatif", a-t-il confié.

"L’accès aux loisirs est hyper dur pour les personnes en situation de handicap"

Aujourd’hui, Martin a relevé la pente et a retrouvé l’envie de vivre son quotidien à fond. Il s’est retrouvé malgré tout confronté à certains obstacles, notamment financiers. L’acquisition d’un handbike a par exemple été très compliqué en raison de son coût onéreux. "Neuf ça vaut à peu près 6 à 7 000 euros. Pour une personne qui touche 900 euros d’AAH (allocation aux adultes handicapés), ça va être compliqué pour elle d’accéder à du loisir, à une activité qui va lui servir d’exutoire", a-t-il regretté, précisant qu’il en avait trouvé un de son côté à 600 euros, "un sans assistance électrique et un petit peu vieux".

Retrouvez l'interview de Martin Petit en intégralité