Sur Marlène Schiappa dans « Playboy », Isabelle Rome étrille le choix de ce magazine

Le collaboration de Marlène Schiappa avec le magazine Playboy interroge.

Dans « Le Figaro », Isabelle Rome, ministre de l’Égalité femmes-hommes, dénonce sans équivoque la collaboration de Marlène Schiappa avec « Playboy » et rappelle le lourd passif du magazine.

MÉDIAS - « À mes yeux, défendre les droits des femmes dans Playboy’ reviendrait à lutter contre l’antisémitisme en accordant un entretien à Rivarol’. » Cette sortie cinglante, c’est celle d’Isabelle Rome, actuelle ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes. Elle est destinée à Marlène Schiappa, sa prédécesseure, et à sa décision d’apparaître dans Playboy pour y parler féminisme.

Alors qu’une interview de cette dernière doit sortir jeudi 6 avril, c’est au Figaro qu’Isabelle Rome a confié ses doutes sur ce choix. « Pourquoi avoir choisi Playboy’ pour faire avancer le droit des femmes alors que ce magazine est un condensé de tous les stéréotypes sexistes ? Nous sommes en plein dans la culture de la femme-objet. De même, Playboy’ a une histoire : je rappelle que son fondateur, Hugh Hefner, a été poursuivi pour agression sexuelle. À un moment donné, il faut choisir ses supports », dénonce-t-elle.

Très critiquée depuis l’annonce de sa collaboration avec le magazine, Marlène Schiappa avait préalablement répondu aux attaques sur son compte Twitter : « Défendre le droit des femmes à disposer de leurs corps, c’est partout et tout le temps. En France, les femmes sont libres. N’en déplaise aux rétrogrades et aux hypocrites. »

En estimant que le magazine de charme « ne sera jamais l’allié des femmes », Isabelle Rome rappelle le passé peu glorieux de Playboy. Une histoire notamment relatée dans une série documentaire américaine, Secrets of Playboy, diffusée en 2022 sur Canal+.

Un envers du décor sordide

Certes, en 1953, le premier numéro du magazine, en exposant des nus de Marilyn Monroe, atteint immédiatement une renommée internationale et fait figure de rebelle, dans une société très conservatrice.

Très vite, son fondateur Hugh Hefner devient une star à la tête d’un empire, comprenant des clubs, des magazines et un légendaire manoir. Objet de fascination, il se présente en défenseur de la liberté d’expression et assume le fait d’objectifier les femmes. En 2012, il affirme ainsi au New York Daily News : « Les femmes sont des objets sexuels. Si les femmes n’étaient pas des objets sexuels, il n’y aurait pas d’autre génération. C’est l’attraction entre les sexes qui fait tourner le monde. C’est pour cela que les femmes portent du rouge à lèvres et du maquillage. » Des propos mis sur le compte de son esprit libertaire.

Sauf que l’envers du décor est bien plus sordide. Comme le raconte L’Obs, la journaliste et icône féministe Gloria Steinem avait infiltré la « secte Hefner » en 1963 pour le Show Magazine (traduit en français en 2016 dans la revue Feuilleton). Lourd constat : harcèlements sexuels répétés de la part des invités masculins, maigres salaires et examens médicaux invasifs étaient le quotidien des « bunnies » entourant Hugh Hefner.

« Je pense que Hefner veut marquer l’Histoire comme une personne sophistiquée et glamour. Mais il est la dernière personne que j’aimerais voir marquer l’Histoire. Une femme qui lit Playboy’ se sent comme un juif qui lit un manuel nazi », écrit alors Gloria Steinem – une tirade dont Isabelle Rome s’est peut-être inspirée.

« C’était vraiment flippant »

Au fil des années, plusieurs anciennes « playmates » brisent le silence. En 2015, Holly Madison, petite-amie de Hugh Hefner entre 2001 et 2008, publie un livre Down the Rabbit Holes : Curious Adventures and Cautionary Tales of a Former Playboy Bunny. La jeune femme raconte qu’elle souffrait d’un véritable « syndrome de Stockholm » pendant ses années avec lui, subissant guérillas entre les playmates et orgies forcées.

« La première nuit que j’ai passée là-bas a été très révélatrice. Il était clair que l’on attendait certaines choses de moi. Il était également clair qu’il y avait une sorte de mode d’emploi et tout cela était très bizarre, se souvient-elle. Ce n’était absolument pas ce à quoi je m’attendais. C’était vraiment flippant. On m’a prescrit des cachets, délivrés sur ordonnance. »

En 2015 également, la mannequin Chloé Goins poursuit en justice Hugh Hefner et l’acteur Bill Cosby. Elle accusait le premier d’avoir aidé le second à la violer, en 2008, alors qu’elle était inconsciente dans l’une des chambres de la Playboy Mansion. Scénario identique avec Judy Huth, qui n’avait que 15 ans au moment des faits en 1974. Les témoignages s’accumulent.

Viol sur mineure

Comme le raconte Madmoizelle, le documentaire Secrets of Playboy dévoile une enquête glaçante sur les coulisses sordides du fameux manoir : humiliations, actes sexuels forcés, prises de drogues imposées pour que les « playmates » acceptent « d’ouvrir les jambes »… Plusieurs anciennes bunnies confient également que Hugh Hefner les encourageait implicitement à faire de la chirurgie esthétique.

Dans le dernier épisode de la série documentaire, Susie Krabacher affirme avoir été violée par Hugh Hefner en 1983, alors qu’elle était encore mineure. Lors d’une discussion animée, il lui aurait proposé un cachet pour se « calmer », se souvient-elle : « Je l’ai pris sans réfléchir (…) Je ne me rappelle pas m’être allongée. Quand je me suis réveillée, il était nu sur moi, et je n’avais plus ni mes sous-vêtements, ni mon pantalon de pyjama (…) Ce vieil homme avec la bouche ouverte était réel. C’était Hefner. Il ressemblait à Satan. »

Hugh Hefner est mort en 2017, à l’âge de 91 ans. Mais son magazine vit toujours. En 2022, le manoir Playboy a même fait son entrée sur le Metaverse, dans une tentative de redonner un nouveau souffle à cette publication en perte de renommée. On en parle aujourd’hui grâce à Marlène Schiappa, ce que déplore Isabelle Rome. « Je regrette que, finalement, cette opération ait profité à Playboy’. Cela lui fait une énorme publicité », a ainsi déclaré la ministre.

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