Marine Le Pen applaudit (un peu vite) la baisse de la TVA sur le gaz en Allemagne

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ALAIN JOCARD / AFP

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Marine Le Pen photographiée le 2 août à l’Assemblée nationale (Photo by Alain JOCARD / AFP)

POLITIQUE - Ce n’est pas tous les jours que l’on voit Marine Le Pen applaudir le gouvernement allemand. Et pourtant. Ce vendredi 19 août, la députée du Pas-de-Calais s’est félicitée de la mesure prise par Berlin, consistant à faire baisser la TVA sur le gaz pour faire face à la flambée des prix provoquée par la guerre en Ukraine.

« L’Allemagne choisit le taux réduit de TVA pour le gaz comme je le propose depuis un an. C’est la mesure la plus juste et la plus efficace contre l’inflation pour le gaz mais aussi le carburant, le fioul et l’électricité », a tweeté la présidente (en congé) du RN, promettant de ne rien lâcher sur le sujet pour le pouvoir d’achat des Français.

En creux, Marine Le Pen considère que ce qui a été décidé outre-Rhin confirme la pertinence de son programme. Message reçu 5 sur 5 au RN. « Manifestement, les propositions de bon sens de Marine Le Pen gagnent du terrain partout », a par exemple réagi l’eurodéputée Dominique Bilde. « Décidément, Marine Le Pen avait raison sur tout », renchérit Kévin Mauvieux, député RN de l’Eure.

Vraiment ? En se penchant sur le détail de la mesure annoncée par le chancelier Olaf Scholz, on observe de nombreuses différences – et non des moindres — entre ce qui entrera en vigueur en Allemagne, le 1er octobre, et ce que la candidate d’extrême droite proposait lors de la dernière campagne présidentielle.

Premièrement, la nature même de cette initiative, qui vise à compenser une taxe annoncée le 15 août. Un oubli, et une différence avec la France ,que Bruno Le Maire n’a pas manqué de lui rappeler : « Vous oubliez que l’Allemagne a mis en place une taxe de 2,4 cts/KWh de gaz, soit une facture moyenne de 600 euros/an par foyer. En France, le prix du gaz est gelé, les factures n’ont pas augmenté depuis octobre 2021, le taux d’inflation est le plus faible de la zone euro », a répondu le ministre de l’Économie sur Twitter.

Une mesure d’une ampleur différente

Deuxièmement : l’ampleur de la mesure. La candidate RN annonçait un taux réduit « sur tous les produits énergétiques – essence, fioul, gaz et électricité – qui seront considérés comme de première nécessité, dont la TVA passera de 20 % à 5,5 % » à la page 23 de son programme. Or, ce n’est pas ce qu’a décidé l’Allemagne, qui fait porter une baisse de TVA de 19 % à 7 % sur le seul gaz (et non sur les autres ressources énergétiques).

La décision allemande concerne un périmètre (et donc un coût) bien plus restreint que ce que proposait Marine Le Pen. Selon une note de l’Institut Montaigne, la baisse du taux de la TVA de 20 % à 5,5 % sur le gaz, l’essence et l’électricité représente un manque à gagner pour l’État en termes de recettes fiscales qui s’établit « entre 8,2 milliards et 12,4 milliards d’euros par an ». Soit, possiblement, 62 milliards sur le tout le quinquennat.

Une marche arrière possible ?

Car c’est une autre différence avec ce que vient de décider l’Allemagne. Dans son projet, Marine Le Pen ne fixe pas de date de fin à cette ristourne. Or, Berlin a fait savoir que ce taux réduit s’appliquera jusqu’au 31 mars 2024, et qu’il s’agit donc d’une mesure temporaire, bien qu’il sera appliqué pendant au moins un an et demi.

Cette date de sortie répond à l’une des craintes qui accompagne généralement ce type de dispositif : l’impossibilité de revenir en arrière une fois la baisse installée. Une sorte de filet de sécurité qui était absent du projet de Marine Le Pen.

Autre différence de taille : l’Allemagne n’est pas (du tout) dans le même contexte budgétaire que le France. Paris affiche une dette publique de 114,4 % du PIB, contre 32,9 % pour Berlin. Ce qui offre à l’Allemagne plus de marges de manœuvre.

À noter par ailleurs que la mesure annoncée par Olaf Scholz s’attire en Allemagne exactement le même type de critiques que celles émises en France à l’égard de celle de Marine Le Pen. « La baisse de la TVA est préférable à pas de baisse de charge du tout. Mais ce n’est pas un bon instrument, car c’est coûteux, non ciblé et vient trop peu en aide aux personnes à faible revenu », regrette auprès du Monde Marcel Fratzscher, président de l’Institut économique de Berlin, pour qui cette décision agira sur les ménages modestes comme une « goutte d’eau sur une pierre brûlante ». Pas vraiment du « bon sens », donc.

À voir également sur Le HuffPost : Droit à l’avortement : les ambiguïtés de Marine Le Pen et du Rassemblement national

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