Marche contre la vie chère : le triple crash test pour la NUPES

Le 29 septembre, un drapeau de la NUPES lors d’une manifestation à Perpignan.
Jc Milhet / Jc Milhet / Hans Lucas via Reute Le 29 septembre, un drapeau de la NUPES lors d’une manifestation à Perpignan.

POLITIQUE - La marche contre la vie chère et l’inaction climatique, initiée par Jean-Luc Mélenchon et ralliée par la NUPES est sur le point de se concrétiser dans la rue dimanche 16 octobre. Mais entre juillet, où l’idée a été lancée, et octobre, les enjeux se sont démultipliés, aussi bien pour la France Insoumise que pour les autres partis de gauche. La NUPES se retrouve donc face à un triple défi : afficher son unité, faire pression sur le gouvernement et faire oublier la séquence de la rentrée…

Sur le premier des cinq camions à thème prévus, les responsables politiques de « premier plan » selon LFI seront réunis. Si on ne se risque pas à avancer de noms en interne, certains ont déjà confirmé leur présence : l’écologiste Sandrine Rousseau, le patron du PS Olivier Faure, les insoumis Mathilde Panot, Manuel Bompard ainsi que les communistes Ian Brossat et le sénateur de Paris Pierre Laurent.

Le discours est harmonisé : « On s’exprime pour manifester notre opposition à la politique menée par Emmanuel Macron », décrypte Arthur Delaporte, député PS du Calvados au HuffPost. L’écologiste Sandrine Rousseau ne disait pas autre chose au HuffPost cette semaine : « On envoie un signal aux gens : on sera là pour les soutenir et pour nous opposer à Emmanuel Macron »

« Je pense que les conditions sont réunies pour qu’on soit nombreux »

Entre la hausse des prix, la prise de conscience environnementale et, depuis peu, les grèves dans les raffineries pour de meilleurs salaires, la NUPES veut y croire. « Je pense que les conditions sont réunies pour qu’on soit nombreux », estime Alexis Corbière le député de Seine-Saint-Denis sur RTL quatre jours avant la marche. Il hésite cependant avant de donner un objectif chiffré. « Au moins aussi nombreux, voire plus » qu’à la marche parisienne de Jean-Luc Mélenchon le 20 mars, (100 000 manifestants, selon LFI), se risque-t-il seulement.

S’avancer sur un chiffre trop optimiste, c’est aussi prendre le risque de devoir reconnaître un échec. En cas de flop, le coup serait dur à encaisser dans les rangs insoumis, avec aussi des retentissements sur toute la gauche qui, entre affaires de violences conjugales et menaces d’un 49.3, ne va pas si bien en cette rentrée parlementaire.

« Pas la manifestation de Mélenchon » mais…

« Je pense qu’à la rentrée, nous pourrions avoir une initiative(...).) comme par exemple une grande marche contre la vie chère. (...) Et alors ça sera un grand test », lançait Jean-Luc Mélenchon le 6 juillet. Trois mois plus tard, il ne faudrait pas que le test se retourne contre lui…

Le 18 septembre, le chef des Insoumis choque en prenant la défense d’Adrien Quatennens qui vient de reconnaître des violences conjugales : une partie de son camp se désolidarise, sans oublier la colère des mouvements féministes. Le 7 octobre, le voilà qui se fait reprendre de volée par Olivier Faure après un tweet appelant à « faire mieux » le 16 que la marche des Femmes d’octobre 1789. « La brutalisation à ce point du débat politique, à la fin, ça ne sert qu’à Marine Le Pen », assène Yannick Jadot au micro du HuffPost depuis Strasbourg pour les journées parlementaires des Verts.

Les prises de position controversées du triple candidat à la présidentielle, considéré comme l’homme derrière la NUPES, vont-elles nuire à la mobilisation ? « Tout ce qui s’est passé depuis un mois fait discuter et débattre - heureusement ! - en interne. Mais cela n’atteint pas le moral de nos militants, qui restent très mobilisés », assure Aurélie Trouvé, députée de Seine-Saint-Denis et à la tête du Parlement d’Union populaire de LFI.

Le socialiste Arthur Delaporte ne croit pas non plus à une pollution par les sorties polémiques des cadres. « Je considère que le tweet de Jean-Luc Mélenchon (sur la marche, ndlr) n’est pas mon mot d’ordre » , tranche l’élu du Calvados.

Instigateur de la marche, l’ancien parlementaire sera bien sûr présent. Mais personne ne se risque à officialiser une prise de parole de l’insoumis en chef. Au micro de RTL, Alexis Corbière refuse même de voir la marche comme « la manifestation de Jean-Luc Mélenchon ». « C’est la manifestation de 70 organisations, 35 significatives, différentes composantes politiques… Il faut que ce soit une manifestation populaire », martèle-t-il le 12 octobre.

« Montrer qu’on est capable de se réunir »

« Alors que les inégalités ne font qu’augmenter, il faut qu’on montre qu’on est capable de se réunir. Cette marche est aussi là pour créer un rapport de force », espère aussi Stéphane Troussel, président socialiste du département de Seine-Saint-Denis, qui marchera le 16.

Oui mais… L’unité a bien eu lieu, mais elle n’a pas non plus coulé de source. Entre la proposition de Jean-Luc Mélenchon début juillet et le feu vert des autres partis de la NUPES, il a fallu quelques semaines de discussions. Assez en tout cas pour qu’un ministre raille en privé : « Je ne vois pas très bien comment ça dépasse le cadre habituel des militants LFI, c’est-à-dire des dizaines de milliers de personnes. »

« Je ne vois pas très bien comment ça dépasse le cadre habituel des militants LFI

Ce n’est que le 16 septembre que le Parti socialiste, EELV et LFI ont communiqué ensemble sur la marche. Le PCF ne s’est rallié que le 6 octobre et en soulignant bien qu’il s’alignait dans le cadre d’une mobilisation « d’un mois d’actions politiques partout en France pour les salaires, l’emploi et les retraites. »

« Les syndicats avaient demandé de ne pas appeler à la manifestation avant celle du 29 septembre. Nous nous sommes tenus à cette stratégie, pour assurer la réussite de toutes les mobilisations. On regrette que LFI, le PS et EELV ne l’ait pas fait, tout comme on regrette que les syndicats ne participent pas à la marche de ce dimanche », nous décrypte Fabien Roussel. Lui ne sera pas présent dimanche car retenu par d’autres engagements. Pas plus que Marine Tondelier, qui pourtant brigue la succession de Julien Bayou à EELV, ni Yannick Jadot, pour qui cette marche parasite la mobilisation des syndicats. Chez les socialistes, les anti-NUPES Hélène Geoffroy, Patrick Mennucci, Stéphane Le Foll ont saisi la comparaison controversée de Jean-Luc Mélenchon avec 1789 pour demander à Olivier Faure de retirer le PS de l’organisation.

Les confédérations seront elles aussi absentes de la manifestation. « Il faut que les syndicats, dans leurs domaines, puissent agir. On accepte les soutiens mais on ne veut pas se faire dicter un certain nombre de choses par les partis politiques », déclarait Philippe Martinez, meneur de la CGT le 22 septembre sur LCI, dans une séparation classique des syndicats des partis politiques. À titre individuel, 700 syndicalistes ont cependant appelé à manifester dimanche et des syndicats sectoriels seront dans les rangs.

« Les indicateurs de participation sont bons », assure Aurélie Trouvé - sans, elle non plus, vouloir donner de chiffres. Elle espère cependant que le contexte de grève au sein des raffineries contribuera à motiver les troupes. « Il y a presque un parfum d’insurrection dans l’air et dimanche, on peut agréger beaucoup », veut-elle croire. Avant une nouvelle grève dans plusieurs secteurs annoncée par la CGT dès la semaine prochaine. La députée voit dans le rendez-vous de dimanche « une marche d’escaliers ». À condition de ne pas trébucher.

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