Manuel Valls ou le discours de la méthode

Le Premier ministre a tenu à nommer sa stratégie. Selon lui, elle est "social-réformiste". Qu’est-ce que cela veut dire ? Et où cela mène-t-il ?

Manuel Valls ou le discours de la méthode

Il est courant de dire qu’un être, une chose ou un concept n’existe pas tant qu’il n’a pas été nommé. Répondant à cet impératif, Manuel Valls a choisi de "nommer" son action à Matignon. C’était dimanche lors de sa visite dans la Drôme pour la fête de la Rose de Bourg-de-Péage. Ce nom, c’est le "social-réformisme". Ni "social-démocrate", ni "social-libéral", n’en déplaisent à ses détracteurs, mais bien "social-réformisme". Et cela correspond, selon ses dires, à la "meilleure façon de faire vivre l’idéal" des forces de gauche.

Regardons de plus près. Si on analyse de manière lexicale cette expression, il y a le mot "social", comprendre : humain. Et le Premier ministre d’insister sur son action qui vise à combattre les inégalités "avant qu’elles ne se forment, plutôt qu’en les corrigeant après coup et donc forcément à la marge." Jusque là, rien de nouveau au pays du "social-isme". Le chef du gouvernement respecte la tradition idéologique. Et puis il y a le deuxième mot, "réformisme". Comprendre : l’action, les réformes, l’avenir. Il s’explique : "Dans un monde qui change plus vite que jamais, dans une France qui doit embrasser des défis inédits, nous devons savoir constamment réinventer les solutions pour répondre aux exigences du moment." Et nous revoilà propulsés au début du dix-neuvième siècle quand deux "méthodes" (c’était le terme utilisé) divisaient déjà les socialistes avec, d’un côté les partisans d’un Jules Guesde radical et "révolutionnaire" et de l’autre, les défenseurs d’une ligne dite "réformiste" emmenée par Jean Jaurès et dorénavant par Manuels Valls donc. Bref, rien de nouveau non plus.

Par cette expression, Manuel Valls souhaite clarifier ses positions. Il choisit l’autorité de la loi plutôt que la négociation avec les partenaires sociaux qui "par principe, affirme-t-il, refusent d’avancer". Le Premier ministre imposera. Les syndicats, alliés traditionnels de la gauche, apprécieront… Du même coup, ils renvoient presque dos à dos ses ennemis, à savoir les conservateurs de droite (cela peut s’envisager) mais aussi ceux de gauche qui se battent pour "conserver" les acquis sociaux d’autrefois. Il faut y voir une attaque en règle contre les frondeurs qui préfèrent, selon Manuel Valls, "un attentisme aussi mortel que confortable." De quoi déstabiliser et même diviser encore plus son camp. Il lui reste à gagner son pari. Une méthode n’est pérenne que si elle s’incarne dans des actes (baisse du chômage et retour de la croissance). Manuel Valls défend ardemment le Pacte de responsabilité et de solidarité qui est, pour lui, le bras armé de sa stratégie. Rendez-vous en 2017 pour savoir si la "méthode Valls" aura porté ses fruits.