Manu Larcenet reprend « La Route » en BD

Manu Larcenet adapte le sombre roman de Cormac McCarthy. - Credit:Modified by DALIM SOFTWARE
Manu Larcenet adapte le sombre roman de Cormac McCarthy. - Credit:Modified by DALIM SOFTWARE

« Vous qui entrez, laissez toute espérance. » Ces mots inscrits sur la porte de l'Enfer, qui accueillent Dante et Virgile avant qu'ils descendent chez les ombres, pourraient aussi bien accompagner le lecteur avant qu'il n'emprunte La Route de Manu Larcenet. Cette adaptation du best-seller de Cormac McCarthy par l'enfant terrible de la BD française en remontrerait même au poète du Trecento en matière de visions apocalyptiques et de fulgurances cauchemardesques. Car cette errance sans fin d'un père et de son fils dans un univers ravagé devient ici un polyptyque de tableaux hallucinés, avec ses arbres décharnés, ses immeubles éventrés, et ses cadavres mis en scène comme autant de sinistres natures mortes. Larcenet parvient à rendre cette matérialité presque palpable à la lecture. La cendre teintée de gris semble comme en suspension sur la page, le froid perce sous les vêtements de fortune, et la chaleur des rares breuvages échappés d'un désastre obscur réchauffe (très) provisoirement les corps et les âmes. Devant la terreur et la folie qui guettent, l'amour filial et paternel est le seul refuge qui reste aux protagonistes, alors que toute humanité a déserté le monde, et que l'on ne trouve plus d'oiseaux que dans les livres (dont ceux d'un certain… Sempé). Après Blast et Le Rapport de Brodeck, Larcenet achève le dernier mouvement d'un requiem aussi noir qu'éblouissant. Avant, peut-être, des horizons plus pacifiés, comme l'étaient ceux de son tendre Retour à la [...] Lire la suite