Manifestations : quand les policiers ont-ils le droit de faire usage de la force ?

La police anti-émeute française se tient en position alors que des feux d'artifice se déclenchent au milieu d'affrontements avec des manifestants, à Paris le 23 mars 2023. (crédit : REUTERS/Nacho Doce)
La police anti-émeute française se tient en position alors que des feux d'artifice se déclenchent au milieu d'affrontements avec des manifestants, à Paris le 23 mars 2023. (crédit : REUTERS/Nacho Doce)

Manifestants et députés de gauche ont dénoncé des violences policières lors de différents rassemblements contre la réforme des retraites. Si les forces de l'ordre peuvent recourir à la force, elles doivent respecter certaines conditions.

Depuis l’adoption de la réforme des retraites grâce au polémique article 49.3 de la Constitution, les manifestations prévues ou spontanées sont quotidiennes dans de nombreuses villes françaises. Jeudi 23 mars marque une nouvelle grande journée de mobilisation. Gaz lacrymogènes, coups, arrestations abusives… des manifestants affirment avoir été victimes de violences policières sur les réseaux sociaux. Une deuxième enquête a été ouverte ce jeudi par le parquet de Paris après la diffusion d’une vidéo où on voit notamment des policiers donner des coups de matraque à une jeune fille qui a porté plainte.

Gabin, 18 ans, qui défilait lundi soir avec un ami raconte ainsi à franceinfo avoir été “frappé à la matraque au visage et sur la joue droite, dans la jambe.” “Mon ami, lui, s'est pris beaucoup de coups de matraque, dont un, à la fin, dans le crâne. Il a eu le crâne ouvert, poursuit-il. (...) C'était gratuit et extrêmement violent."

Deux principes : absolue nécessité et proportionnalité

Les policiers ont le droit de recourir à la force, mais dans un cadre bien défini. L’article R211-13 du Code de la sécurité intérieure stipule que “l'emploi de la force par les représentants de la force publique n'est possible que si les circonstances le rendent absolument nécessaire au maintien de l'ordre public”. De plus, “la force déployée doit être proportionnée au trouble à faire cesser et son emploi doit prendre fin lorsque celui-ci a cessé.”

Les principes de nécessité et de proportion de la force déployée sont aussi rappelés dans un document du ministère de l’Intérieur, le schéma national du maintien de l’ordre : "L'emploi de la force par les forces de sécurité intérieure doit être absolument nécessaire, strictement proportionné et gradué, avec des moyens adaptés."

Deux sommations avant de disperser

L’article L221-9 du Code de la sécurité intérieure apporte des précisions sur la dispersion d’un attroupement, c’est-à-dire un “rassemblement de personnes sur la voie publique ou dans un lieu public susceptible de troubler l’ordre” défini dans le Code pénal. “Un attroupement peut être dissipé par la force publique après deux sommations de se disperser demeurées sans effet”, est-il écrit.

Les représentants des forces de l’ordre sont exemptés de sommation dans un cas : “si des violences ou voies de fait sont exercées contre eux ou s'ils ne peuvent défendre autrement le terrain qu'ils occupent”, précise le même article. Ils sont ainsi autorisés à utiliser la force sans sommation s’ils sont attaqués ou si un magasin est brûlé devant eux par exemple.

Le risque des armes utilisées

Pour maintenir l'ordre, les policiers peuvent recourir à plusieurs armes, dont celles à distance, supposées être moins dangereuses, mais qui peuvent tout de même causer des blessures. Les grenades de "désencerclement", qui doivent normalement être lancée au sol et non "en cloche", projettent des billes de caoutchouc en explosant. "Elles ne permettent pas de viser la personne qui se rend coupable de violences et sont donc intrinsèquement abusives", estime Fanny Gallois d'Amnesty international sur franceinfo.

François Ruffin, député NUPES de la Somme, a dénoncé sur France 5 "une stratégie du chaos mise en place par le gouvernement". Il voit dans les actions de police de ces derniers jours "le retour au maintien de l'ordre 'façon gilets jaunes'".

Claire Hédon, la Défenseure des droits s'est quant à elle dite "préoccupée" quant à de "possibles manquements déontologiques dans le maintien de l'ordre". Elle a alerté mardi sur les conséquences d'interpellations préventives de personnes aux abords des manifestations, une pratique qui "peut induire un risque de recourir à des mesures privatives de liberté de manière disproportionnée et de favoriser les tensions".

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