Manifestations d’agriculteurs : pourquoi les syndicats menacent de ressortir les tracteurs

Le mille-feuille administratif et les aides européennes étaient déjà au centre des sujets évoqués en début d’année par les syndicats agricoles. Photo d’illustration sur l’autoroute A7, près d’Orange, le 24 janvier 2024
SYLVAIN THOMAS / AFP Le mille-feuille administratif et les aides européennes étaient déjà au centre des sujets évoqués en début d’année par les syndicats agricoles. Photo d’illustration sur l’autoroute A7, près d’Orange, le 24 janvier 2024

AGRICULTURE - L’art de semer des promesses. Au début de l’année, alors que la colère des agriculteurs se faisait entendre à travers le pays, Gabriel Attal s’engageait solennellement à apaiser les tensions en garantissant que « d’ici le 15 mars, toutes les aides PAC seraient versées sur les comptes bancaires des exploitants ». Quelques semaines plus tard, n’ayant pas tenu ce délai, le ministère de l’Agriculture annonçait que les aides arriveraient finalement au plus tard le 15 juin.

Ces agriculteurs en ont « ras-le-bol » de l’enfer administratif qui alourdit leur quotidien

Or ce jour est arrivé et des milliers de fermes attendent toujours leurs paiements, en particulier les exploitants bio ou en MAEC (Mesures Agro-Environnementales et Climatiques). « Pour près d’un quart des agriculteurs engagés dans ces démarches environnementales, les versements ne sont toujours pas versés », dénonce ainsi la FNSEA.

La situation est loin d’être résolue : selon une enquête interne du ministère de l’Agriculture, dans le meilleur des cas il restera à la fin du mois de juin 25 % à 40 % des paiements bio à effectuer, et 30 % à 50 % pour les MAEC, indique l’Opinion.

La FNSEA et les Jeunes Agriculteurs menacent donc de ressortir ce lundi 17 juin les tracteurs, alors que le pays est par ailleurs déjà secoué par une tempête politique. Les syndicats prévoient des actions locales, ciblant notamment les DDT (Direction Départementale des Territoires) responsables de la gestion de ces démarches.

« Iris et Osiris » : les responsables des retards

Il y a de quoi s’impatienter : les aides concernées correspondent aux déclarations PAC faites en mai 2023, soit il y a plus d’un an. Habituellement, elles sont versées en fin d’année, mais les récents changements dans la PAC ont décalé les paiements à la fin du premier trimestre de 2024.

« Le paiement des dossiers a démarré début mars », confirme le ministère de l’Agriculture. Pourtant, les syndicats dénoncent que de nombreux agriculteurs n’ont toujours rien reçu, certains devant même emprunter pour combler un trou financier pouvant atteindre plusieurs dizaines de milliers d’euros.

Pourquoi ces aides tardent-elles tant de temps à être versées ? Le problème semble venir des logiciels utilisés pour faire remonter les déclarations des agriculteurs à l’État : Iris, chargé de référencer les parcelles et de valider les paiements, et Osiris, dédié au suivi des aides.

« La seule explication donnée par le ministère est une “panne de logiciels” », rapporte au HuffPost Rémi Rossi, porte-parole des Jeunes Agriculteurs. « Pour l’instant, aucune date de versement n’est prévue », ajoute-t-il dans l’incertitude. La FNSEA a également été prévenue « des problèmes logiciels, des bugs informatiques qui ralentissent les démarches », indique Antoine Giacomazzo.

Décourageant pour les fermes engagées dans la transition

« Que ce soit dû à des problèmes de logiciel, des manques d’anticipation budgétaire, une surcharge de travail des agents des services de l’État, ce n’est pas aux paysan·nes de subir les conséquences de cette gestion défaillante de la PAC », déplore la Confédération Paysanne dans un communiqué. Le syndicat insiste sur l’importance cruciale de ces paiements, notamment pour les fermes engagées en agriculture biologique, le maintien des haies ou les méthodes d’agro-écologie.

« Par exemple, une ferme de Bretagne qui s’est engagée en MAEC a transformé une partie de ses champs de maïs en prairies favorables à la biodiversité », illustre Nicolas Fortin, porte-parole de la Confédération Paysanne. « Les pertes financières dues à l’abandon du maïs devraient être compensées par ces aides… Mais à ce rythme, l’exploitant ne les percevra qu’en septembre 2024, avec plus de six mois de retard », explique-t-il au HuffPost.

De son côté, la FNSEA souligne que ce retard est « d’autant moins admissible que l’agriculture biologique traverse actuellement une crise économique majeure ». Nicolas Fortin de la Confédération Paysanne renchérit : « le gouvernement a mis en place des aides d’urgences pour la bio, mais il devrait déjà commencer par payer les aides qui sont prévues ».

À ce jour, le bio représente 10,7 % de la surface agricole utile française. Avec son plan « Ambition bio 2027 », le gouvernement ambitionne de faire grimper à 18 % dans les trois prochaines années. Dès lors, le retard des aides destinées à faciliter cette transition est d’autant plus incompréhensible pour la profession.

À voir également sur Le HuffPost :

Orages : les vignes de Chablis, dans l’Yonne, fortement abîmées par les grêlons

Golf dans les Pyrénées-Orientales : Christophe Béchu dit être « forcé » d’autoriser sa construction