Manifestation et contre-manifestation à Kiev sur l'Europe
KIEV (Reuters) - Dix mille manifestants pro-européens se sont rassemblés vendredi sur la place de l'Indépendance à Kiev, la capitale ukrainienne, pour dénoncer le président Viktor Ianoukovitch accusé d'avoir "détruit leur rêve" d'un rapprochement avec l'Union européenne. Dans une mer de drapeaux bleus et jaunes, les couleurs à la fois de l'Ukraine et de l'UE, les protestataires ont scandé "l'Ukraine c'est l'Europe" sur cette place qui fut le haut lieu de la "révolution orange" de 2004 et 2005. "Aujourd'hui, ils nous ont volé notre rêve, le rêve de vivre enfin dans un pays normal", a lancé à la foule l'opposant Vitali Klitschko, qui veut se présenter à l'élection présidentielle de 2015. "Ne pas avoir signé l'accord d'association (avec l'UE) relève de la trahison", a-t-il ajouté. Le sommet de Vilnius (Lituanie) consacré au rapprochement entre l'Union et six anciennes républiques soviétiques s'est achevé sans ce qui devait être sa grande réussite, la signature par Kiev d'un accord d'association avec l'UE. Le président Ianoukovitch a résolument bloqué les tentatives de compromis de dernière minute visant à relancer les négociations, que Kiev a gelées il y a une semaine. "Pour nous, l'Europe était le moyen de sortir de cette pagaille et de la corruption qui submerge le pays", a déclaré un manifestant, Andreï Dobrolet, un avocat de 41 ans. "On s'y attendait mais le peuple va continuer à se battre", a dit Sergueï Bandar, un retraité de 61 ans. Alors que la foule entonnait l'hymne national, des cris se sont élevés deux cents mètres plus loin, provenant d'une contre-manifestation organisée - paradoxe - sur la place de l'Europe par trois ou quatre mille partisans du chef de l'Etat. Ces adversaires de l'association avec l'UE, venus pour beaucoup de l'est russophone du pays, ont écouté des chants populaires et plusieurs orateurs qui ont salué la décision du président ukrainien. "Si nous avions signé l'accord, nous aurions ouvert nos frontières et signé l'arrêt de mort de nos usines", a affirmé Anatoli Blizniouk, député du Parti des régions de Ianoukovitch. Malgré la proximité des deux rassemblements, aucun incident n'a été signalé entre les manifestants mais cinq journalistes auraient été pris à partie par des partisans du chef de l'Etat. Thomas Grove et Pavel Polityuk; Guy Kerivel pour le service français