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Manifestation anti-pass sanitaire: les références à la Shoah, reflet de la "déstructuration de la politique"

Une manifestante osant le parallèle entre le pass sanitaire et l'étoile jaune imposée aux juifs pendant la seconde guerre mondiale lors de la manifestation du 17 juillet.  (Photo: SEBASTIEN SALOM-GOMIS via AFP)
Une manifestante osant le parallèle entre le pass sanitaire et l'étoile jaune imposée aux juifs pendant la seconde guerre mondiale lors de la manifestation du 17 juillet. (Photo: SEBASTIEN SALOM-GOMIS via AFP)

POLITIQUE - Elles sont certes marginales. Et ne peuvent à elles seules définir la complexité de la cohorte des opposants au pass sanitaire qui se réunissent encore ce samedi 24 juillet dans plusieurs de villes de France. Il n’empêche, les différentes références à la Shoah convoquées par certains manifestants pour dresser un parallèle douteux avec les mesures sanitaires décidées par le gouvernement ne pouvaient passer inaperçues.

Parce qu’elles font bondir les rescapés et les familles des victimes de la barbarie nazie, d’abord. Puis parce quelles interrogent notre inconscient collectif en jetant une lumière crue sur l’état de tension dans lequel se trouve le débat public. Pour essayer de comprendre ce que ces références disent de notre société, Le HuffPost a sollicité l’éclairage d’Antoine Bristielle, directeur de l’Observatoire de l’opinion à la Fondation Jean-Jaurès, et professeur agrégé en sciences sociales. Entretien.

Étoiles jaunes, références à la Shoah ou à Vichy… que disent ces références sur notre époque?

Antoine Bristielle: On peut voir ça de deux manières. D’une part, il y a un vrai durcissement dans le débat public, avec l’utilisation de termes qu’on aurait pas forcément vus aussi fréquemment qu’avant. Un phénomène qui s’observe aussi avec la radicalisation des oppositions au système, ce qui implique des expressions dures. D’un autre côté, il y a aussi une focalisation médiatique sur ces aspects là, qui agit comme un prisme déformant. Ce qui les rend plus visibles. Donc, même si ce type de références s’observait auparavant, on a à la fois une augmentation de ces symboles et un prisme qui va exagérer leur visibilité.

Ceux qui utilisent ces références appartiennent-ils à une mouvance politique?

C’est difficile à dire puisque c’est extrêmement diffus. Les mouvements de contestations qui s’expriment sont beaucoup moins liés à des partis politiques que dans le passé. Ils sont déstructurés. Ceux qui y participent vont donc prendre des symboles à droite et à gauche, sans forcément avoir conscience de leurs charges politiques. En réalité, ça correspond à la déstructuration de la politique en général. Avec le déclin des partis traditionnels ou des corps intermédiaires, les gens piochent des références là où ils les trouvent, de façon destructurée. Ce qui donnent les images que l’on a vues ces derniers jours.

Ceux qui utilisent des étoiles jaunes ne sont pas forcément tous des négationnistes qui auraient théorisé les implications de ces référencesAntoine Bristielle

Des responsables politiques peuvent également verser dans ces comparaisons, ou alors faire des parallèles tout aussi problématiques, à l’image dernièrement de l’écologiste Michèle Rivasi. Sont-ils responsables de cette banalisation?

C’est un peu circulaire. Les élus qui adoptent ce type d’attitude le font pour séduire un électorat radicalisé. Et comme cet électorat a tendance à les suivre dans ces outrances, c’est le serpent qui se mord la queue. Ça crée un cercle vicieux, qui va toujours aller plus loin dans la surenchère. Donc il sont à la fois responsables, et pris dans la spirale qu’ils alimentent.

Pensez vous qu’à l’avenir on arrêtera ce genre d’outrances dans le débat public?

Je pense que l’on est pas du tout sur la bonne dynamique à ce niveau. On a plutôt une tendance claire à vouloir simplifier au maximum la politique, parce que l’on considère dans une vision assez élitiste de la politique que c’est le seul moyen d’intéresser la population. Or la simplification va bien souvent de paire avec l’outrance. Cela est par ailleurs renforcé par l’évolution du système médiatique, que ce soit les médias classiques ou les réseaux sociaux d’ailleurs, qui vont être dans la recherche du buzz et du spectaculaire. Cela constitue un encouragement indéniable à l’outrance.

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Cet article a été initialement publié sur Le HuffPost et a été actualisé.

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