Comment le manga "Tokyo Revengers" est devenu le succès surprise de l'année

L'anime
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Sorti en 2019 sans faire d'esclandre, le manga Tokyo Revengers est devenu l'un des succès surprises de cette année. Les aventures de Takemichi, renvoyé douze ans dans le passé pour sauver son ancienne petite amie d'un attentat commis par des yakuzas, passionne les lecteurs français.

Avec plus de 600.000 exemplaires écoulés, les ventes ont été multipliées par 8 en l'espace d'une année et certains tomes sont épuisés depuis plusieurs semaines. Une conséquence de l'âge d'or que traverse actuellement le manga sur le territoire français et de la diffusion d'une adaptation animée sur la plateforme Crunchyroll. La sortie le 9 novembre prochain du quinzième tome devrait permettre à la série d'accroître son succès.

Ken Wakui est le premier surpris par cet engouement qui dépasse les frontières de l'archipel japonais, où les 24 tomes du manga atteignaient en septembre 2021 un tirage total de 40 millions d'exemplaires. "J’étais loin d’imaginer qu’un manga sur les racailles japonaises et les bōsōzoku [les clans de motards et d'automobilistes juvéniles, NDLR] puisse plaire aux lecteurs étrangers. Quelle surprise!", s'enthousiasme le mangaka dans une interview réalisée pour la chaîne YouTube de la Kodansha USA et obtenue par BFMTV.

https://www.youtube.com/embed/5K43BSTYXew?rel=0"Je ne m'attendais pas à un tel succès", indique de son côté Satoko Inaba, éditrice de la série Glénat. "Ça dépasse mes attentes. Je suivais Tokyo Revengers chaque semaine avec intérêt sans oser sauter le pas, et c’est aux tomes 4 ou 5, au moment où ça montait au Japon que je me suis décidée à demander le titre, en pensant que ça pourrait marcher et que ça pourrait être un très bon shonen."

Des personnages charismatiques

Lu dans un premier temps par un public de quarantenaires nostalgiques des furyo, mangas de délinquants, très prisés au Japon grâce à des titres comme Racaille Blues, Tokyo Revengers a vu son lectorat rajeunir puis se féminiser avec la série animée.

"Les gens qui regardent l’anime lisent ensuite le manga", explique Satoko Inaba. "Par ailleurs, de l'avis des fans, le manga est beaucoup plus agréable à suivre que l’anime. Mais l’anime est une plus grande porte d’entrée dans cet univers. Des personnes qui ne s'intéressaient pas au manga, parce que ce n’était pas publié dans le Shonen Jump, ont pu se laisser séduire et se rendre compte que ce n’était pas qu'un furyo."

Le succès de Tokyo Revengers est également en partie dû aux couvertures, qui présentent les personnages dans des postures iconiques. "On sent qu’il y a une patte graphique", note Satoko Inaba. "Le manga se remarque tout de suite en librairie." Un des intérêts de Tokyo Revengers réside justement dans le charisme de ses personnages: Takemichi, bien sûr, mais aussi le mystérieux Mikey, l'impassible Draken, et l'imprévisible Tetta Kisaki.

"L’auteur de Tokyo Ghoul Sui Ishida a dit qu'il était très impressionné par le chara-design de Tokyo Revengers: aucun personnage n’a des yeux identiques!", détaille Satoko Inaba. "C'est très différent des autres mangas, où les auteurs ont tendance à s'appuyer uniquement sur la coiffure pour différencier leurs personnages."

"Je décide d’abord l’apparence des personnages, sans trop fixer les personnalités", poursuit Ken Wakui. "C’est au cours de l’histoire que celles-ci évoluent." Il les aime tous et s’identifie à tous, même les plus psychopathes, comme Tetta Kisaki, le principal rival de Takemichi: "C’est impossible de choisir!"

Chocs émotionnels

Tokyo Revengers a aussi séduit un large public grâce à sa mécanique implacable de scénario qui permet de revisiter d'une manière ingénieuse et inédite les voyages temporels. Plusieurs tomes marquants - les quatrième, huitième et douzième - ont ainsi marqué les esprits et contribué à renforcer le succès de Tokyo Revengers. "Il s'agit des tomes avec les retours dans le présent", analyse Satoko Inaba.

"Takemichi croit avoir réussi sa mission puis il va se passer des événements très forts qui vont mettre en péril la vie d’un des personnages - qu’il arrive à sauver ou pas. Il y a toujours un moment émotionnellement très fort, où il va découvrir une nouvelle version encore plus sombre de son présent. Il découvre que ce qu'il a fait n'a eu aucun effet. Ce choc émotionnel est très fort. Des belles histoires, il y en a partout, mais des ascenseurs émotionnels aussi forts, c'est rare. C'est ce qui rend les lecteurs accros à la série."

C'est ce sentiment que Ken Wakui voulait créer avec Tokyo Revengers: "On voulait une histoire universelle qui parle à n’importe quel lecteur, pas seulement aux racailles." L'une des forces de la série est aussi de jouer sur la nostalgie naissante pour les années 2000. L'action se déroule douze ans dans le passé, en 2005. Une époque pas choisie au hasard, révèle Ken Wakui:

"Le style des racailles change au fil du temps. Je ne savais pas à quoi ressemblaient celles de 2017 quand la série allait démarrer, alors j’ai eu l’idée de remonter le temps jusqu’à l’époque qui m’était plus familière. J’ai choisi l’an 2005 car un des éditeurs était alors en 4e, soit le même âge que le héros Takemichi. C’était pratique pour vérifier ce qui se faisait à l’époque."

"La fin devrait être sanglante"

C'est aussi une époque charnière pour ces voyous en herbe. Le code d'honneur qui régissait les histoires de yakuzas dans les années soixante ou soixante-dix disparaît progressivement. Le Japon a une dizaine de tomes d'avance sur la France. L'histoire va devenir de plus en plus sombre. De nouveaux alliés et des antagonistes inédits vont débarquer.

Les personnages vont aussi dire adieu à l'innocence de la jeunesse. La série va devenir plus réaliste au fur et à mesure que les héros approchent ou passent à l'âge adulte. "Plus on avance dans la série, plus il approche du monde du crime et ce n’est pas si agréable", résume Satoko Inaba. La fin devrait être sanglante, mais ce n'est pas pour tout de suite. Ken Wakui l'a déjà en tête: "Je sais depuis longtemps comment ça va finir, mais je ne le dirai pas!"

Article original publié sur BFMTV.com