"Maison de retraite", "Quand tu seras grand"... Les seniors, nouveaux héros du cinéma français

Maison de retraite, Un petit miracle, Les Vieux fourneaux 2, Chœur de rockers et maintenant Quand tu seras grand: en l'espace d'un an, les retraités sont devenus les nouveaux héros du cinéma français. Et les Ehpad le lieu privilégié où se déroulent ces films populaires, dont l'ambition est d'inviter le public à prendre soin de nos aînés.

Andréa Bescond, qui sort ce mercredi Quand tu seras grand, salue une "conjoncture de pensée" entre les artistes et la société. "Il y a des moments où des sujets doivent émerger", insiste-t-elle.

"C'est notre rôle, en tant que cinéaste, de s'emparer de sujets qui font énormément souffrir la société. C'est le cas avec la condition de nos anciens."

Un an après le succès de Maison de retraite avec Kev Adams (2.009.803 entrées), Quand tu seras grand imagine aussi la confrontation entre la jeune génération et les retraités. Une histoire inspirée par l'expérience personnelle d'Andréa Bescond et de son co-réalisateur Eric Métayer.

C'est après s'être rendus dans un Ehpad avec leurs enfants, pour rendre visite à une proche, que les deux cinéastes ont eu envie de faire un film: "Quand mes enfants entraient dans l'Ehpad, on voyait l'énergie positive qu'ils insufflaient aux personnes âgées. On s'est dit qu'il y avait une histoire à raconter."

Des films inspirés de faits réels

Une thématique aussi abordée par la réalisatrice Sophie Boudre dans Un petit miracle, une comédie feel good sortie en janvier (et en vidéo le mois prochain). "A l'époque, on s'est dit que c'était compliqué d'avoir ces deux films avec des sujets identiques...", reconnaît la cinéaste.

L'histoire est inspirée d'un fait réel, survenu aux Etats-Unis. "La directrice d'une maison de retraite trouvait ses résidents complètement amorphe et a décidé d'intégrer une classe de maternelle deux-trois fois par semaine", raconte Sophie Boudre.

"Cette cohabitation a eu de vrais bienfaits: Alzheimer a diminué, ils ont retrouvé le goût de la vie, le sourire", relate-t-elle.

Dans son film, une institutrice (Alice Pol) propose d'installer sa classe unique dans la maison de retraite locale pour éviter qu'elle ne soit dispatchée aux quatre coins du département. Pour les enfants comme pour les pensionnaires, la cohabitation ne sera pas de tout repos, et va les transformer à jamais.

Maison de retraite, écrit et joué par Kev Adams, s'inspire aussi de faits réels survenus "il y a une dizaine d'années", nous avait raconté l'humoriste à la sortie du film: "Le directeur de l'établissement sélectionnait les résidents qui n’avaient pas d’enfants, pas de famille, qui était totalement seuls et à sa merci. Il a été arrêté et condamné."

Violence institutionnelle

Avec Quand tu seras grand, Andréa Bescond propose aussi "un film sur la violence institutionnelle, guidé par l'espoir que l'humain puisse sortir de ça". "On ne voulait pas faire un film militant, mais un film très chaleureux, une ode à l'amitié, à l'être humain", précise-t-elle encore.

Pour Un petit miracle, l'objectif était plutôt de mettre à l'honneur les anciens après la pandémie, "une période pendant laquelle ils ont été tellement mis de côté, isolés, notamment dans les maisons de retraite", renchérit Sophie Boudre. "C'est un sujet qui fait venir les gens en salles", estime-t-elle. "Ils s'identifient."

Très différents les uns des autres, ces films ont pourtant des passages obligés: la sexualité des seniors est souvent abordée de manière frontale, le retraité dont le héros ou l'héroïne s'entiche souffre d'un mal incurable et le patron de l'Ehpad est régulièrement l'antagoniste.

Dans Maison de retraite, il est présenté comme un arnaqueur. Dans Quand tu seras grand, comme un bureaucrate sans âme. Et dans Un petit miracle, c'est un homme dépassé par le système. "Il est sous l'eau entre les mesures d'hygiène, le manque d'effectifs, le manque de moyens", décrypte Sophie Boudre.

D'un Ehpad à l'autre

Trouver des comédiens seniors est moins difficile qu'on ne le croit. Sophie Boudre, qui a tourné Un petit miracle lors du troisième confinement, n'a pas pu faire appel à de vrais résidents. Mais en tournant dans le village de Ventabren, dans les Bouches-du-Rhône, elle a pu enrôler une quinzaine d'habitants pour son film.

"J'aurais voulu avoir dans mon film des personnages un peu plus grabataires, mais avec le Covid, on n'avait pas le droit de les mélanger", confie-t-elle. Donc ils sont assez pimpants."

"Ça donne aussi une autre facette des maisons de retraite, comme dans Maison de retraite", indique la réalisatrice. "On n'est pas obligé de montrer le côté glauque."

Pour d'autres films, ce sont des véritables résidents qui ont délaissé un temps leur établissement pour les plateaux de tournage.

"On les sortait d'un Ehpad pour les mettre dans un autre, le nôtre", s'amuse Andréa Bescond. "Ça ne les changeait pas trop d'atmosphère, mise à part que c'était une grande récré pour eux!"

"Tout le monde était très à l'aise. Un monsieur nous a dit qu'il était hyper content d'être là, parce qu'il s'était fait chier pendant deux ans!", ajoute la réalisatrice.

Faire jouer la mort à des retraités

Tourner avec ces comédiens seniors demande cependant une certaine vigilance: "C'est à nous de trouver, sur le plateau, les personnes en mesure de sublimer les situations", commente Andréa Bescond. "On est tombé sur des personnes avec un énorme potentiel, qui se prenaient totalement au jeu."

Mais il n'est pas toujours évident de trouver une comédienne professionnelle prête à jouer sans son dentier. "On a dû demander aux figurants", confirme Andréa Bescond. "On a trouvé deux vieilles dames qui étaient absolument ravies. Elles ont pris ça comme un vrai amusement. Elles ont beaucoup improvisé sur le plateau."

Demander à un comédien âgé de jouer la mort reste en revanche une véritable épreuve pour les metteurs en scène. Dans Quand tu seras grand, une scène marquante montre la comédienne Sylvie Artel morte, la bouche ouverte. "Ça a été la séquence la plus difficile à tourner", acquiesce Andréa Bescond.

"Elle a eu un courage absolu de faire ça à son âge", relate-t-elle. C'est une séquence qu'on a voulu tourner rapidement pour que Sylvie ne soit pas confrontée à cette pose très longtemps."

"Ce qui est étonnant, c'est qu'elle n'en avait rien à foutre! Elle a pris au contraire beaucoup de plaisir à une scène avec un enjeu dramatique fort."

"On a eu la chance de tomber sur des personnes d'une grande générosité. Il y a vraiment du talent partout", insiste encore Andréa Bescond. "Ils sont très nombreux et on ne les fait pas assez tourner. On a beaucoup trop peur des rides à l'écran. Certains vieux sont d'ailleurs très jeunes, beaucoup plus que nous."

Le cinéma français n'a pas fini de se passionner pour les seniors. Une suite de Maison de retraite, toujours avec Kev Adams, Firmine Richard, Daniel Prévost, Marthe Villalonga et Liliane Rovère, est en tournage depuis lundi. Ils sont rejoints par Jean Reno, Amanda Lear et Enrico Macias. Sortie prévue en 2024.

Article original publié sur BFMTV.com