Mahjoub Mahjoubi: pourquoi l'expulsion de l'imam du Gard accusé de prêche anti-France sera compliquée

"C'est une situation qui peut briser la vie d'un homme et détruire une maisonnée". Mahjoub Mahjoubi, qui reconnaît une "maladresse de langage" après ses propos tenus dans une vidéo, souhaite désormais "assurer (s)a défense afin de rester en France auprès de (s)a famille".

Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a annoncé dimanche 18 février avoir demandé le retrait du titre de séjour de l'imam de Bagnols-sur-Cèze dans le Gard "en vue de son expulsion du territoire" français.

"Aucun appel à la haine ne restera sans réponse", a poursuivi le ministre sur X.

Un titre de séjour valable jusqu'en 2029

Mahjoub Mahjoubi, de nationalité tunisienne, est arrivé en France en 1989 et y vit depuis avec son épouse et ses enfants, a appris BFMTV de source proche de l'enquête. En outre, son titre de séjour en France est valable jusqu'au 7 août 2029.

Le retrait du titre de séjour si l'imam est de nationalité étrangère est en effet une possibilité. L'expulsion reste toutefois compliquée: le préfet devant prouver qu'il y a eu trouble à l'ordre public ou apologie du terrorisme pour retirer le titre de séjour d'une personne installée durablement en France, et la personne visée a la possibilité d'exercer un recours devant un tribunal administratif.

Trois signalements effectués

Une enquête préliminaire a récemment été ouverte pour apologie du terrorisme, a indiqué le parquet de Nîmes à BFMTV. La préfecture examine depuis la semaine dernière sa situation pour savoir si elle peut procéder à un retrait de son titre de séjour. À ce sujet, le préfet du Gard Jérôme Bonet s'exprimera ce mardi 20 février 2024 sur BFMTV.

En l'espèce, l'imam a fait l'objet de trois signalements, tous récents, de la préfecture de par l'article 40 du Code de procédure pénale. Le premier, qui date du 3 novembre 2023, faisait référence à une condamnation en 2015 l'interdisant de gérer une entreprise jusqu'en juin 2030. Or, il semble qu'il occupe les fonctions de gestionnaire d'une entreprise de travaux en bâtiment, dont la présidence est officiellement confiée à son épouse.

Le deuxième signalement remonte au 8 novembre de la même année et fait suite à un contrôle administratif opéré dans la mosquée et qui a donné lieu à partir du lendemain, 9 novembre 2023, à la fermeture de l'accueil collectif des mineurs pour des problèmes de sécurité et d'accueil de ce public.

Enfin le dernier signalement, effectué le 16 février dernier, a notamment été émis à la suite de la vidéo relayée sur les réseaux sociaux dans laquelle l'imam qualifie les "drapeaux tricolores" de "drapeaux sataniques" qui n'ont "aucune valeur auprès d'Allah".

Apologie du terrorisme? Trouble à l'ordre public?

Ces mots tirés de la vidéo de Mahjoub Mahjoubi évoquent-ils un quelconque trouble à l'ordre public ou apologie du terrorisme? "Est-ce que c'est seulement cette vidéo ou est-ce que de façon régulière il avait des propos qui portaient atteinte aux valeurs de la République voire qui appelaient à la haine ou constituaient une apologie du terrorisme? Ce n'est pas pareil", souligne Guillaume Farde.

Interrogé plus tôt ce lundi maire de Bagnols-sur-Cèze Jean-Yves Chapelet s'est dit "personnellement, très très surpris, estomaqué et aussi en colère" par les propos tenus par l'imam. L'édile a en effet dit connaître Mahjoub Mahjoubi depuis une dizaine d'années "sans avoir la moindre alerte sur les propos qu'il a pu tenir".

Le consultant police-justice BFMTV insiste que "ce n'est pas sur le fondement d'une vidéo de 20 secondes qu'on va pouvoir apprécier cela, il faut que la justice s'en saisisse et que l'enquête soit menée à son terme".

Le droit au respect de sa vie familiale garanti par la CEDH

En outre, l'imam vit en France avec sa femme et ses deux enfants. Une expulsion de ce dernier pourrait se heurter à la Convention européenne des droits de l'homme, et notamment de son article 8 qui énonce que "toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance".

"Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique", peut-on encore lire.

"Quand vous avez une charge de famille en France, des enfants mineurs scolarisés dont il a manifestement la responsabilité sur un plan matériel, ce n'est pas si simple", déclare Guillaume Farde à propos d'une éventuelle expulsion de l'imam.

Interrogé lundi soir sur cette possibilité, Mahjoub Mahjoubi a déclaré que "la Tunisie c'est mon pays d'origine (...) si l'injustice à travers un lapsus, à travers une maladresse de ma part me conduit à me raccompagner dans mon pays, je garderai une très belle image de la France et une image amère qu'est l'injustice à mon égard".

Article original publié sur BFMTV.com