Madama, "place forte" de Barkhane près de la Libye

Soldat français de l'opération Barkhane à Timbouctou, dans le nord du Mali. /Photo prise le 5 décembre 2014/REUTERS/Joe Penney

par Marine Pennetier MADAMA, Niger (Reuters) - "Ici, c'est un 'mandat zéro'... Quand on est arrivé sur Madama, il n'y avait quasiment rien, que du sable et du vent", se rappelle Jean-Baptiste, un logisticien de l'armée de terre française. Il faut une dizaine de jours de route de Niamey, la capitale du Niger, ou deux heures et demie de vol de N'Djamena, la capitale tchadienne, pour rejoindre cette base militaire française située en plein désert et ouverte à tous les vents, qui peuvent souffler jusqu'à 120 km/h. Cette base en construction dans l'extrême nord du Niger fait partie de l'opération Barkhane menée depuis août dans cinq pays de la bande sahélo-saharienne, avec pour objectif la traque des djihadistes qui circulent librement dans la région au gré des frontières poreuses. "Très clairement, on est perdu au milieu du désert mais notre intérêt c'est de se prépositionner aux carrefours (des itinéraires empruntés par les djihadistes-NDLR) et c'en est un" souligne le capitaine Raoul. "Il y a énormément de caravanes qui dans le temps passaient par là, ce sont des routes traditionnelles qui sont encore utilisées aujourd'hui", ajoute-t-il. "On en a une qui vient de Libye et qui descend vers le Niger (via la passe de Salvador), une à 300, 400 km d'ici qui va sur les zones de transit entre l'Algérie, la Libye et le Mali". Ces itinéraires sont empruntés fréquemment par des groupes djihadistes cherchant notamment à s'approvisionner en armes et par des trafiquants en tout genre, souligne-t-on à Madama, où s'est rendu jeudi le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian. A l'heure où plusieurs pays africains de la région appellent la communauté internationale à agir face au "sanctuaire terroriste" qui se développe dans le Sud libyen, la base, située à une centaine de kilomètres de la frontière, constitue un point stratégique. Entamée en novembre, la construction de la base, dans laquelle sont déployés quelque 200 soldats français, devrait être achevée au printemps. DÉFI LOGISTIQUE A l'heure actuelle, les soldats sont logés dans des tentes situées non loin de plusieurs engins de chantier prêts à intervenir pour terminer la piste d'atterrissage. Car à leur arrivée les forces françaises ont découvert, outre "un paysage lunaire", une piste dégradée et insuffisante pour accueillir des avions de transport tactique. En quelques semaines, la piste de 800 mètres a donc été rallongée de 500 mètres. Elle devrait atteindre 1.800 mètres à la fin des travaux. "Ici il n'y a rien, donc c'est un vrai défi logistique. Pour la mise en place du matériel, nos véhicules ont fait un peu plus de 2.000 km de désert", indique le capitaine Raoul. "Tout est à faire", renchérit le sergent-chef Grégory, du 25e régiment du génie de l'air d'Istres. "On arrive, on n'a pas de matériau, il faut le trouver, il faut également de l'eau, donc c'est un challenge". Les soldats français, dont certains sont habitués à opérer dans des théâtres sahéliens, doivent composer avec l'harmattan, qui provoque des tempêtes de sable déréglant les machines et ne laissant pas indemnes les hélicoptères. "Ils en pâtissent au niveau des moteurs, des structures, des pales, avec beaucoup d'érosion notamment, ce qui explique des performances qui se réduisent au fur et à mesure", explique le sergent-chef Harry. "C'est une surveillance de tous les instants, l'objectif c'est de maintenir une machine en parfait état pour partir à n'importe quel moment en cas de mission", ajoute-t-il. Du fort de Madama, qui jouxte les tentes des soldats français et où sont basés 80 militaires nigériens, l'horizon s'ouvre au nord sur les montagnes libyennes par lesquelles transitent marchandises légales comme illégales. Dans le cadre de la lutte contre le trafic illicite dans la région, une opération tripartite a été menée fin décembre par des unités françaises, tchadiennes et nigériennes, une première depuis le début de Barkhane. "On s'est placé sur les itinéraires des trafiquants avec du renseignement et la connaissance du terrain qu'avaient les Nigériens. Résultat en une semaine : deux tonnes de drogue interceptées ainsi que de l'armement, et quelques trafiquants capturés", dit le capitaine Raoul. (Edité par Guy Kerivel)