Macron et le trou de souris

Jusqu’au bout, François Hollande aura joué de malchance avec ses ministres les plus talentueux. Talentueux veut hélas dire individualiste dans les nouveaux codes de la politique d’aujourd’hui. On a le sentiment que pour un certain nombre d’entre eux passer par la case gouvernementale ressemble à un accélérateur de carrière. Un peu comme les membres de cabinets ministériels qui se voient ensuite propulser à des postes que leur seul mérite ne leur permettrait pas d’atteindre d’emblée. Tour à tour, Arnaud Montebourg, Christiane Taubira et Emmanuel Macron ont quitté une barque qu’ils savaient chancelante. Sous François Hollande, rares ont été les ministres à être sanctionnés pour une parole un peu trop libre. Le cas de Delphine Batho reste emblématique mais elle avait peu de troupes derrière elle, donc peu d’influence et à l’arrivée peu de dégâts politiques pour l’exécutif.

Avec Emmanuel Macron, on n’est pas du tout dans le même registre. Peu de troupes également, bien que je connaisse un certain nombre de parlementaires très fans (surtout à droite !) mais une grande influence dans l’opinion. Il y est populaire pour quelques déclarations iconoclastes et pourtant on sait peu de choses de son programme politique. Il sera très intéressant de voir s’il ose franchir tout à fait le Rubicon et se présenter à la présidentielle sans passer par la case des primaires socialistes (où il a objectivement peu de chance ; il en aurait davantage, là encore, à la primaire de la droite et du centre !). Depuis VGE en 1974, on n’a plus retrouvé un centriste à l’Élysée. Emmanuel Macron a six petits mois pour peaufiner sa réflexion et pour essayer de passer là où ni Raymond Barre ni Jacques Delors n’ont pu le faire, faute d’appareil militant : dans un trou de souris.

Patrick Poivre d’Arvor