Macron en Guyane : qu'est-ce que l'orpaillage, et quels sont les problèmes qu'il pose ?

En déplacement en Guyane, Emmanuel Macron doit évoquer le sujet de l'orpaillage illégal, nocif pour les populations comme pour les écosystèmes.

Déforestation, destruction de la faune aquatique, pollution au mercure : l'orpaillage fait des ravages en Guyane (Photo : JODY AMIET/AFP via Getty Images)

Motivés par l'appât du gain, certains n'hésitent pas à avoir recours à des pratiques polluantes et dévastatrices. Le président de la République Emmanuel Macron est attendu ce lundi 25 mars en Guyane française pour une visite de deux jours, au cours de laquelle le chef de l'Etat doit notamment évoquer le sujet de l'orpaillage illégal, qui fait des ravages dans le département d'outre-mer.

Pour aborder ce sujet, la communication présidentielle a ainsi choisi le symbole de la date anniversaire du décès d'un serviteur de l'état dans l'exercice de ses fonctions. Le 25 mars 2023, Arnaud Blanc, gendarme du GIGN de Cayenne, avait perdu la vie après avoir été blessé par balles au cours d'une mission de lutte contre l'orpaillage illégal.

Une nouvelle ruée vers l'or depuis les années 1990

Mais qu'est-ce exactement que l'orpaillage ? Le dictionnaire "Ortolang" du CNRS définit l'orpailleur comme une "personne qui cherche à extraire, par des lavages successifs, les paillettes d'or provenant du sable de certains cours d'eau ou des alluvions aurifères". S'il est bien question d'extraire de l'or du lit d'un cours d'eau, on est cependant très loin de l'image d'Épinal du chercheur d'or du Klondike, avec sa pioche et son tamis.

Depuis le XIXe siècle et l'époque de la ruée vers l'or en Amérique du Nord, les techniques ont évidemment énormément évolué et l'orpaillage est devenu une industrie à part entière, régie en France par le code minier. Depuis le début des années 1990, la hausse du cours de l'or a cependant provoqué une nouvelle ruée vers l'or dans certaines zones d'Amérique du Sud, et notamment en Guyane.

Une loi en 2006 pour enrayer les mauvaises pratiques

Souvent dans l'illégalité, les nouveaux chercheurs d'or ne se sont pour la plupart pas embarrassés de considérations écologiques et ont utilisé les méthodes les plus efficaces : déforestation autour des cours d'eau pour pouvoir travailler plus aisément, puis extraction du sable formant le lit du cours d'eau et utilisation massive de mercure pour isoler l'or et l'amalgamer.

Comme l'explique la WWF, la loi française a réagi à ce mouvement en tentant de fixer certaines limites. En 2006, l'usage de mercure est ainsi devenu strictement interdit et les entreprises souhaitant pratiquer l'orpaillage ont été soumises à certaines conditions : "gestion de l’eau en circuit fermé, obligation de revégétalisation, obligation, pour chaque négociant, de renseigner un livre de police, etc."

7 à 10 tonnes d'or seraient extraites illégalement chaque année en Guyane

Cette contre-attaque législative n'a toutefois pas suffi à juguler ce phénomène de nouvelle ruée vers l'or. La WWF estime ainsi qu'à l'heure actuelle, "7 à 10 tonnes d’or" sont extraites illégalement chaque année en Guyane française, avec des conséquences dramatiques pour l'environnement, mais aussi et surtout pour les populations locales. Le problème ne se limite d'ailleurs pas à la partie illégale du secteur.

Loin de respecter scrupuleusement les obligations de revégétalisation, les orpailleurs ont en effet tendance à laisser derrière eux des espaces forestiers dévastés. D'après une étude menée à la fin des années 2010 (et mentionnée par le média indépendant Boukan), en combinant l'orpaillage légal avec l'activité illégale, les exploitants d'or ont détruit au total "215 000 hectares de forêts et de lits de cours d’eau" au cours des trente dernières années dans la forêt tropicale du Plateau des Guyanes, qui recouvre la Guyane française, le Suriname et le Guyana.

Pour obtenir 1 kg d'or, les orpailleurs illégaux utilisent 1,3 kg de mercure

Par rapport à la prospection légale, les orpailleurs illégaux (qui seraient au nombre de 15 000 dans le département) se distinguent toutefois par l'usage du mercure. Un chiffre, mentionné par la WWF, suffit pour mesurer l'ampleur du problème : en moyenne, ces derniers utilisent 1,3 kg de mercure pour extraire 1 kg d'or. En rapportant cette proportion aux chiffres évoqués plus haut, on comprend donc qu'entre 9 et 13 tonnes de mercure sont employés chaque année par les exploitants d'or illégaux sur le territoire de la Guyane française, avec des rejets particulièrement problématiques.

Si la proportion de mercure qui contamine les rivières exploitées et leurs lits est difficilement quantifiable, la dangerosité de cette pollution est en revanche bien connue. Le "mercure présent dans l’eau et les sédiments" est ainsi l'un des principaux sujets de préoccupation de l'Agence environnementale européenne, "car il se présente sous une forme extrêmement toxique et peut être facilement ingéré par les animaux, se frayant ainsi un chemin dans la chaîne alimentaire humaine".

Ces dernières années, plusieurs études ont ainsi montré que l'exploitation intensive des ressources aurifères avait eu pour conséquence, dans certaines zones du département, une augmentation de la concentration de mercure dans l'organisme des membres de la population locale. Cette inquiétante "surimprégnation mercurielle" a notamment été observée chez les femmes enceintes dans la région du Haut-Maroni.