Comment la météo d’octobre et les records de chaleur en septembre affectent les cultures

Directeur de recherche à l’Inrae, Lionel Alletto explique au HuffPost comment les chaleurs records de ce début d’automne affectent l’agriculture.. Photographie d’illustration, prise en 24 août 2022, dans la région de Rhône-Alpes.
OLIVIER CHASSIGNOLE / AFP Directeur de recherche à l’Inrae, Lionel Alletto explique au HuffPost comment les chaleurs records de ce début d’automne affectent l’agriculture.. Photographie d’illustration, prise en 24 août 2022, dans la région de Rhône-Alpes.

ENVIRONNEMENT - L’automne commence comme l’été s’est achevé. Des records de températures tombent jour après jour et ces premiers jours d’octobre ne vont pas échapper à ce triste constat. Les 30 degrés vont être atteints ce dimanche dans le quart sud-ouest et la barre des 35 degrés pourrait même l’être par endroits lundi.

Et le temps où l’on se satisfaisait de pouvoir prolonger l’été semble révolu. Les conséquences de ces chaleurs tardives se font sentir sur notre environnement. Directeur de recherche à l’Inrae, spécialiste de la transition agroécologique des systèmes de culture, Lionel Alletto explique au HuffPost comment cette nouvelle donne est problématique pour l’agriculture.

En quoi les fortes chaleurs automnales affectent-elles les cultures ?

Depuis fin août, avec la succession de périodes de très forte chaleur, la végétation a beaucoup souffert. L’activité photosynthétique des plantes (le CO2 est absorbé par la feuille qui relâche de l’O2 NDLR) peut être endommagée en cas de trop fortes chaleurs. Si elle a trop chaud, la plante ferme ses stomates - qui sont comme les pores de la peau chez l’homme - donc elle ne peut plus transpirer, et faire circuler la sève. Or, ce processus est essentiel à la plante pour produire de la biomasse, du sucre, qu’elle peut ensuite mettre en réserve pour passer l’hiver.

Les conséquences sont-elles déjà visibles ?

Cela se voit sur les étages foliaires supérieurs des arbres : toutes les feuilles sont mortes et grillées. C’est un peu moins vrai sur la partie plus basse. Mais si les températures continuent de grimper, les arbres vont devoir sacrifier une partie de leurs organes, les feuilles et branches en l’occurrence, pour éviter de dépérir complètement. En tant que scientifique, on s’interroge sur les capacités de récupération des arbres, déjà affectés par la canicule de l’été 2022.

Les autres conséquences sont sur les plantes récemment semées. Des plants de colzas par exemple ne se lèvent pas ou meurent parce que le sol est trop sec. J’ai vu des parcelles de colza irriguées ces derniers jours, une plante qui normalement peut se passer d’irrigation à cette période.

Vous voulez dire que le problème, c’est surtout la sécheresse ?

Si la France était bien arrosée, les fortes chaleurs actuelles ne seraient trop problématiques en termes de production des plantes, parce qu’elles pourraient croître en puisant l’eau du sol et en transpirant. Mais la combinaison du stress thermique et hydrique peut avoir des répercussions très négatives sur la production.

Est-ce la quantité ou la qualité qui risque de baisser ?

Les températures se sont emballées vraiment en fin de cycle pour une majorité de plantes, vers fin août-début septembre, donc pour l’instant l’impact sur les rendements est difficile à quantifier. Les premiers résultats qui nous sont parvenus sur des cultures récoltées, comme le tournesol, le sorgho, le maïs, sont plutôt rassurants.

En revanche, les scientifiques guettent tous avec inquiétude le début du mois d’octobre. De fait, on a des niveaux d’assèchement des sols très inquiétant. Avec la chaleur, il y a une forte évaporation qui s’opère. Et cette sécheresse pose des questions sur le fait de semer les cultures d’hiver dans de bonnes conditions. Ces cultures d’hiver, comme le blé et l’orge, sont essentielles pour l’alimentation humaine et des animaux.

Quelles stratégies faut-il adopter face au dérèglement climatique ?

La première stratégie, c’est la diversification des cultures. Nos systèmes agricoles sont pour le moment bien trop spécialisés. Pour protéger nos sols des aléas climatiques et des ravageurs, il faut associer des espèces sur une même parcelle, se faire succéder différentes cultures dans le temps, ou encore miser sur l’agroforesterie.

Ensuite, avec le dérèglement climatique, il va aussi falloir travailler à des plantes qui résistent au stress hygrothermique, comme le sorgho. Aujourd’hui, certaines plantes sont trop gourmandes en eau, tels que le maïs mais aussi le soja, et si elles poussent trop sur un territoire, on ne pourra pas satisfaire leur besoin hydrique. Malheureusement, c’est une stratégie très limitée, car aucune plante ne pousse sans eau, et sa croissance est très affectée au-delà de 35 degrés.

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