"Mépris", "méconnaissance": les propos de Pap Ndiaye sur les filières professionnelles ne passent pas
Le ministre de l'Éducation nationale a annoncé que les professeurs des filières professionnelles qui allaient être supprimées pourraient se reconvertir en enseignants de collège ou d'école primaire.
"On ne demande pas à un maçon de faire une charpente ou à un attaquant de foot de devenir défenseur", déplore Sigrid Girardin, co-secrétaire générale du SNUEP-FSU, syndicat de l'enseignement professionnel. Pourtant, elle accuse le ministre Pap Ndiaye de vouloir faire cela au sein de l'Éducation nationale.
Ce dernier a annoncé vendredi qu'en conséquence de la réforme des lycées professionnels, 80 filières allaient être supprimées à la rentrée prochaine. Les professeurs qui verront leur spécialité fermer sont notamment encouragés par le ministre à se tourner vers les métiers de professeur en collège ou à l'école. "Il y a des transferts, on va les encourager", a-t-il déclaré sur franceinfo.
Des métiers différents
"On enseigne pas de la même manière en maternelle et en lycée professionnel", réagit auprès de BFMTV.com Guislaine David, co-secrétaire générale et porte-parole du syndicat Snuipp-FSU, premier syndicat du primaire.
Les principaux syndicats voient dans cette déclaration "une méconnaissance des métiers de l'Éducation nationale". "On a tous des spécialités, on a passé un concours précis dans le domaine où on a été salarié", précise Sigrid Girardin, qui est également professeure de vente.
Au SNUEP-FSU, elle dit déjà recevoir "beaucoup d'appels des enseignants concernés". "Il y a une très forte inquiétude", rapporte-t-elle, déplorant un "plan de reconversion forcée qui va peut-être devoir se faire durant les congés scolaires et avec zéro moyen".
"Il n'y a que dans l'Éducation nationale qu'on fait des choses comme ça, on la pense comme un tout mais il y a différents métiers", abonde-t-elle.
Une "déconsidération" du métier
Pour Guislaine David, ces propos sont une marque de mépris pour les enseignants de lycées professionnels concernés mais également pour les professeurs des écoles. "C'est une déconsidération du métier, on considère donc qu'on est juste là pour occuper les élèves", exprime-t-elle, estimant que cela s'ajoute notamment à l'organisation de job-dating et le recours aux contractuels pour faire face au manque d'effectifs l'été dernier.
Sur franceinfo, Pap Ndiaye justifie notamment ses propos disant viser "d'abord l'intérêt des élèves". Un non-sens pour les syndicats. "Les élèves ont besoin de gens formés et qui souhaitent faire ce métier, là ils ne vont pas y aller de gaité de coeur, ça ne sera pas favorable aux élèves", abonde Guislaine David.
"Pour nous remercier, il nous vire"
Cette réorientation pourrait intervenir dès septembre 2023. "Une telle reconversion ne se fait pas du jour au lendemain, il faut une formation et c'est encore plus différent lorsque c'est imposé", explique Guislaine David, accusant son ministre de tutelle de ne "rien connaître en terrain".
"Il ne sait pas ce que c'est d'enseigner", complète-t-elle.
De son côté Sigrid Girardin, du SNUEP-FSU, dépeint une annonce "brutale" qui sonne comme "un piétinement de notre engagement". "Pour nous remercier, il nous vire", conclut-elle.
Outre la possibilité de travailler en collège ou en école primaire, Pap Ndiaye évoque également celle de travailler dans des "bureaux des entreprises" au sein des lycées professionnels, qui doivent être créés pour permettre aux élèves de trouver des stages, ou encore celle d'animer "les formations en demi-groupe" qui devraient être développées. "Il y a des savoirs d'un certain nombre de ces enseignants qui reste parfaitement utile dans le cadre des lycées professionnels", abonde-t-il en ce sens.
Article original publié sur BFMTV.com
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