Mégabassines dans le Puy-de-Dôme : manifestation totalement pacifique, contrairement à Sainte-Soline

ENVIRONNEMENT - Deux manifs, deux ambiances. En mars 2023, à Sainte-Soline, des milliers de personnes courraient dans un cratère de terre battue, poursuivies par les forces de l’ordre et leurs grenades lacrymogène pour dénoncer le projet d’une immense étendue d’eau dans les Deux-Sèvres. Plus d’un an plus tard, dans une ambiance familiale, plusieurs milliers d’opposants ont participé ce samedi 11 mai à une grande « randonnée pédagogique, festive et artistique » dans le Puy-de-Dôme contre la construction des « deux plus grandes mégabassines de France ».

Mégabassines à Sainte-Soline : un an après la mobilisation des associations, où en est le projet dans les Deux-Sèvres ?

Comme vous pouvez le voir dans la vidéo en tête d’article, le cortège, composé de 4 000 participants habillés de bleu selon la préfecture et 6 500 selon les organisateurs, s’est élancé en milieu de matinée dans une ambiance bon enfant pour dénoncer les projets de construction de deux réserves d’eau, l’une de 14 hectares, l’autre de 18 hectares, destinées à irriguer 800 hectares dans la plaine de la Limagne, où est implanté Limagrain, le 4e semencier mondial. À l’appel des organisateurs, dont les collectifs écologistes Bassines Non Merci et Les Soulèvements de la Terre, les manifestants ont ensuite quitté les lieux vers 13h. Aucun débordement n’est à déplorer.

Si le rassemblement a été tout à fait pacifique, les autorités avaient déployé quelque 400 agents assistés d’un hélicoptère, mesures de sécurité renforcées en raison du caractère « sensible » de cette randonnée dans les champs après les violents affrontements survenus lors de la mobilisation de Sainte-Soline. Trois militants avaient été condamnés à de la prison avec sursis en janvier 2024.

Chaîne humaine et plantation d’arbres

En marge de cette randonnée « festive », les participants se sont rassemblés pour s’adonner à plusieurs activités. Parmi elles, des plantations d’arbres à l’emplacement des mégabassines. Certains ont apporté des pousses de hêtres et des chênes à planter, d’autres distribuent des noix et des noisettes pour être semées. Objectif, faire le tour du site et « redonner cet aspect un peu bocager que pouvait avoir le paysage autrefois », lance au micro Ludovic Landais, de la Confédération Paysanne 63.

D’autres se sont unis pour créer une immense chaîne humaine afin de matérialiser le tracé d’une des deux retenues prévues, visant selon les collectifs à « privatiser plus de 2,3 millions de m3 d’eau pour 36 exploitations, la plupart liées à Limagrain (coopérative agricole NDLR) ».

Vendredi déjà, une centaine de militants avait symboliquement semé du maïs « population », une variété non stérile, sur une parcelle à une trentaine de kilomètres au sud de Billom, a indiqué Maud, du collectif antibassine organisateur, à l’AFP. Le troisième syndicat agricole, la Confédération paysanne, avait participé à l’évènement.

« C’est Robin des bois à l’envers », dénonce Marine Tondelier

Le collectif Bassines Non Merci dénonce des « gigabassines » qui « se rempliront directement par pompage » dans l’Allier, « une zone classée Natura 2000 qui supporte localement l’alimentation en eau potable de plus de 200 000 habitants ».

« Dans ce pays, les agro-industriels, les gens qui font de l’argent, sont beaucoup plus entendus, (...) c’est Robin des bois à l’envers », s’indigne auprès de l’AFP la secrétaire nationale des écologistes Marine Tondelier, parmi les manifestants.

Ces projets de mégabassines, portés par l’Association Syndicale Libre des Turlurons - qui regroupe 36 agriculteurs, dont le président de la coopérative Limagrain - n’ont pas encore fait l’objet de demande formelle d’autorisation, et leurs opposants espèrent obtenir un moratoire. Les antibassines accusent Limagrain de vouloir « sécuriser sa production de maïs semence destinée à l’exportation ».

Selon la coopérative agricole, les retenues seraient remplies par prélèvements dans l’Allier entre le 1er novembre et le 31 mars, en respectant le débit autorisé de 45,7 m3/seconde.

« Quand on a commencé les premières manifs, la majorité des gens ne savaient pas ce que c’était qu’une bassine. Aujourd’hui le rapport de force sur ce sujet-là contre la privatisation de l’eau a considérablement augmenté », a déclaré à l’AFP Adèle Planchard, des Soulèvements de la Terre.

Les prélèvements d’eau destinés à l’irrigation ont plus que doublé entre 2010 et 2020 en France, pour atteindre 3,42 milliards de m3 en 2020, selon un rapport de la chambre régionale de la Cour des comptes de Nouvelle-Aquitaine publié en juillet 2023.

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