"Se méfier des amalgames": pourquoi les perturbateurs endocriniens n'ont pas de liens avec la transidentité

L'ancienne ministre et ex-candidate du Parti socialiste à la présidentielle de 2007 Ségolène Royal, invitée de BFMTV ce mardi 19 mars, a assuré sur notre plateau, que l'augmentation du nombre de transitions de genre était liée directement aux perturbateurs endocriniens. Or, selon un spécialiste que nous avons interrogé, un tel lien entre les deux n'est pas avéré.

L'ancienne candidate était invitée à s'exprimer lors d'une discussion portant sur le rapport remis lundi au Sénat par des élus LR concernant la "hausse croissante des demandes de changement de sexe chez les enfants et les adolescents ". Un rapport accompagné d'une proposition de loi pour interdire aux mineurs toute opération chirurgicale et tout traitement médical dans le cadre d'une transition et qui doit être déposée avant l'été.

"Il ne faut pas oublier que l'augmentation de ces cas (de transitions de genre), vous savez à quoi il est dû? Aux perturbateurs endocriniens. Et ça c'est insuffisamment dit, c'est prouvé", affirme à ce sujet Ségolène Royal.

"Le glyphosate et tous les perturbateurs endocriniens bouleversent le cycle hormonal", affirme-t-elle. "D'ailleurs, dans les territoires où il y a une utilisation du glyphosate massive et des pesticides massifs, l'âge de la puberté des petites filles commence parfois à 8-9 ans. Il ne faut pas cacher ce phénomène-là lié aux pollutions et aux perturbateurs endocriniens", argumente-t-elle par ailleurs.

"Les mécanismes de la transidentité ne sont pas connus"

Mais selon le spécialiste que nous avons contacté, aucun lien n'a jamais été établi entre les transitions de genre et les perturbateurs endocriniens ou la pollution de façon plus générale.

"Il faut se méfier de la désinformation et des amalgames", prévient auprès de BFMTV le professeur Jean-Claude Carel, chef de service d'endocrinologie pédiatrique à l'hôpital Robert Debré à Paris.

Dans le détail, le médecin explique qu'il ne faut pas faire de confusion entre la transidentité et le taux d'androgènes, hormones mâles, et d'œstrogènes, hormones femelles, présents dans l'organisme.

"La transidentité est la différence entre l’identité de genre et le sexe chromosomique, génétique. Mais lorsqu’on évalue le profil hormonal des personnes transgenre et de celles qui ne le sont pas, il n’y a pas de différence. Même chose au niveau génétique", rappelle-t-il.

En résumé, une personne transitionnant du genre masculin au genre féminin n'a pas moins de testostérone ou plus d'œstrogènes que des personnes de sexe génétique masculin et qui se reconnaissent dans le genre masculin.

"Les mécanismes de la transidentité ne sont pas connus. Il n’y a pas de base biologique connue", souligne encore le professeur.

Aucun lien "solide" établi entre puberté et perturbateurs endocriniens

Concernant les cas de puberté précoce qui, selon Ségolène Royal, se multiplieraient en raison des perturbateurs endocriniens, le professeur Jean-Claude Carel appelle à la prudence.

"Actuellement, aucune donnée solide ne relie l’exposition aux perturbateurs endocriniens à l’âge du début de la puberté, nous sommes au niveau de la suspicion. Il y a un constat que cet âge avance, d’autres facteurs pourraient jouer un rôle comme la nutrition", explique-t-il.

"Le début de la puberté est une notion très variable. On estime que le développement des seins se fait entre 8 et 13 ans; il y a donc 5 ans de variation d'amplitude", ajoute-t-il par ailleurs.

De façon générale, "les perturbateurs endocriniens peuvent jouer un rôle, ils peuvent être l'un des cofacteurs, mais ne sont pas les seuls responsables" du déclenchement de la puberté, estime-t-il.

Le professeur indique en revanche que "sur le plan épidémiologique, il existe des données solides qui lient les perturbateurs endocriniens au risque de cryptorchidie, c’est-à-dire de testicules mal descendus, ou d’hypospadias, une malformation qui touche le pénis". Ces phénomènes n'ont cependant rien à voir avec la transidentité.

Critiquée pour ces propos, Ségolène Royal a répondu ce jeudi 21 mars sur X (anciennement Twitter) affirmant avoir "parlé de l’âge de la puberté, fragilisé quand il est impacté par les perturbateurs endocriniens". Elle a néanmoins reconnu que la brièveté de (ses) propos a pu porter à confusion" et a présenté ses excuses "auprès de ceux qui les ont honnêtement mal interprétées". Assurant avoir toujours "combattu les théories médicalisées de l’identité de genre", elle estime que "les accusations de transphobe (sic), proférées ici ou là, sont non seulement diffamatoires mais blessantes car volontairement malhonnêtes".

Article original publié sur BFMTV.com