Médine chez LFI et EELV : mais que reprochent au rappeur ceux qui s’indignent de son invitation ?

Que reprochent concrètement à Médine (le 31 mai 2023) ceux qui s’indignent de sa présence chez EELV et LFI ?
Que reprochent concrètement à Médine (le 31 mai 2023) ceux qui s’indignent de sa présence chez EELV et LFI ?

POLITIQUE - À l’origine de La mauvaise réputation. Médine est au cœur de l’attention en ce mois d’août. Le rappeur, 40 ans et huit albums au compteur, est l’invité star des universités d’été de la France insoumise et d’Europe Écologie les Verts à la fin de l’été. Il se produira également à la Fête de l’Humanité en septembre. Autant d’égards impensables pour une partie de la classe politique qui met en exergue les polémiques jalonnant le parcours de l’artiste.

Après les élus du Rassemblement national, toujours prompts à rappeler leur offensive contre le rappeur qu’ils essaient de faire interdire - en vain - depuis plusieurs mois, c’est Clément Beaune qui a décidé de croiser le fer. Dans le sillage de plusieurs élus de la majorité, le ministre des Transports a appelé vendredi 11 août la France insoumise et EELV à désinviter Médine de leurs événements estivaux.

Ce dont il n’est pas question, a répliqué Marine Tondelier à l’AFP. Mais, au-delà des controverses politiques et des raccourcis sur les réseaux sociaux, que reproche-t-on concrètement au rappeur qui ne « fait pas de rap pour qu’on l’écoute mais pour qu’on le réécoute » ?

D’où vient l’accusation d’antisémitisme ?

Les critiques, qui ont émergé dès l’annonce de son invitation chez les écolos, redoublent depuis un jeu de mots douteux. Le rappeur, engagé à gauche, est revenu sur des propos vendredi où il qualifiait, la veille, l’essayiste franco gambienne Rachel Khan de « resKHANpée » à savoir une « personne ayant été jetée par la place Hip-Hop, dérivant chez les social traîtres et bouffant au sens propre à la table de l’extrême droite », après que celle-ci l’a comparé à un « déchet. »

Message auquel Rachel Khan, juive et petite-fille de déporté, a réagi sur X par : « Tout est dit… », entraînant une polémique sur le caractère antisémite des propos du rappeur. Dans la foulée, le chanteur avait précisé n’avoir fait « aucune allusion à une quelconque origine ou histoire familiale », semblant plutôt évoquer le passage et le départ controversé de l’intéressée de la Place, un centre culturel Hip-Hop. Et d’ajouter : vendredi matin : « Aucune ambiguïté. J’ai attaqué le parcours professionnel de Rachel Khan. La formule pas adaptée, qui à certainement dû heurter des personnes et je m’en excuse, n’était pas dirigée vers sa famille ni vers les victimes du drame de la Shoah. » De quoi fermer le ban ? Pas pour cette quinzaine de députés macronistes qui redemandent ce vendredi soir à LFI et EELV de renoncer.

Avant même cette controverse, Médine, reconnu pour ses textes politiques ou engagés contre l’extrême droite, les violences policières, le racisme – il a notamment été invité à l’École normale supérieure (ENS) en 2021 pour en discuter – était régulièrement pointé du doigt pour des paroles ou des prises de position passées.

Certaines alimentent, justement, ce procès tenace en antisémitisme. Sur Internet, plusieurs photos le montrent, il y a une dizaine d’années, en train de reprendre la « quenelle », geste antisémite popularisé par l’humoriste controversé Dieudonné, condamné pour antisémitisme. Un geste que le rappeur explique être « antisystème » à ses yeux, avant d’indiquer à Libération en 2015 qu’elle lui « laisse un goût amer ». Depuis, il a surtout répété à nombreuses reprises, dans ses textes ou dans les médias, son engagement contre l’antisémitisme et toutes les formes de discriminations.

« Don’t Laïk », morceau polémique

Dans le flot de critiques, Médine est également accusé de communautarisme. Des reproches nourris, avant tout, à travers le texte de l’un de ses titres, « Don’t Laïk », sorti en 2015. Il chante « Crucifions les laïcards comme à Golgotha », une phrase reprise par tous ses détracteurs, dans un morceau dont il dira plus tard qu’il est une « succession d’absurdités, d’oxymores » en revendiquant le droit de « blasphémer une valeur lorsqu’elle est dévoyée ».

S’estimant mal compris, il explique en février 2021 que la phrase en question et souvent à l’origine des critiques est « à ne pas sortir de son contexte ». « Si on le fait, elle change de sens. Le morceau est une succession d’absurdités, d’oxymores. Cela correspond à un type d’écriture qui exacerbe les choses. La finalité étant d’exorciser la laïcité et lui redonner ses lettres de noblesse », décrypte-t-il auprès de Mediapart, après avoir porté plainte contre Aurore Bergé qui l’avait qualifié de « rappeur islamiste » en se basant sur la fameuse phrase.

En remontant le fil de ces accusations, on retrouve également un album intitulé « Jihad : le plus grand combat est contre soi-même ». L’opus de 2005 est mis en avant par les détracteurs du rappeur treize ans plus tard, en 2018, au moment où Médine doit se produire au Bataclan. Certains élus menant la charge, comme Nicolas Dupont-Aignan, raccourcissent d’ailleurs le titre de l’album qui devient, sous leurs critiques, « Jihad ». Médine, contraint de réaffirmer « radicalement » sa condamnation des attentats terroristes ayant endeuillé la France, renonce alors à son concert.

Médine et le « prêt-à-penser » ?

Quant aux critiques en homophobie, relayées dans de nombreux tweets fustigeant l’invitation des partis de gauche cet été, elles semblent fondées sur une vidéo exhumée en 2018 (mais non datée), au moment de la polémique sur le concert de Médine au Bataclan. On peut y entendre le rappeur utiliser le mot « tarlouze », selon le récit de plusieurs médias à l’époque. Les écolos rappellent de leur côté que l’artiste a toujours défendu les droits LGBT+ dans ses prises de parole publiques.

« La question de la lutte contre les intolérances (...) passe forcément par des gens qui ne savaient pas et qui ouvrent les yeux, qui se déconstruisent, se conscientisent, qui reconnaissent des erreurs passées, qui avancent », a ainsi répliqué Marine Tondelier, vendredi, dans un entretien à l’AFP, en rappelant opportunément les faits d’armes plus positifs du rappeur engagé. Il a par exemple été invité par Denis Mukwege à la remise de son prix Nobel de la Paix en raison de sa chanson contre l’excision. Il a également donné plusieurs conférences à Science Po et participe, plus récemment, à la vidéo de lancement du nouveau maillot de l’équipe de football du Havre, promue en L1.

Plus généralement, les partis de gauche défendent, à travers leur choix, les combats que porte le rappeur ces dernières années. Sur les piquets de grève, quand il défendait en mars les employés de la raffinerie TotalEnergies de Gonfreville, en Seine-Maritime. Ou dans ses textes, majoritairement consacrés aux luttes en tous genres et emplis de références littéraires ou musicales.

Dans son dernier album Médine France, sorti en 2022, il dénonce par exemple la réforme des retraites du gouvernement : « Ils reculent l’âge de la retraite. Mais avancent l’âge de la mort. Disent que c’est nous qu’appelons au meurtre, envie d’gerber jusqu’à l’aurore ». Dans ce même opus, le rappeur signe d’ailleurs le titre « Hier c’est proche », où il semble mettre à distance ses références ou proximités passées. « J’faisais du bruit comme à Châtelet. Un bruit d’enfer avec mon chapelet. J’me cherchais une identité. J’ai trouvé du prêt-à-penser ». Il aura l’occasion de faire l’explication de texte (et de son œuvre) tout l’été.

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