Une mère jugée en appel pour avoir enlevé sa fille qui accuse son père d'inceste

Une mère jugée en appel pour avoir enlevé sa fille qui accuse son père d'inceste

"J'aurais fait comme elle." Jugée ce mercredi après-midi en appel pour avoir enlevé sa fille pendant 11 ans et la soustraire à la garde de son ancien mari qu'elle accuse depuis des années d'actes incestueux, Priscilla Majani, 47 ans, a reçu une vague de soutien d'anonymes et de personnalités.

Mère protectrice ou manipulatrice comme l'avance son ancien compagnon? Toutes les décisions de justice ont été jusqu'alors défavorables à cette femme condamnée en première instance à 5 ans de prison, la peine la plus lourde qu'elle encourait. La cour d'appel d'Aix-en-Provence a requis la même peine, assortie de quatre ans ferme.

· Une première plainte et la cavale

Priscilla Majani et Alain Chauvet se rencontrent en 1993. De cette relation entre l'ancienne ingénieure militaire et cet homme, de 27 ans son aîné, naît une petite fille nommée Camille en 2005. Très rapidement, le couple se déchire et en 2008, une procédure de divorce est engagée. La justice prononce une garde alternée pour la fillette, la mère demandait elle la garde exclusive.

En 2011, Priscilla Majani porte plainte contre son ex-mari pour viol sur sa fille. L'enfant est entendue par les policiers à trois reprises, selon le protocole Mélanie. Elle évoque les violences commises par son père. "Il m'a fait tout le mal de la Terre. Il est méchant. C'est maman qui m'a dit de dire ça", dit la petite fille. Lors de la seconde audition, elle dit qu'elle a oublié de raconter que son papa lui met "son zizi dans les fesses".

"Chacun peut y piocher ce qu'il a envie", a résumé la présidente de la cour d'appel d'Aix-en-Provence lors du visionnage de ces auditions en septembre dernier.

Mais les experts notent eux le caractère "récitatif" des propos de l'enfant. Malgré un signalement d'une unité spécialisée dans la protection de l'enfance d'un hôpital parisien, l'enquête est classée sans suite.

"Quand elle rentre, comme elle n’a pas présenté l’enfant au père, elle va être mise en garde à vue de manière assez violente. Elle va comprendre non seulement que Camille ne sera pas protégée et qu’en plus ça va se retourner contre elle", explique aujourd'hui son avocate, Me Myriam Guedj Benayoun.

Priscilla Majani et sa fille prennent alors la fuite.

· Une condamnation en septembre dernier

Priscilla Majani est arrêtée lors d'un banal contrôle routier en Suisse en février 2022. Pendant onze années, la mère et la fille ont vécu selon ses dires dans différents pays, sans plus de précisions, avant de se stabiliser en Suisse. Elle est extradée en août dernier et jugée en septembre par le tribunal correctionnel de Toulon pour "dénonciation calomnieuse" et "soustraction d'enfant".

Depuis le début de sa cavale, Priscilla Majani a déjà été jugée en son absence à trois reprises et a été condamnée au total à six ans de prison pour "non-représentation de mineure", "dénonciation calomnieuse", et "soustraction d'enfant".

Devant le tribunal en septembre dernier, la quadragénaire assume, et assure avoir voulu protéger sa fille, disant ne pas avoir été entendue par la justice française en 2011. Le tribunal fait une toute autre lecture de l'histoire et la condamne à cinq ans d'emprisonnement.

"Si votre fille a fait ces déclarations-là, c'est parce qu'on lui a suggéré de les faire. Vous estimez que c'est votre fille qui est la victime et je suis d'accord avec vous. Votre fille est victime d'avoir été privée de son père et d'une enfance normale", tranche la présidente du tribunal.

· La fille porte plainte contre son père

Priscilla Majani a fait appel de sa condamnation et est désormais en détention provisoire à la prison des Baumettes, à Marseille. Sa fille Camille a elle été placée sous curatelle en Suisse. Les autorités "m'ont dit que la petite présentait un problème, qu'il fallait y aller doucement", a confié Alain Chauvet à BFMTV en mars dernier.

En novembre dernier, l'adolescente de 16 ans a porté plainte contre son père pour des faits de violences psychologiques, physiques et sexuelles auprès de la justice suisse. Des faits remontant à son enfance.

Le 1er janvier 2023, Camille Chauvet s'exprime, visage caché, dans une vidéo sur YouTube. "Ma mère a toujours agi dans le but de me protéger", dit la jeune femme, poings serrés. Elle affirme que son père "l'enfermait dans une pièce sans lumière (...) il pouvait m'y laisser plusieurs heures jusqu'à ce que je m'endorme par terre". Elle assure ne pas avoir été prise au sérieux par les policiers lorsqu'elle est entendue dans le cadre de la plainte déposée par sa mère.

"Je me suis sentie pour la première fois en sécurité, j'avais ma mère à mes côtés et c'est tout ce qui comptait pour moi, affirme l'adolescente au sujet de la fuite de Priscilla Majani à l'étranger. Notre départ a été le plus beau jour de ma vie, à ce moment-là j'ai compris que je ne subirais plus les tortures de mon père qui m'ont tant fait souffrir."

"La mère a dû lui dire tous les jours: 'ton père c'est un violeur, ton père est méchant, ton père t'a tapée', etc... Ce n'est pas 'papa' qu'elle va m'appeler c'est 'Monsieur', et encore si elle veut me voir", craignait Alain Chauvet, qui a toujours nié les faits qui lui sont reprochés.

"Ce n’est absolument pas une mère protectrice. La réalité c’est qu’elle a monté son enfant pour raconter une version. Elle n’a eu de cesse de calomnier son enfant et de manipuler son époux dans ce dessein de la priver de son père et réciproquement", estime Me Olivier Ferri, l'avocat du septuagénaire.

· Vague de soutiens sur les réseaux sociaux

A la suite de la condamnation en septembre dernier de Priscilla Majani, de nombreux internautes ont apporté leur soutien à la mère de famille sous le hashtag #PricillaMajani et avec pour mot d'ordre "J'aurais fait comme elle".

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A l'origine de cette initiative, l'actrice Eva Darlan, très impliquée dans la lutte contre les violences faites aux femmes et qui a présidé le comité de soutien à Jacqueline Sauvage.

"Elle a été révoltée par cette histoire, par le fait que madame Majani soit condamnée à cinq ans (de prison, ndlr) ferme en première instance et qu’on laisse des enfants sous l’autorité de parent hypothétiquement agresseur, selon la parole de l’enfant, au nom de la présomption d'innocence", a expliqué Me Myriam Guedj Benayoun à BFM Toulon Var.

Enora Malagré, Alex Lutz ou encore l’actrice Catherine Marchal ont posté sur leurs réseaux sociaux respectifs une photo avec le fameux hashtag #PriscillaMajani.

"Ce que veulent ces personnalités et ces anonymes c’est qu’on entende la parole de l’enfant", conclut Me Myriam Guedj Benayoun.

En parallèle, une pétition "Relaxe pour Priscilla Majani" a été lancée. Elle comptabilise plus de 12.000 signatures.

Article original publié sur BFMTV.com