Lyon: Quand les fans de l'OL soutiennent... Saint-Etienne
"Alors, je le précise d’emblée : je ne dis pas que je suis supporter de St-Etienne, je suis juste "pour" que le club remonte. Ce n’est pas la même chose!" Reste que Grégory Cuilleron, chef lyonnais, chroniqueur de KopGones sur BFM Lyon l’avoue volontiers. Il lui arrive de s’enthousiasmer pour les matches des Stéphanois que ce soit contre Concarneau, Annecy ou plus récemment Bordeaux, Annecy, Rodez et Grenoble. Et il n’est pas le seul de la Presqu’île aux Monts du Lyonnais à vibrer doublement dans ce printemps du renouveau des deux équipes, l’OL en quête d’un trophée la coupe de France et d’une place européenne via le championnat, l’ASSE à l’assaut d’un retour dans l’élite: "Ça me fait plaisir, cette remontée des Stéphanois au classement de la Ligue 2", dit-il encore avant d’ajuster son implacable démonstration: "Car pour moi St Etienne doit être en Ligue 1, et s’ils sont en Ligue 1, les Verts, y a derby..."
On y vient: le mot est lâché. La frustration porte un nom. David Louis, co-propriétaire du restaurant "Bella Vita" à Vaulx-en-Velin insiste: "Mais oui, ça nous manque! Il faut que St-Etienne remonte en Ligue1!" Et quand on lui fait remarquer que la Ligue 1 depuis la chute de l’ASSE a quand même un autre représentant de la région Auvergne Rhône-Alpes, en l’occurrence le Clermont Foot, il coupe: "Lyon–Clermont, ouais... Cela fait loin. Ce n’est pas terrible." Et peu habituel: 5 oppositions à ce jour depuis l’accession des Auvergnats dans l’élite. De quoi rendre un peu fade la narration, d’autant que pour les Lyonnais, ce "voisin" certes éloigné en kilomètres (160) réussit plutôt bien avec 3 défaites, dont la dernière à l’automne dernier précipitant les lyonnais, pour la première fois de leur histoire en dernière position de la Ligue 1.
CQFD: un OL–Clermont ne remplace pas un OL-Sainté! "Amis stéphanois, remontez vite, implore encore David Louis, Car oui, ce n’est pas un match comme les autres. Il y a une rivalité, des moqueries, des piques, des chambrages." Du coup, sans affrontements directs, il faut procéder par allusion et procuration. Ainsi, Mahfoud Bidaoui, patron des commerçants vaudais et gérant de la société Acess Auto, voisin de David Louis s’y emploie depuis peu: "la mascotte qui est derrière le comptoir, c’est la mienne", montre-t-il fièrement. "L’écharpe aussi, ajoute David Louis, le chef du restaurant du cœur de Vaulx-en-Velin. Mais vous avez vu?" A l’instant T, le "détail" nous échappe: "j’ai placé l’écharpe de l’OL tout en haut de l’étagère, fait remarquer le restaurateur. Celle de l’ASSE est juste en dessous..." Il faut bien symboliser comme on peut la Ligue 1 de la Ligue 2... "Mais, le mieux, c’est qu’elles soient au même niveau", conclut-il.
"Deux ans sans derby, c’est malheureux"
Mahfoud Bidaoui ne va pas dire le contraire, lui qui a quitté... St-Etienne pour venir s’installer dans l’est lyonnais et tenir son commerce de pièces auto: "moi, cela me fait plaisir de trouver des supporters de St-Etienne ici. Je suis content." Et d’entendre que les Lyonnais supportent cette année les Verts, il en pense quoi? "J’ai bien une petite idée: que le derby revienne. C’est de bonne guerre. Mais cela veut aussi dire qu’ils ont bon goût : ils retrouvent leurs élans des années 70 quand "mon" club était tout en haut de l’affiche."
Le chambrage, on y revient... "Ici, on a toujours des potes stéphanois, explique Grég Cuilleron. On ne choisit pas ses amis..." Ou plutôt si: le lapsus, confondant amis et famille, en dit beaucoup sur cette ambiance pré et post derby: "J’y vois la volonté d’un combattant qui cherche un adversaire de sa trempe, savoure Mahfoud Bidaoui. Un derby, c’est un beau match de rivaux. Tout le monde est content qu’on se chambre, qu’on se titille. Une rivalité cordiale. Deux ans sans derby, c’est malheureux. On y croit, on va retrouver de jolis derbies."
Et des lendemains qui chantent, une habitude lyonnaise des années 2020 avec cinq épisodes vécus pour quatre succès et un nul, le dernier échec remontant au 6 octobre 2019 avec un but de Robert Béric dans le temps additionnel (1-0) et sur les bancs, d’un côté Claude Puel pour sa première en Vert et de l’autre, Sylvinho pour sa dernière en rouge et bleu! Deux noms désormais recouverts de poussières tant les deux rivaux ont évolué dans des sables mouvants depuis : en effet, s’ils se retrouvent la saison prochaine avec les entraîneurs actuels (Pierre Sage à l’OL et Olivier Dall’Oglio à St Etienne) à leur tête, il faudrait se souvenir des 7 techniciens différents (Pascal Dupraz et Laurent Battles chez les Verts, Rudi Garcia, Peter Bosz, Laurent Blanc, Jean-François Vulliez, Fabio Grosso à Lyon) qui ont occupé de façon plus ou moins réussie, le fauteuil d’entraîneur depuis.
De quoi alimenter des quiz communs sur fond de "souvenez-vous" : "La saveur quand on gagne n’est pas la même qu’un autre match, avoue Greg Cuilleron. C’est le piment inhérent à ces rencontres qui nous manque. C’est une bataille de clocher, un vrai passé. Et du passif! A mes yeux, c’est le seul derby au monde." David Louis prolonge: "Cette adrénaline, la joie, l’enjeu, la tradition, y a tout dans ce match. On compte les derbies gagnés..." Et les autres? Et les erreurs des uns et des autres? Et les injustices? Et les humiliations vécues? "Vivement que cela revienne, s’impatiente David Louis. Ce serait bien pour le sport, la bonne humeur générale tout en restant sportif et courtois." Alors, forcément cette perspective de retour enchante. "C’est une très bonne chose, explique Greg Cuilleron. Je suis pour que les stéphanois puissent venir au Groupama et que nous, nous puissions retourner à Geoffroy-Guichard. Cela fait un match à cocher! Et on sait qu’on va tout faire pour y être!"
"Qui c’est les plus forts? Evidemment, c'est l’OL..."
Même les joueurs lyonnais militent pour les Verts: "Honnêtement, j’aimerai que les Verts remontent pour retrouver "L’affiche" de la Ligue 1, celle que tout lyonnais aime voir et vivre, lance ainsi Maxence Caqueret dans une récente interview au Progrès de Lyon (11 avril). Ce sont toujours des matches à enjeux avec une ambiance incroyable et que les joueurs qui n’ont pas eu cette chance d’en vivre, découvrent ce que c’est."
D’aucuns plus chambreurs que les autres font les comptes en avance: cela fait 6 points assurés pour Lyon: "oui, cette rengaine, je l’entends, mais l’essentiel, c’est qu’on soit en Ligue 1", coupe Mahfoud Bidaoui quand Greg Cuilleron rappelle les fondamentaux: "Non, car c’est toujours accroché. Il ne faut pas oublier qu’un ASSE-OL pour les Verts, c’est leur Ligue des Champions à eux."... Comprenez, nous on l’a déjà jouée et pas eux.
Alors Gregory Cuilleron, vous êtes capables de chanter: "allez les Verts"? La réponse se fait attendre. Puis entendre mais péniblement. Les mots traînent en route: "Ouais..." Et avec un sourire dans la voix, il se met à chanter: "Qui c’est les plus forts? Évidemment, c'est l’OL..." Il avait prévenu: "Je suis juste pour que le derby revienne. Faut pas exagérer quand même!"