L'UE vote le renouvellement du glyphosate pour cinq ans

Les pays de l'Union européenne ont voté de justesse lundi en faveur du renouvellement pour cinq ans de l'autorisation du glyphosate, l'un des composants essentiels de l'herbicide Roundup de Monsanto, contre l'avis de la France. /Photo d'archives/REUTERS/Charles Platiau

par Philip Blenkinsop

BRUXELLES (Reuters) - Les pays de l'Union européenne ont voté de justesse lundi en faveur du renouvellement pour cinq ans de l'autorisation du glyphosate, l'un des composants essentiels de l'herbicide Roundup de Monsanto, contre l'avis de la France.

Peu après, Emmanuel Macron a déclaré que ce produit aux effets controversés sur la santé serait malgré tout interdit dans le pays d'ici trois ans, la durée que préconisait Paris.

Dix-huit pays se sont prononcés pour un renouvellement de cinq ans, neuf ont voté contre et un s'est abstenu, selon le décompte de la Commission.

Quatre Etats membres qui s'étaient abstenus lors d'une précédente consultation organisée le 9 novembre, dont l'Allemagne, ont fait basculer le scrutin en se ralliant cette fois-ci à la proposition de la Commission.

Les inquiétudes sur le glyphosate ont donné lieu à l'ouverture d'enquêtes aux Etats-Unis et déclenché un débat d'experts en Europe après des conclusions contradictoires sur de possibles effets cancérigènes.

Utilisée par les agriculteurs depuis plus de quarante ans, cette substance représente 25% du marché mondial des herbicides.

"J’ai demandé au gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour que l’utilisation du glyphosate soit interdite en France dès que des alternatives auront été trouvées, et au plus tard dans 3 ans", a réagi Emmanuel Macron via Twitter.

La perspective d'une interdiction à court terme suscite la crainte d'une grande partie des agriculteurs "conventionnels", qui disent ne pas avoir pour le moment de solution de remplacement viable.

"Je ne sous-estime pas la difficulté dans certaines pratiques agricoles de se passer du glyphosate", a déclaré le ministre français de la Transition écologique, Nicolas Hulot, sur RTL. "Mais trois ans, ça me paraît être un calendrier raisonnable pour concilier tous les points de vue."

"COMME SI DE RIEN N'ÉTAIT"

"Ne soyons pas naïfs, derrière tout ça, il y a quand même encore un poids très influent des lobbies sur tous ces sujets-là en Europe", a ajouté l'ex-militant écologiste.

Pour le ministre français de l'Agriculture Stéphane Travert, qui s'est exprimé devant la presse, il faut "saisir les instituts techniques, mobiliser la recherche et l'innovation pour trouver et travailler au changement des pratiques agronomiques et sortir de l'utilisation du glyphosate".

Christiane Lambert, présidente de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), s'est offusquée sur Twitter de la positon de l'Elysée. "Quand on aime l'Europe comme Emmanuel Macron, on accepte les principes et les décisions même quand ils ne nous arrangent pas", a-t-elle écrit.

Dans un communiqué, le puissant syndicat agricole français affirme : "Nous nous battrons pour qu'aucun agriculteur ne se retrouve dans une impasse technique".

Le résultat du vote à Bruxelles a déclenché l'ire de figures de l'écologie politique et d'associations de défense de l'environnement, comme Greenpeace.

"On continue comme si de rien n'était avec un système qui va droit dans le mur (...). Il y a un véritable manque de vision politique à l'échelle européenne sur l'agriculture", peut-on lire dans un communiqué de l'ONG.

Interrogé par BFM TV, l'eurodéputé Yannick Jadot a pour sa part appelé à "virer tous ces conflits d'intérêts qui grangrènent nos méthodes d'évaluation dans nos pays, comme au niveau européen".

Le 9 novembre, la proposition de la Commission européenne n'avait pas atteint la majorité qualifiée nécessaire, soit 16 Etats représentant 65% de la population de l'UE.

Seuls quatorze Etats avaient alors voté pour la prolongation de cinq ans. Les 18 pays qui ont voté lundi pour le renouvellement représentent 65,7% de la population de l'Union.

Le commissaire européen à la Santé, Vytenis Andriukaitis s'est réjoui que l'UE soit parvenue à s'entendre sur ce dossier.

"Le vote d'aujourd'hui montre que quand nous voulons, nous pouvons partager et accepter notre responsabilité collective dans la prise de décision", a-t-il écrit sur Twitter.

(Avec Arthur Connan, Elizabeth Pineau, Sybille de la Hamaide et Simon Carraud à Paris, Eric Faye, Guy Kerivel et Gilles Trequesser pour le service français, édité par Sophie Louet)