L'UE étend timidement ses sanctions contre la Russie

par Adrian Croft et Justyna Pawlak BRUXELLES (Reuters) - L'Union européenne a commencé lundi à étendre ses sanctions contre la Russie à des entreprises, en ajoutant deux sociétés criméennes à sa liste noire dressée depuis le début de la crise ukrainienne, qui ne visait jusqu'ici que des individus. En réaction aux référendums d'autodétermination organisés dimanche dans l'est de l'Ukraine, les Vingt-Huit ont également décidé de sanctionner au total 13 nouvelles personnalités russes et ukrainiennes. Les noms de ces entités et individus devaient être rendus publics lundi en fin de journée. "Nous avons décidé d'adopter une nouvelle liste de personnalités soumises à des sanctions ainsi que des entités qui ont bénéficié de l'annexion illégale de la Crimée", a expliqué le secrétaire d'Etat français aux Affaires européennes Harlem Désir, en l'absence du ministre Laurent Fabius en déplacement aux Etats-Unis. "Cette décision confirme la grande détermination de l'UE à garantir le respect de l'intégrité territoriale et de la souveraineté de l'Ukraine", a-t-il dit. La Russie s'est élevée contre ces nouvelles sanctions et a enjoint l'Union européenne à respecter le résultat du référendum tenu dimanche dans deux provinces de l'est de l'Ukraine, en favorisant un dialogue entre le gouvernement de Kiev et les régions séparatistes. "En persévérant dans sa logique erronée de sanctions contre la Russie, l'Union européenne sape la confiance que l'on a en elle comme partenaire, et fait douter de sa volonté de jouer un rôle objectif pour favoriser une résolution du conflit intérieur à l'Ukraine", a déclaré lundi soir le ministère russe des Affaires étrangères. Le vice-Premier ministre de Crimée Roustam Temirgaliev, qui a lui-même été placé sur une liste de personnalités visées par des sanctions européennes dès le mois de mars, a jugé les nouvelles sanctions de l'UE injustes et a exhorté les Vingt-Huit à revenir sur leur position. "Démocratiquement, sans violence, nous avons organisé un référendum et la Russie nous a intégrés en son sein. Pourquoi imposent-ils des sanctions contre nous pour cela?", s'est-il insurgé. L'UE avait jusqu'à présent imposé un gel des avoirs et une interdiction de voyager à 48 personnalités ukrainiennes et russes. Désormais, des sanctions européennes visent également des entreprises même si Bruxelles reste dans ce domaine beaucoup plus prudente que Washington. Les Etats-Unis ont sanctionné fin avril 17 sociétés russes et gelé les avoirs de sept proches de Vladimir Poutine, dont le président du géant pétrolier Rosneft, Igor Setchine. RÉTICENCES Ces réticences de l'UE à sanctionner plus lourdement l'économie russe sont largement liées à la forte dépendance énergétique de certains pays membres vis-à-vis de Moscou, ou aux liens financiers ou commerciaux étroits qu'ils entretiennent avec la Russie. La France a ainsi confirmé officieusement lundi sa décision d'honorer le contrat de vente de deux navires porte-hélicoptères Mistral à la Russie. Lors de leur réunion à Bruxelles, les ministres européens des Affaires étrangères ont débattu pour savoir ce qui déclenchera l'application d'un nouveau train de sanctions contre la Russie. Ils se sont ralliés au point de vue exprimé ces derniers jours par l'Allemagne, la France ou la Grande-Bretagne qui font dépendre ces sanctions du bon déroulement de l'élection présidentielle du 25 mai. "L'Union européenne prêtera une attention particulière à l'attitude et au comportement de toutes les parties jusqu'à la tenue d'une élection présidentielle libre et équitable", ont-ils dit dans un communiqué. Les chefs de la diplomatie se sont également entretenus avec le président de l'OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) Didier Burkhalter, qui a élaboré un plan de sortie de crise pour l'Ukraine. L'UE reste profondément divisée entre les pays favorables à un durcissement des sanctions comme la Grande-Bretagne, la France, la Pologne et la Suède, et les pays les plus réticents comme l'Italie, la Grèce, Chypre, la Bulgarie, l'Autriche ou l'Espagne. (Tangi Salaün, Jean-Stéphane Brosse et Eric Faye pour le service français)