Quand des loutres de mer affamées freinent l’érosion d’un estuaire californien

La réintroduction des loutres de mer, dans un estuaire californien dégradé par l’érosion, a déclenché une réaction en chaîne mêlant crabes, salicornes et marais. Contre toute attente, l’appétit insatiable des loutres pour les crabes limite l’érosion de l’estuaire.

À Elkhorn Slough, en Californie, il n’est pas rare de croiser des pélicans, des loutres, des batraciens ou des crustacés. Cet entrelacs d’eau douce et d’eau salée, constellé de criques et de marais salants, abrite toute une biodiversité. Mais ses berges – fragilisées par les crabes qui creusent des terriers et dévorent les racines des plantes – s’effritent un peu plus chaque année. S’effritaient, du moins. Car le retour des loutres de mer, qui se délectent des crabes, limite désormais l’érosion de l’estuaire.

C’est ce qu’une équipe de scientifiques américains et canadiens a mis en évidence : grâce à une réaction en chaîne, les loutres de mer (Enhydra lutris) permettent de ralentir jusqu’à 90 % l’érosion de certaines parties d’Elkhorn Slough. Leurs recherches, publiées dans la prestigieuse revue Nature le 31 janvier 2024, offrent un nouvel éclairage sur la réintroduction d’espèces clés pour préserver les écosystèmes.

Des marais plus résilients

Pour en apporter la démonstration, le professeur de biologie à l’Université de Sonoma (États-Unis), Brent Hughes, et son équipe se sont intéressés à la zone humide d’Elkhorn Slough, dans la baie de Monterey, au sud de San Francisco. La loutre de mer y avait quasiment disparu, notamment parce qu'elle était chassée pour sa fourrure au 19e siècle. Quelques individus sont finalement revenus dans les années 1980, avant qu’une politique active de réintroduction et de conservation ne fasse grossir la population dans les années 2010.

En analysant des décennies de données, les chercheurs ont pu estimer la vitesse de l’érosion de l’estuaire, en fonction de la présence ou de l’absence de loutres. Les berges reculaient à leur maximum au début des années 2000, lorsque la population de loutres était à son plus bas niveau. L’érosion moyenne observée était alors de 0,35 mètre par an de 2000 à 2007, contre 0,1 mètre par an de 2008 à 2018. La population de loutres, elle, est passée de 11 à 119 individus entre 2005 et 2018.

"Dans les zones recolo[...]

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