L'Otan juge que Moscou atteindra son but sans envahir l'Ukraine

Activistes prorusses à Louhansk. Le commandant en chef des forces de l'Otan, le général Philip Breedlove, estime que les troupes russes n'auront pas besoin de pénétrer dans l'est de l'Ukraine car Moscou y atteindra ses objectifs grâce au travail de sape des forces non conventionnelles. /Photo prise le 5 mai 2014/REUTERS/Vasily Fedosenko

par Randall Palmer OTTAWA (Reuters) - Les troupes russes n'auront pas besoin de pénétrer dans l'est de l'Ukraine car Moscou y atteindra ses objectifs grâce au travail de sape des forces non conventionnelles, a estimé lundi le commandant en chef des forces de l'Otan, le général Philip Breedlove. Le général américain s'est dit convaincu que des membres des forces spéciales russes se trouvaient dans l'est de l'Ukraine et a rejeté la version du Kremlin selon qui la rebellion contre les nouvelles autorités de Kiev est le seul fait d'Ukrainiens. Selon lui, les forces spéciales russes y mènent le même type d'actions qu'en Crimée - à savoir y provoquer des troubles - avant l'annexion de cette région par la Russie, en mars. "Rappelons que (le président russe Vladimir) Poutine niait leur présence et que désormais, il reconnaît leur présence en Crimée. Avec le temps, ce sera la même chose pour l'Ukraine", a déclaré le général Breedlove devant des militaires et des diplomates à Ottawa. "Ce que nous avons vu en Crimée se reproduit à l'identique dans l'est de l'Ukraine", a-t-il insisté. Il a en revanche concédé qu'il était trop tôt pour dire si les forces russes étaient responsables de la destruction de trois hélicoptères ukrainiens depuis une semaine, comme le pensent certains responsables à Kiev. La Russie a mobilisé des milliers d'hommes à la frontière avec l'Ukraine, alimentant les craintes d'une intervention en territoire voisin pour y protéger les populations russophones. Le général Breedlove a dit avoir pensé, jusqu'à il y a une semaine, que la Russie allait probablement déployer ses troupes dans le sud de l'Ukraine pour y sécuriser une voie vers la Crimée avant de peut-être progresser jusqu'à Odessa. Mais il a changé d'opinion. "Aujourd'hui, je vous dirais que je ne pense pas que ce soit le plus probable", a-t-il dit. "Je pense désormais que Poutine pourrait atteindre ses objectifs dans l'est de l'Ukraine et ne jamais faire traverser la frontière à ses forces", a-t-il ajouté. "Je pense que le plus probable, désormais, est que (Poutine) continue à faire ce qu'il fait, discréditer (le gouvernement ukrainien), provoquer des troubles et ouvrir la voie à un mouvement séparatiste" afin de renforcer l'emprise russe sur la région, a-t-il souligné. La situation, a expliqué l'officier américain, est d'autant plus difficile à appréhender pour l'Alliance atlantique. "Si les forces (russes) ne franchissent pas la frontière, mon sentiment est que beaucoup vont vouloir retrouver une vie normale rapidement or je ne crois pas que l'annexion de la Crimée soit normale", a-t-il dit. Pour le général Breedlove, la Russie a cessé d'agir comme un partenaire de l'Otan et la crise en Ukraine pourrait conduire les pays membres de l'Alliance à accroître leurs dépenses de défense au-delà de la limite de 2% du PIB convenue. (Avec David Ljunggren; Guy Kerivel et Grégory Blachier pour le service français)