Ce que l'on sait des menaces terroristes contre des lycées après un piratage informatique
"J'ai mis du C4 partout dans le lycée et dans les classes". Des messages, comportant des menaces d'attentat terroriste, accompagnés d'une vidéo de décapitation, ont été envoyés à une trentaine d'établissements scolaires, essentiellement des lycées d'Île-de-France, via les Espaces numériques de travail (ENT) piratés, a fait savoir le ministère de l'Education nationale ce jeudi 21 mars. La région Île-de-France, elle, parle d'une "cinquantaine" d'établissements touchés, a-t-elle fait savoir à BFMTV dans l'après-midi.
Une enquête a été ouverte des chefs "d’accès et maintien frauduleux dans un système de traitement automatisé de données", et "introduction frauduleuse de données", a fait savoir le parquet de Paris à BFMTV. Le parquet précise avoir reçu deux plaintes concernant ces cyberattaques, dont une de la Région Île-de-France.
Ce jeudi, la sécurité a été renforcée devant tous les établissements scolaires concernés.
• "Je décapiterai tous vos corps"
Dans ce message, que BFMTV a pu consulter, l'auteur indique venir "de la part de l'État islamique". "Jeudi 21 mars, je ferai exploser l’établissement tout entier vers 11/15 heures et je décapiterai tous vos corps de kuffars (personne qui ne croit pas en l'islam, NDLR) pour servir Allah le tout-puissant qui règne sur ce monde", menace l'individu. Il explique que ce message est destiné aussi à "trouver des acolytes" qui pourraient "l'aider pour mener ce projet à bien", peut-on lire.
"J'ai mis du C4 partout dans le lycée et dans les classes. J'espère que vos corps de kuffars vont exploser en 1.000 morceaux, je ramènerais mes chiens pour venir vous déchiqueter, bande de mécréants", poursuit le message.
Une vidéo a été jointe au message pour montrer "comment tuer facilement tous ces mécréants". L'individu termine son message par un verset du Coran 9.29: "tuer ceux qui ne croient pas en Allah".
• Un message reçu sur l'ENT des établissements
Depuis ce mercredi 20 mars, "au moins une trentaine d'établissements" d'Île-de-France, "essentiellement des lycées", ont reçu ce même message, a indiqué à l'AFP le ministère de l'Éducation nationale. La région Île-de-France, elle, parle d'une "cinquantaine" d'établissements touchés, a-t-elle fait savoir à BFMTV jeudi après-midi.
La liste détaillée des lycées n'a pas été communiquée, mais le rectorat de Créteil (qui regroupe les départements de Seine-et-Marne, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne) a confirmé ce jeudi matin à BFMTV que deux lycées de son secteur étaient concernés. Des lycées de l’académie de Paris et une vingtaine dans l'académie de Versailles (Val-d'Oise, Yvelines et Hauts-de-Seine) ont aussi reçu ces menaces, ont indiqué les rectorats concernés à l'AFP.
Ces messages ont été envoyés sur "l'ENT, boîte mail interne de l'école ou encore le site Pronote", a précisé le ministère. L'ENT est un espace numérique qui sert de lien entre enseignants, élèves et parents. Pronote est un logiciel utilisé par l'Éducation nationale pour entrer les notes des élèves.
• Piratage par hameçonnage
Ce jeudi matin, la région Île-de-France a annoncé dans un communiqué de presse avoir "déposé plainte au cyber-parquet de Paris suite à la création d’un site frauduleux visant à hacker l’ENT régional". Selon les informations de Tech&Co, une campagne de hameçonnage visant les élèves de dizaines de lycées a précédé l'envoi de mails intégrant des menaces à caractère terroriste. Un faux site ressemblant à celui de l'ENT a été crée.
De telles campagnes de hameçonnage sont habituellement organisées à des fins d'escroquerie: un mail frauduleux imite l'interface d'une entreprise ou d'un service public, puis invite la victime à cliquer sur un lien pour accéder à un site imitant là encore cette même institution. Dans le cas du piratage des mails de l'ENT, le but était avant tout de récupérer le mot de passe des victimes, selon les informations de Tech&Co.
A la suite de ce piratage, "des mails frauduleux ont été envoyés à des lycéens d’Ile-de-France avec des menaces d’attentat islamiste", a fait savoir la région Île-de-France, précisant que l’ENT francilien a été suspendu.
Pour l'heure, aucune information n'a été donnée sur la nature du message destiné à piéger les lycéens, pour les convaincre de cliquer sur le lien menant au faux site destiné à dérober leur mot de passe. Des messages ont été envoyés aux élèves des lycées concernés pour leur demander d'éviter de télécharger cette vidéo afin d'éviter le piratage des téléphones et ordinateurs, et de supprimer le mail en question sans l'ouvrir.
• La sécurité renforcée dans les lycées concernés
Sollicité par BFMTV, l'entourage de la ministre de l'Éducation nationale Nicole Belloubet assure "prendre toute menace visant l'école au sérieux" et dit "condamner ces menaces graves".
La sécurité des établissements scolaires a été renforcée, ce jeudi 21 mars. "Les services de police immédiatement avisés font le nécessaire pour s'assurer de la sécurité des élèves. Plusieurs levées de doute ont déjà été effectuées entre hier soir et ce matin. Des services d'enquête spécialisés sont mobilisés pour identifier le ou les auteurs", nous indique-t-on.
L'entourage de la ministre précise par ailleurs qu'un accompagnement psychologique est proposé "à tous les enfants ou adultes qui ont visionné malgré eux les vidéos choquantes".
• Une enquête ouverte
Une enquête a été ouverte par le parquet de Paris ce jeudi des chefs "d’accès et maintien frauduleux dans un système de traitement automatisé de données", et "introduction frauduleuse de données", a fait savoir le parquet de Paris à BFMTV. La section de lutte contre la cybercriminalité du parquet de Paris a reçu deux plaintes concernant des cyberattaques au préjudice d’ENT parisiens, a-t-il ajouté, dont l'une de la Région Île-de-France.
L'enquête a été confiée à la BL2C (Brigade de lutte contre la cybercriminalité, de la direction de la police judiciaire parisienne). Le parquet de Paris procède au rapprochement avec des faits similaires dont sont saisis d’autres parquets, afin d’envisager une éventuelle centralisation si des recoupements étaient avérés.
Un signalement Pharos a également été effectué après l'envoi du message sur l'ENT, a également appris BFMTV.
"Ce sont des faits extrêmement fréquents", précise toutefois à BFMTV une source judiciaire, qui rappelle que ces menaces sont "essentiellement de mauvaises blagues": un canular. Une "vérification est systématiquement réalisée" pour s'assurer qu'il s'agit bien d'un canular, rappelle cette source.
Une réunion interministérielle sur la sécurité des établissements scolaires doit se dérouler ce jeudi après-midi sous la houlette du Premier ministre Gabriel Attal, en présence de la ministre de l’Éducation nationale Nicole Belloubet et du ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti.
• Un contexte de fausses alertes à la bombe
Ce n'est pas la première fois qu'un message de ce type est envoyé via l'ENT d'un établissement scolaire. En janvier 2023, une opération déminage avait eu lieu au lycée Baggio à Lille, après un message d'un individu affirmant avoir "mis du C4 partout dans le lycée et dans les classes" et promettant de faire "exploser" l'établissement.
Ces menaces d'attentat interviennent après une vague de fausses alertes à la bombe qui avaient touché plusieurs centaines d'établissements scolaires à l'automne, 800 entre septembre et novembre 2023, selon l'Education nationale. Elles s'étaient multipliées après l'attaque jihadiste qui a coûté la vie à l'enseignant Dominique Bernard, à Arras, le 13 octobre.