La loi immigration retoquée dès lundi ? Cette hypothèse peut donner des sueurs froides au gouvernement

Vers un 49-3 sur le texte immigration à cause de cette subtilité oubliée des macronistes ? (photo prise le 5 décembre à l’Assemblée)
MIGUEL MEDINA / AFP Vers un 49-3 sur le texte immigration à cause de cette subtilité oubliée des macronistes ? (photo prise le 5 décembre à l’Assemblée)

POLITIQUE - À peine levé, le rideau se baissera-t-il brutalement sur les débats ? Le projet de loi immigration du gouvernement arrive en séance à l’Assemblée nationale lundi 11 décembre à 16 heures après des mois d’atermoiements et un bras de fer interminable avec la droite.

Problème, pour l’exécutif : le texte prévu pour être la deuxième réforme d’ampleur du second quinquennat Macron, après celle sur les retraites, pourrait bien ne pas être discuté au Palais Bourbon. La faute à une motion de rejet, un outil parlementaire semble-t-il passé sous les radars du camp présidentiel si l’on en croit l’optimisme qui régnait jusqu’à présent.

Cette carte à disposition des différents groupes à l’Assemblée vise, comme son nom l’indique, à rejeter un texte avant même le début des discussions. En l’occurrence, Les Républicains et la gauche en ont déposé une sur le projet de Gérald Darmanin. Après tirage au sort, ne reste que celle des écolos… Et de quoi donner des sueurs froides au gouvernement.

« Une majorité de parlementaires favorables au rejet »

Car selon Benjamin Lucas, le député qui portera la motion, elle a toutes les chances d’être adoptée. « L’exécutif n’a pas trouvé d’équilibre ou de majorité sur son texte contrairement à ce qu’il nous dit depuis un an », fait valoir l’élu des Yvelines auprès du HuffPost. Au contraire, « il y a une majorité de parlementaires favorables au rejet » estime-t-il. Réelle chance ou méthode Coué ?

Si tous les députés opposés au texte en l’état votent la motion de rejet, celle-ci sera adoptée. Contrairement aux motions de censure, le vote requiert la majorité des élus présents et non du nombre total de députés. Mais dans les faits, le décompte sera forcément serré.

Sauf retournement de situation, la gauche approuvera dans son ensemble le retoquage de ce texte qu’elle pourfend. Dès lors, les regards convergent vers la droite et l’extrême droite. Comment souvent, le Rassemblement national - plutôt enclin à voter contre le texte de Gérald Darmanin, qu’il juge trop laxiste - entend ménager la suspense. « Surprise », répond en substance le secrétaire général du groupe d’extrême droite Renaud Labbaye au Figaro, tandis que nos questions sont tombées dans le vide ce jeudi.

La droite maintient le suspense

L’enjeu est important : si les troupes de Marine Le Pen franchissent le pas et votent eux aussi la motion de rejet, il ne suffira alors que d’une poignée de députés de droite (sur les 62) pour obliger le gouvernement à rebrousser chemin. Or, Olivier Marleix ne semble pas fermé à l’idée d’infliger ce genre de camouflet à l’exécutif.

« C’est une question que l’on se pose », soufflait le chef des députés Les Républicains ce jeudi matin sur Sud Radio, estimant que la « solution » de soutenir la motion de rejet portée par les écologistes est « tentante. » Pour cause : « le rejet préalable du texte reviendrait à ce que le gouvernement ne puisse poursuivre la navette qu’à partir de la copie du Sénat », une version du projet largement durcie par rapport à celui de l’exécutif et en phase avec les aspirations de son camp, premier groupe au Palais du Luxembourg.

Il n’empêche, cette gourmandise n’est pas partagée par tout le monde à droite. « On n’a aucun intérêt voter » la motion, nous assure un député du groupe, « déjà parce que ça vient des écolos. La messe est dite. » Ensuite, parce que « plein de députés ne veulent pas de ça. »

Un 49.3 pour s’en sortir ?

Autant de réserves que Benjamin Lucas aimerait balayer, pour brasser large et parvenir à retoquer la réforme du gouvernement. « L’objet du vote n’est pas d’être d’accord sur un projet commun, on ne défend pas un texte comme pour une motion de censure », souligne-t-il, « au moment d’appuyer sur le bouton, la question sera de savoir si on veut débattre de ce projet ou le rejeter. »

En attendant, cette épée de Damoclès fragilise le camp présidentiel, et le place en position de faiblesse face à la possible coalition des oppositions. Il faut dire qu’un rejet du texte aurait des conséquences directes pour l’exécutif, qui aurait alors plusieurs options devant lui : convoquer une commission mixte paritaire, ou renvoyer le texte au Sénat, deux options qui permettraient à la droite de prendre la main sur le texte. Ou alors le retirer.

À moins que l’article 49.3 de la Constitution n’entre dans la danse. Dans les faits, Élisabeth Borne pourrait choisir de le dégainer très tôt, avant même les discussions sur la motion de rejet. Mais il faudrait pour cela que le Conseil des ministres se réunisse en urgence lundi pour l’y autoriser. Difficilement envisageable pour Benjamin Lucas. « Ce serait un aveu d’échec et de faiblesse », estime le député écolo, ce qui l’exposerait « au vote d’une motion de censure. » En clair, le gouvernement n’a plus guère de bonnes solutions.

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