Loi immigration : et si une motion de rejet à l’alliance improbable retoquait le texte de Darmanin ?

Si les députés de droite et d’extrême droite joignent leurs voix à celles de la gauche sur la motion de rejet portée par les écologistes, Gérald Darmanin et le camp présidentiel subiront un camouflet.

Le rideau va s’ouvrir... avant d’aussitôt se baisser ? Le projet de loi immigration arrive en séance à l’Assemblée nationale, ce lundi 11 décembre à 16 heures, après des mois d’atermoiements et un bras de fer interminable entre la droite et le gouvernement pour tenter de trouver un compris, et ainsi éviter tout blocage.

Problème pour l’exécutif : le texte, qui était pensé comme la deuxième réforme d’ampleur du second quinquennat Macron, après celle sur les retraites, pourrait bien ne pas être discuté au Palais Bourbon. La faute à une motion de rejet, un outil parlementaire passé quelque peu sous les radars du camp présidentiel, si l’on en croit l’optimisme qui a longtemps régné en macronie.

Cette carte, qui est à la disposition des différents groupes à l’Assemblée, vise comme son nom l’indique à rejeter un texte avant même le début des discussions. En l’occurrence, Les Républicains et la gauche en ont déposé une contre le projet de Gérald Darmanin. Après tirage au sort, ne reste que celle des écolos… et le spectre d’une alliance de circonstance qui peut donner des sueurs froides au gouvernement.

La carpe, le lapin etc.

Car si tous les députés opposés au texte tel qu’il doit être discuté votent la motion de rejet, celle-ci sera adoptée. Contrairement aux motions de censure, le vote requiert la majorité des élus présents et non du nombre total de députés. Mais dans les faits, le décompte sera forcément serré.

Sauf retournement de situation, la gauche sera présente dans son ensemble pour approuver le retoquage d’un texte qu’elle pourfend. Dès lors, les regards convergent vers la droite et l’extrême droite. Car pour que le rejet soit adopté, l’ensemble du groupe RN et une poignée de députés LR doivent eux aussi donner leur assentiment. Mais comment souvent, le suspense est de mise.

Dans ces conditions, de nombreuses voix s’élèvent au sein de la majorité - surtout sur l’aile droite - pour battre le rappel et dénoncer ce qui serait une coalition contre-nature. Une alliance de la « carpe et du lapin », selon l’élément de langage en vogue, pour désigner à la fois un camp favorable à un durcissement plus strict des conditions d’immigration et un autre qui refuse de légiférer sur le sujet.

« Je ne vois pas les oppositions se coaliser de LFI au RN pour empêcher l’examen d’un texte sur l’immigration », a encore confié Gérald Darmanin au Parisien dans un article publié dimanche. Avant d’enfoncer le clou dans un entretien au média en ligne Brut : « Ce serait étonnant que les députés, qui représentent les Français, ne veulent pas discuter sur un sujet qui concerne tous les Français », a-t-il soufflé, comme pour prendre la population à témoin.

Danger pour le gouvernement

Pourtant, les deux formations dépositaires de l’avenir des débats entretiennent le flou pour l’instant. Chez LR, Éric Ciotti a souligné que « l’adoption d’une motion de rejet aboutirait à débattre à nouveau sur le texte du Sénat », le « seul » qui « convient » à sa formation, samedi dans les colonnes du Parisien. Laissant entendre qu’il serait logique de voter pour la motion, même déposée par un groupe aux positions diamétralement opposées.

De son côté, Marine Le Pen a fait la liste des arguments pour et contre, dimanche sur CNews. « L’argument contre, c’est qu’évidemment nous souhaitons débattre parce que Gérald Darmanin dit tout et l’inverse de tout », a expliqué la cheffe de file du Rassemblement national. « Le pour, selon elle, c’est qu’il est tout à fait évident que nous sommes opposés frontalement à cette loi sur l’immigration qui crée une nouvelle filière d’immigration supplémentaire alors que déjà l’on voit que nous sommes submergés par une immigration anarchique. »

En attendant, cette épée de Damoclès fragilise le camp présidentiel. Il faut dire qu’un rejet du texte aurait des conséquences directes pour l’exécutif, qui aurait alors plusieurs options devant lui : convoquer une commission mixte paritaire, ou renvoyer le texte au Sénat. Deux options qui permettraient à la droite de prendre la main sur le texte. Ou alors le retirer. Rien de reluisant, en somme.

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