Loi immigration : Marine Le Pen donne le point à Emmanuel Macron, « premier pas vers la priorité nationale »

POLITIQUE - Un virage. Après avoir dénoncé sur tous les tons le projet de loi sur l’immigration durci sorti du Sénat en novembre, jusqu’à voter une nouvelle version « adoucie » en commission des Lois début décembre, les macronistes, en cette veille de Noël, viennent de lâcher sur la plupart des points dont ils ne voulaient pas il y a encore quelques semaines.

Et d’offrir, par la même occasion une « victoire idéologique » au Rassemblement national, selon les termes de ses principaux représentants dès ce mardi matin et une victoire politique aux LR qui applaudissent des deux mains un texte « dont ils n’auraient pas pu imaginer obtenir autant », selon Aurélien Pradié, sur BFMTV, qui confirme qu’il votera le texte, comme « les 62 députés du groupe », selon le patron du parti avec qui il a été en guerre ouverte pendant la réforme des retraites, Éric Ciotti.

Sur le fond, c’est un glissement qui vient de s’opérer, dix-huit mois après la victoire d’Emmanuel Macron en 2022, élu sur un programme de « planification écologique » pour recueillir les voix de gauche qui ont contribué à faire barrage au RN et à Marine Le Pen, finaliste de la présidentielle.

Nous voterons ce texte car pour aller de Paris à Brest il est intéressant de s’arrêter au péage de Jouy-en-Josas » - Marine Le Pen

C’est en sachant cela que la députée d’extrême droite, qui hésitait encore sur la teneur du vote de son groupe avant l’accord final obtenu en CMP, a pris la parole la première ce 19 décembre après-midi, pour annoncer, triomphale : « nous voterons ce texte car pour aller de Paris à Brest il est intéressant de s’arrêter au péage de Jouy-en-Josas ». Comprendre : le gouvernement est sur la bonne voie, celle de la « priorité nationale ». Et Le Pen de développer ainsi : « Il est inscrit maintenant dans cette loi la priorité nationale, c’est-à-dire l’avantage donné aux Français par rapport aux étrangers présents sur notre territoire dans l’accès à un certain nombre de prestations sociales ».

Dans l’accord qui sort de la CMP : le délai pour obtenir des prestations sociales est allongé entre 5 ans et 30 mois (contre six mois actuellement) pour les étrangers en situation régulière selon qu’ils travaillent ou pas. Une mesure supprimée par la commission des Lois début décembre. Ont été aussi votés : le retour du délit de séjour irrégulier, la fin à l’automaticité du droit du sol, le durcissement des conditions du regroupement familial et la déchéance de nationalité pour les binationaux condamnés pour homicide volontaire contre toute personne dépositaire de l’autorité publique.

C’est un texte courageux et responsable » - Éric Ciotti

De quoi faire bondir de joie Éric Ciotti qui milite pour ces propositions depuis des années, quitte à s’aligner sur le RN. Salle de quatre colonnes, il ne boude pas son plaisir : « C’est un texte courageux, responsable, avec de vraies dispositions de nature à infléchir la politique migratoire en France ». « C’est un véritable tournant, un nouveau chemin est ouvert », a-t-il concédé.

Un engrenage qui fait de la doctrine historique du RN l’alpha et l’Omega du débat politique » - Gilles Le Gendre

« C’est la préférence nationale », avaient averti sur tous les tons les élus de gauche lors de la première réunion de la CMP lundi, sans aucune écoute de la part de la majorité. Une ligne rouge que certains ne veulent pas franchir au sein de la majorité, comme le député MoDem, Erwan Balanant qui a indiqué voter contre ou Gilles Le Gendre, député de Paris qui, en réunion de groupe Renaissance après la CMP mardi après-midi, redoutait que la majorité ne mette « le doigt, la main, puis le bras dans un engrenage qui fait de la doctrine historique du RN l’alpha et l’Omega du débat politique ».

Des accusations battues en brèche par le gouvernement qui tient sa position, malgré les avertissements d’une partie de son aile gauche qui aurait selon Le Figaro, menacé de démissionner en cas d’accord « trop dur » en CMP, quelques minutes avant le vote final.

Lors de la séance de Questions au gouvernement le jour même, la Première ministre a vertement répliqué au député communiste André Chassaigne : « sortez des slogans, des postures en voulant faire l’amalgame entre notre texte et les positions de l’extrême droite ». Une réunion de crise à l’Élysée était tenue à 18 heures, quelques heures seulement après cette déclaration.

Gérald Darmanin a pris le temps, salle des quatre colonnes, de répondre point par point aux satisfecit de Marine Le Pen qui plongent la majorité dans le malaise. « Marine Le Pen va voter pour les régularisations des travailleurs immigrés ? Et pour que les mineurs ne soient plus enfermés dans des centres de rétention administratifs ? », autant de compromis arrachés par la Macronie aux LR au cours des innombrables tractations qui se sont jouées depuis plus d’une semaine.

Ce texte est un texte d’extrême droite » - Patrick Kanner

À gauche, les mines sont déconfites. « Ce texte est un texte d’extrême droite. On a changé de paradigme dans ce pays », déclare, la mine grave, sur BFMTV, Patrick Kanner, président du groupe PS au Sénat. « Élisabeth Borne va-t-elle devenir la Première ministre du RN ? », tonnait Mathilde Panot depuis l’Assemblée nationale, présidente du groupe LFI.

Attristés, la plupart en appelaient à leurs collègues « humanistes » de la majorité, comme le président de la CMP et de la Commission des Lois, Sacha Houlié, qui annonce son vote contre, pour faire pencher la balance à gauche lors d’un vote décisif qui s’annonçait ce mardi à 21 h 30 dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale. Sauf si l’Élysée en décide autrement…

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