Loi immigration: Jacques Toubon dénonce "la préférence nationale" instaurée par le texte

Une voix qui porte de plus en plus. Alors que, quatre jours avant la très attendue décision du Conseil constitutionnel, les opposants à la loi immigration vont manifester ce dimanche à l'appel de 201 personnalités, Jacques Toubon, qui a lui-même signé cet appel, dénonce de nouveau le texte porté par le gouvernement. "On ne peut pas distinguer 'eux' et 'nous' quand on parle de la France et des Français", martèle l'ancien garde des Sceaux et Défenseur des droits sur l'antenne de Franceinfo.

"J’ai toujours défendu cette position qui est que l’histoire de France a été en grande partie faite, depuis deux siècles, par les personnes venues de l’étranger", rappelle-t-il.

"Contraire à nos principes constitutionnels"

Puis, l’ancien ministre chiraquien est entré dans le fond de sa réflexion. Selon lui, le texte de loi introduit "pour les droits sociaux et comment on les accorde", ce qu'il appelle "la préférence nationale."

"On dit qu'une personne française va avoir la prestation en trois mois et la personne étrangère en cinq ans. Il y a là, on ne s'en rend pas compte, une innovation, c'est l’introduction de la préférence nationale. Or, elle est contraire à nos principes constitutionnels", dénonce-t-il.

Le texte comprend en effet de nombreuses mesures controversées, comme le durcissement de l'accès aux prestations sociales, l'instauration de quotas migratoires, ou le rétablissement du "délit de séjour irrégulier".

Selon lui, l'argument selon lequel la population française est en majorité favorable à cette loi immigration n'est pas recevable. "Ce n'est pas l'opinion qui doit faire le droit fondamental", contre-attaque-t-il, alors que 70% des Français se disent satisfaits du texte.

"Si le bien commun se résume à ce qui est médiatiquement acceptable, je suis sûr qu'on basculera très vite de l'État de droit à un régime populiste", tacle-t-il encore.

"Vaste champ politique qui défend ce genre d'idées"

Toujours à l'antenne du média national, l'ancien défenseur des Droits estime que le passage de cette loi au Parlement n'est pas nécessairement une digue qui est tombée face à l'extrême droite.

"On s’aperçoit qu’aujourd’hui il y a un vaste champ politique qui défend ce genre d’idées. Je ne pense pas qu’on puisse taxer d’extrême droite beaucoup de ces parlementaires de la droite ou du centre qui ont voté ce texte", dit-il.

"Il y a un mouvement incontestable de droitisation. Ceci n’est pas seulement sur l’immigration", constate-t-il toutefois.

Les signataires de l'appel à manifester ce dimanche, dont les patronnes de la CFDT et de la CGT Marylise Léon et Sophie Binet, l'urgentiste Patrick Pelloux ou encore le cofondateur de Mediapart Edwy Plenel, estiment que la loi "a été rédigée sous la dictée des marchands de haine qui rêvent d'imposer à la France leur projet de 'préférence nationale'".

En cause, les nombreux ajouts du Parlement au texte initial du gouvernement, donnant une coloration très droitière à une loi qui devait initialement reposer sur deux volets, l'un répressif pour les étrangers "délinquants", l'autre favorisant l'intégration.

Article original publié sur BFMTV.com